Regard sur les placements mondiaux
Notre bulletin trimestriel Regard sur les placements mondiaux vient de paraître. Vous y trouverez une analyse approfondie de la situation de l’économie et des marchés financiers sous divers angles fascinants.
Résumé
La trajectoire de pandémie de COVID-19 est désormais bien connue : les aspects positifs et négatifs qui dominent sont les mêmes, sauf qu’ils ont évolué.
Du côté positif, la reprise économique se poursuit. Les actifs à risque se sont encore appréciés et l’espoir qu’une solution médicale sera mise au point grandit.
Du côté négatif, le virus continue de se propager, les pays émergents et les États-Unis étant les plus touchés. Il faut s’en inquiéter dans la mesure où cette tendance pourrait bien saper le redressement de l’économie et des marchés financiers dont nous avons parlé.
Statistiques sur le virus
Le nombre quotidien de nouveaux cas dans le monde continue d’augmenter ; récemment, il a même atteint un nouveau record de près de 180 000 cas. La tendance reste résolument orientée à la hausse (voir le graphique suivant). Près de neuf millions de personnes ont été infectées à l’échelle mondiale.
Propagation de la COVID-19 à l’échelle mondiale
Nota : Au 22 juin 2020. La pointe du 13 février 2020 est attribuable à un changement de méthode. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Comme d’habitude, le nombre de décès dresse un portrait moins sombre de la situation, puisqu’il est demeuré à peu près stable au cours du dernier mois. Toutefois, une tendance légèrement haussière semble maintenant se dégager à ce chapitre aussi (voir le graphique suivant). Selon les estimations officielles mondiales, près d’un demi-million de personnes sont maintenant décédées de la COVID-19.
Décès causés par la COVID-19 – Monde
Nota : Au 22 juin 2020. La pointe du 13 février 2020 est attribuable à un changement de méthode. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
D’après le New York Times, le nombre de décès pourrait être sous-évalué d’environ 15 % aux États-Unis et il y a lieu de penser que ce soit aussi le cas ailleurs. Néanmoins, le nombre de décès est probablement le plus représentatif (ou, plus précisément, le moins inexact) des deux méthodes d’estimation.
Les marchés émergents ont connu le pire de l’épidémie au cours des dernières semaines et la tendance se détériore. À l’inverse, la situation s’est généralement améliorée dans les pays développés, bien que ces progrès soient maintenant remis en question (voir le graphique suivant).
Les pays émergents sont maintenant aux prises avec la COVID-19
Nota : Au 22 juin 2020. Les chiffres des marchés développés correspondent au nombre de cas en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis et représentent 38,6 % des cas dans le monde. Les chiffres des marchés émergents correspondent au nombre de cas au Brésil, en Inde, en Iran, au Pérou, en Russie et en Turquie et représentent 30,6 % des cas dans le monde. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Dans les pays développés, le nombre quotidien de décès continue de baisser, mais le nombre d’infections pourrait bien recommencer à augmenter, et ce, de façon disproportionnée en raison de l’aggravation aux États-Unis (voir le graphique suivant).
Tendance des nouveaux cas par rapport aux décès dans les pays développés
Nota : Au 22 juin 2020. Les chiffres des marchés développés correspondent au nombre de cas et de décès en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis et représentent 38,6 % des cas dans le monde. Moyennes mobiles sur sept jours des nouveaux cas et des décès, indexées à 100, pour représenter le pic. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Les États-Unis ont récemment enregistré leur pire journée en nombre de nouveaux cas depuis le début de mai (voir le graphique suivant). Il existe cependant d’importantes divergences entre les États. D’anciens points chauds, comme l’État de New York, font assez bonne figure, tandis que dans d’autres régions, comme le Texas et la Floride, l’épidémie est plus virulente qu’elle ne l’a jamais été en mars, avril et mai.
Propagation de la COVID-19 aux États-Unis
Nota : Au 22 juin 2020. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Comme au niveau mondial, le nombre quotidien de décès aux États-Unis n’est pas aussi décourageant et poursuit son déclin (voir le graphique suivant). C’est la preuve irréfutable que contrairement à ce qu’affirment certains, le pays maîtrise la situation. Cependant, c’est peut-être simplement parce que le confinement reste imposé aux établissements de soins de longue durée, tandis que les jeunes (qui sont moins susceptibles de mourir de la maladie) reprennent petit à petit leurs activités habituelles.
Décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Nota : Au 22 juin 2020. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
L’examen des données internationales par habitant s’avère utile afin de déterminer les pays qui ont connu les éclosions les plus intenses (voir le graphique suivant). À ce chapitre, il y a peu de surprises. Parmi les principaux pays que nous suivons, les États-Unis ont connu le pire, suivis de la Suède, de l’Espagne et du Brésil. Trois de ces quatre pays sont toujours des foyers actifs du virus, tandis qu’après avoir beaucoup souffert, le quatrième – l’Espagne – a maintenant réussi à enrayer la maladie.
Incidence de la COVID-19 après ajustement en fonction de la population
Nota : Au 22 juin 2020. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Au Royaume-Uni, le taux d’infection a considérablement diminué au cours des derniers mois, mais à présent, il semble s’être immobilisé autour de 1 000 nouveaux cas par jour. Le Canada est en assez bonne posture et compte seulement 400 nouveaux cas par jour. Toutefois, les progrès sont devenus plus modestes au cours des dix derniers jours, peut-être à cause du retour à la normale partiel de l’activité. Plusieurs pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont également réussi à fortement ralentir le rythme des infections, mais semblent incapables d’aller plus loin.
Parmi les pays émergents, la Chine poursuit ses efforts pour endiguer la mini-épidémie qui a éclaté à Beijing. Nous sommes toutefois convaincus qu’elle y parviendra une fois de plus. Par contre, l’Inde éprouve toujours des difficultés et compte maintenant 15 000 nouveaux cas par jour. Certains hôpitaux refuseraient d’accueillir des patients.
En Amérique latine, le Brésil a récemment enregistré près de 55 000 nouveaux cas en une journée, un nombre qu’aucun autre pays n’a égalé. Dans ce pays, la tendance réelle tourne plutôt autour de 25 000 à 30 000 nouveaux cas par jour, ce qui reste plus élevé que partout ailleurs, sauf aux États-Unis. La situation demeure difficile au Chili et au Pérou, tandis que le Mexique n’a toujours pas maîtrisé l’épidémie.
Connaissances scientifiques sur le virus
Les chercheurs continuent d’étudier les nombreuses questions scientifiques pressantes sur la COVID-19 et trouvent parfois des réponses.
Éclosion précoce de la maladie
L’Italie, la France et l’Espagne ont mené des analyses fascinantes des eaux usées. Les résultats montrent que la COVID-19 était déjà présente en Italie et en France dès décembre 2019, et en Espagne dès janvier 2020. Dans tous les cas, c’est beaucoup plus tôt qu’on le croyait.
Taux de mortalité
De plus en plus de recherches révèlent que le taux de mortalité réel associé à la COVID-19 se situe entre 0,5 % et 1,0 %, soit la fourchette que nous utilisons depuis le début de la pandémie. Étant donné que le nombre de décès parmi les personnes infectées est beaucoup plus important, on peut se demander si le taux réel ne serait pas plus élevé. Cependant, n’oublions pas que de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués, entraînant une surestimation de la mortalité.
Immunité durable
On ne sait pas très bien comment l’immunité fonctionne en ce qui concerne la COVID-19. Les scientifiques semblent de plus en plus convaincus qu’il est possible d’être temporairement immunisé contre le virus et, fait rassurant, peu de personnes affirment avoir été infectées plus d’une fois. Cependant, d’après quelques études récentes de moindre envergure, les personnes qui ont présenté des symptômes semblent bénéficier d’une protection plus forte que celles qui étaient asymptomatiques et l’immunité pourrait ne durer que quelques mois. Voilà qui est décourageant, puisque la majorité des personnes infectées pourraient ne présenter aucun symptôme et qu’en plus, personne ne souhaite recevoir plusieurs fois le même vaccin chaque année. Toutefois, il reste encore beaucoup de choses à découvrir.
Distance sécuritaire
Bien que certains scientifiques contestent déjà les résultats, de récentes recherches demandées par l’Organisation mondiale de la santé sur la distance sécuritaire indiquent que le maintien d’une distance d’un mètre par rapport à une personne infectée réduit le risque de contracter le virus de 13 % à 3 %. Une distance plus grande n’apporte qu’un léger avantage. En l’augmentant à deux mètres, conformément aux recommandations habituelles, le risque passe à environ 1,5 %. L’étude a été critiquée parce qu’elle n’a pas intégré différentes hypothèses sur la durée du contact, une variable tout à fait pertinente.
Masques
En accord avec le bon sens, une étude confirme que le port de masques réduit la transmission de la COVID-19, du moins parmi les hamsters ! Elle montre que 5/6 des transmissions étaient interrompus lorsque la partie infectée portait un masque et que le risque de transmission diminuait d’un tiers si la partie non infectée portait un masque. Le port du masque constitue surtout un geste bienveillant, mais il comporte des avantages personnels.
Développement de médicaments
Les défis fondamentaux liés à l’élaboration d’un médicament ou d’un traitement contre la COVID-19 sont bien compris. Il a toujours fallu au moins quatre ans pour mettre au point un vaccin. De plus, des traitements efficaces existent pour seulement une dizaine des quelque 200 virus qui s’attaquent aux humains. Les autres posent des problèmes insurmontables ou du moins difficiles à résoudre sans un effort herculéen.
Heureusement, un effort massif est en cours sur plusieurs fronts et dans de nombreux pays pour trouver un traitement contre la COVID-19. Il finira sûrement par porter ses fruits.
Une approche consiste à identifier les composés existants qui améliorent le pronostic chez ceux qui ont déjà contracté le virus. À cet égard, une avancée importante a été réalisée : on a récemment annoncé qu’un médicament, la dexaméthasone, semblait abaisser de 33 % le taux de mortalité des personnes sous respirateurs. Bien que cela puisse paraître modeste et que le virus reste virulent, il s’agit d’un grand pas en avant par rapport aux innovations pharmaceutiques habituelles. Éviter jusqu’à un tiers des décès causés par la COVID-19 mérite certainement ces efforts. De plus, le médicament devrait être aisément accessible étant donné son prix assez bas.
Divers traitements à base d’anticorps sont également à l’étude. Ils consistent à utiliser les anticorps d’une personne qui a été infectée pour en protéger une autre. Ils pourraient être distribués dès cet automne.
Enfin, plus de 135 vaccins potentiels sont en cours de développement. On est encore loin de la commercialisation pour nombre d’entre eux, mais sept en sont aux essais de phase 1, sept autres, aux essais de phase 2, et un en est à l’étape finale des essais de phase 3. Le fabricant, qui a établi un partenariat avec la Fondation Gates, augmente déjà ses capacités de production en vue de produire jusqu’à 2 milliards de doses d’ici la fin de 2021. Certes, c’est un pari un peu risqué, puisqu’on ne sait pas encore si le vaccin fonctionnera. Ce serait toutefois un grand bond en avant en cas de succès. Par ailleurs, 2 milliards de doses ne suffiront pas pour répondre à la demande mondiale ; même si ce scénario positif se concrétise, la plupart des gens ne seront toujours pas vaccinés au début de 2022. De plus, les vaccins sont rarement parfaits, même lorsqu’ils fonctionnent. La réussite se définit comme la réduction de la probabilité de transmission pendant un certain temps ; la personne vaccinée n’est jamais totalement protégée de façon permanente.
Tendances économiques
Données en temps réel
D’après les données sur la mobilité que nous suivons, la reprise économique continue dans de nombreux pays (voir le graphique suivant). Les États-Unis et le Canada ont repris plus de la moitié de l’activité perdue. L’Italie est à un stade plus avancé de la reprise, tandis que le Royaume-Uni est à la traîne.
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Nota : Données en date du 14 juin 2020. Écarts avec le niveau de référence, normalisation par rapport aux États-Unis. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, Macrobond, RBC GMA
Au cours des dernières semaines, nous avions souligné que, même si la reprise se poursuivait, elle semblait perdre de la vitesse. En effet, la production la plus facile à redémarrer revient à la normale en premier, les progrès subséquents se révélant de plus plus difficiles à réaliser. Cette théorie nous paraît toujours aussi raisonnable et elle sous-tend nos prévisions économiques. Toutefois, nous devons admettre que le dernier sondage sur les ventes des entreprises américaines semble indiquer un bond important. En une semaine, les ventes estimatives sont passées de 25 % à 20 % en deçà de la moyenne. Or, la précédente hausse de cinq points de pourcentage avait pris près d’un mois (voir le graphique suivant). À notre avis, le rythme de la reprise se stabilisera à nouveau, car aucune autre donnée n’a grimpé aussi rapidement depuis la mi-juin.
Effet dévastateur de la COVID-19 sur les nouvelles commandes et les ventes des entreprises américaines
Nota : Estimations correspondant à la moyenne pondérée de la variation en pourcentage des nouvelles commandes ou des ventes pour l’ensemble des répondants. Sources : Enquête hebdomadaire de la Réserve fédérale de Philadelphie sur les perspectives des entreprises quant à la pandémie de COVID19, RBC GMA
Données traditionnelles
Les premières données économiques traditionnelles pour le mois de mai sont maintenant disponibles. Elles confirment le redressement de l’économie et il semblerait même que les consommateurs aient été beaucoup plus enthousiastes que prévu. En mai, les ventes au détail ont grimpé de 18 % aux États-Unis, alors qu’on s’attendait à un gain de seulement 8 %. Les ventes au détail demeurent nettement inférieures à ce qu’elles étaient avant la crise de la COVID-19. Il n’en reste pas moins remarquable que l’activité ait récupéré 62 % de son déclin (voir le graphique suivant).
L’économie américaine rebondit à mesure que les États poursuivent leur réouverture
Nota : En date de mai 2020. Sources : Census Bureau des États-Unis, Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
À l’inverse, la production industrielle aux États-Unis n’a pas connu un rebond aussi exaltant en mai. Le redressement n’a été que de 1 %, soit seulement 8 % de la baisse antérieure (comme le montre le graphique ci-dessus). Le secteur manufacturier a été responsable de l’ensemble du gain, tandis que les mines et les services publics stagnent.
Alors que la Chine a connu un rebond complet et énergique de son secteur manufacturier, mais seulement une reprise partielle de la consommation, il est fascinant de constater que la tendance est tout à fait contraire aux États-Unis. Dans un sens, chaque pays tire parti de ses propres atouts : le tout puissant consommateur américain se montre résilient, tout comme le légendaire secteur manufacturier chinois.
L’indice de confiance de la National Association of Home Builders est passé de 37 en mai à 58 en juin (50 représentant une lecture neutre). Le dernier indice révèle un niveau d’optimisme nettement inférieur à celui qui prévalait en décembre 2019 (76), mais il s’agit d’une lecture tout à fait normale par rapport aux normes de la dernière décennie. Par conséquent, il y a lieu de penser que les mises en chantier de logements rebondiront bientôt pour atteindre un niveau équivalent à celui des demandes de prêts hypothécaires. Les marchés du logement demeurent étonnamment peu touchés par la crise.
Dynamisme aux États-Unis
Nous sommes vraiment renversés de voir à quel point les Américains ont repris une vie normale malgré la pandémie. Cela témoigne de la résilience des gens, mais en même temps c’est un signe que le virus pourrait s’avérer plus difficile à contenir aux États-Unis qu’ailleurs.
Il est certain que l’activité économique est en hausse presque partout. Mais le fait que le taux d’occupation des hôtels aux États-Unis ait maintenant atteint 42 % et continue de progresser de façon constante est absolument surprenant (voir le graphique suivant). Ce résultat est à comparer au creux de 22 % (étonnamment élevé en soi) et au niveau de référence de 73 % en juin 2019. Bien que le secteur du tourisme soit encore loin d’avoir retrouvé des valeurs normales, on s’attendait généralement à ce que ce soit le dernier secteur à se rétablir. Et pourtant, près de la moitié des chambres d’hôtel aux États-Unis sont occupées présentement.
Forte hausse du taux d’occupation des hôtels aux États-Unis
Nota : Données pour la semaine se terminant le 13 juin 2020. Sources : STR, Wall Street Journal et RBC GMA
Décalage
Ce n’est pas là une idée nouvelle, mais la différence entre la reprise de l’activité dans son ensemble, qui s’est redressée d’environ 30 % à 40 % par rapport à sa chute initiale, et la faiblesse du marché du travail, constitue certainement un des cas les plus étranges de décalage économique. Sur les 23 millions de personnes supplémentaires qui ont reçu des prestations de chômage aux États-Unis au pire de la pandémie, seulement 4,4 millions ont récupéré entre-temps leur emploi, selon les données sur les inscriptions au chômage. Autrement dit, le marché du travail ne s’est redressé que d’environ 20 % par rapport à sa baisse initiale. L’inadéquation entre le marché du travail et l’activité économique ne peut être résolue que de l’une des deux façons suivantes.
Tout d’abord, il se pourrait que l’on assiste au cours des prochaines semaines à un bond spectaculaire de l’emploi. C’est tout à fait possible, mais les dernières données sur les demandes initiales de prestations (qui sont publiées une semaine plus tôt que les demandes continues) n’indiquent manifestement pas une tendance dans cette direction. De plus, la reprise économique s’est déroulée principalement à la fin du mois de mai, et les données disponibles sur l’emploi sont déjà comprises dans cette période.
Deuxièmement, il se pourrait que la productivité ait fortement progressé. Il s’agit en partie d’un simple exercice mathématique, puisqu’il est logique que le niveau moyen de productivité ait augmenté dans la mesure où des emplois moins rémunérés et moins productifs ont été supprimés de façon disproportionnée. Mais cela n’explique pas tout. Et ce ne serait pas une mince affaire de faire face à un bond de productivité de 10 % à 20 % en un seul coup. Il faut parfois attendre jusqu’à une génération avant d’observer des gains de ce type, qui sont normalement attribuables à plusieurs facteurs, comme des ordinateurs plus évolués et des travailleurs plus qualifiés. Or, rien de tout cela n’a beaucoup changé au cours des quatre derniers mois. Il se pourrait que le télétravail et le magasinage en ligne aient entraîné d’énormes gains de productivité, mais il serait vraiment remarquable qu’il ait fallu attendre l’apparition d’un virus avant que l’on puisse réaliser des gains aussi faciles à atteindre.
Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas de réponse parfaite pour expliquer ce décalage, qui a probablement pour origine une variété de causes. Les données de juin sur l’emploi devraient nous en dire plus sur les différents facteurs en jeu.
Faiblesse au Canada
Les données économiques canadiennes sont généralement publiées bien après celles des États-Unis. Dans le contexte actuel, le Canada fait piètre figure puisque le pays présente les données d’avril (le pire mois de la pandémie) en même temps que celles de mai (qui a été le mois de la reprise).
Malgré cette illusion d’optique désavantageuse pour le Canada, les données d’avril sont épouvantables. Les ventes au détail ont lourdement chuté de 26 %, après avoir diminué de 10 % en mars. Cela représente une baisse cumulative de 34 %, bien pire que la baisse équivalente de 22 % entre le sommet et le creux aux États-Unis.
Les résultats du commerce de gros au Canada, en baisse de 22 % en avril, ont été presque aussi mauvais. Si on additionne le commerce de gros et de détail, les résultats réels ont été inférieurs d’environ 10 points de pourcentage par rapport aux prévisions. Par conséquent, on craint que les données du PIB canadien en avril soient pires que les estimations rapides fournies par l’organisme de statistique, qui tablait sur une baisse de 11 % à la fin mai.
Heureusement, Statistique Canada a indiqué que les ventes au détail se sont redressées de 19 % en mai. Toutefois, même si ce résultat paraît impressionnant, le fait que le commerce de détail parte d’aussi bas en mai signifie que les résultats ne seront probablement pas meilleurs que ceux d’avril aux États-Unis (ne représentant qu’une fraction de leur activité « normale » respective).
Une crise atypique
Habituellement, des secteurs comme le prêt sur gages et la reprise de possession prospèrent pendant les périodes de ralentissement, car les gens sont à court d’argent et sont souvent incapables de rembourser leurs prêts. Cette récession s’avère toutefois bien différente, en partie parce qu’elle n’a pas pour cause des excès économiques, mais plutôt un virus, et surtout parce que les gouvernements soutiennent généreusement les ménages.
Il y a quelques semaines, nous avons parlé de la manière dont les prêteurs sur gages ont vu leur activité décliner, car certains ménages à faible revenu finissent par gagner plus d’argent qu’avant la crise. Cette fois-ci, les nouvelles viennent du secteur des professionnels chargés de reprendre possession des biens lorsque les personnes ne peuvent plus rembourser leur prêt. Le Wall Street Journal rapporte que l’activité dans ce secteur a également fortement ralenti, ce qui indique que la situation financière des ménages ne se détériore pas autant qu’on le craignait au départ.
Cela renvoie à un autre risque qui pourrait entraver la reprise économique. Il existe d’une part un risque évident que l’activité économique doive être stoppée une fois de plus si une deuxième vague d’infections se manifeste dans certains endroits (ce dont nous parlerons bientôt). D’autre part, il est important de s’attarder un instant sur le fait que cette reprise est loin, jusqu’à présent, de tirer sa propre force d’elle-même. Elle est soutenue par de généreux chèques gouvernementaux. Même si les mesures de relance ne font l’objet que d’un retrait progressif – en évitant le mur budgétaire tant redouté – nous devons encore établir si l’activité économique peut être soutenue dans des conditions plus normales. Pour le moment, les perspectives sont bonnes sur le plan des dépenses, mais les entreprises ont été réticentes à embaucher. Elles devront toutefois le faire si on veut que les dépenses se maintiennent de façon durable.
Risque d’une deuxième vague
En nous appuyant sur les travaux que nous avons communiqués au cours des semaines précédentes, nous présentons nos dernières réflexions sur les pays qui risquent le plus de souffrir de la poursuite de la propagation de la COVID-19 (voir le graphique suivant). Sans surprise, les trois pays les plus vulnérables sont la Suède, les États-Unis et le Brésil. Pourquoi ? La Suède n’a pas restreint les activités autant que les autres pays, les États-Unis ont rouvert leur économie prématurément, et le Brésil a eu de la difficulté à gérer l’épidémie depuis le début.
Probabilité que la COVID-19 se propage selon l’ampleur des mesures de confinement et les taux de transmission actuels
Nota : Au 12 juin 2020. Facteurs de probabilité liés à la rigueur du confinement et au nombre de restrictions assouplies, taux de transmission et prévalence de la COVID-19 ajustée à la population. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, CEPCM, ONU, Macrobond et RBC GMA
Nous avons maintenant étendu cette analyse aux États américains, étant donné que la majorité d’entre eux (29 des 50 États plus Washington DC) subissent un taux de transmission supérieur à un (voir le graphique suivant).
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de 1
Nota : Au 21 juin 2020. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour, en tenant compte d’une moyenne mobile de sept jours. Un taux de transmission supérieur à un signale une augmentation du nombre quotidien de nouveaux cas. Comprend Washington DC. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond et RBC GMA
L’analyse révèle peu de surprises. Les grands États les plus à risque sont le Texas et la Floride. Les États les plus petits comprennent l’Arizona, l’Idaho et la Caroline du Sud (voir le graphique suivant).
Probabilité que la propagation se poursuive, selon l’ampleur des mesures de confinement et les taux de transmission actuels de la COVID-19
Nota : Au 21 juin 2020. Facteurs de probabilité liés à la rigueur du confinement et au nombre de restrictions assouplies, taux de transmission et prévalence de la COVID-19 ajustée à la population. Sources : Google, The COVID Tracking Project, Census Bureau des États-Unis, Macrobond et RBC GMA
Le cas du Texas mérite une attention particulière (voir le graphique suivant), non seulement parce qu’on y assiste à une forte progression du nombre de nouveaux cas, mais également à une augmentation tout aussi nette du nombre d’hospitalisations et à une hausse du nombre de taux positif des tests de dépistage de la COVID-19.
État du Texas
Nota : Au 21 juin 2020. Moyennes mobiles sur sept jours des nouveaux cas quotidiens utilisées comme courbe de tendance. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond, RBC GMA
La Floride est aux prises avec les mêmes défis (voir le graphique suivant).
État de la Floride
Nota : Au 21 juin 2020. Moyennes mobiles sur sept jours des nouveaux cas quotidiens utilisées comme courbe de tendance. Les résultats positifs correspondent à la moyenne mobile sur trois jours des nouveaux cas/nouveaux tests. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond, RBC GMA
À l’inverse, de nombreux États (comme New York) qui avaient connu de graves problèmes à la fin de mars et au début d’avril ont tiré les leçons de cette situation et tous les paramètres pertinents semblent aujourd’hui extrêmement prometteurs (voir le graphique suivant).
État de New York
Nota : Au 21 juin 2020. Moyennes mobiles sur sept jours des nouveaux cas quotidiens utilisées comme courbe de tendance. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond, RBC GMA
Comment peut-on régler la situation ? Une solution est peut-être en train de se dessiner ; toutefois, il reste à savoir si elle sera suffisamment efficace.
De nombreux gouverneurs d’État – en particulier ceux d’allégeance républicaine – refusent de réimposer un confinement pour des raisons politiques. Cependant, certains ont peut-être trouvé une bonne idée, en déléguant des pouvoirs aux maires afin qu’ils puissent séparément opter pour l’adoption de mesures de distanciation sociale plus rigoureuses. Des villes comme Austin et Tampa s’occupent déjà de dicter leurs propres règles de distanciation sociale. Celles-ci pourraient se sortir de justesse de la pandémie, mais les maires de nombreuses autres villes sont beaucoup moins sensibles à la nécessité d’imposer la distanciation sociale. Dans de tels cas, il incombera aux entreprises de prendre des mesures plus strictes et aux particuliers de faire preuve d’initiative.
Un monde « sans croissance » ?
L’arrivée de la COVID-19 a suscité de nouvelles discussions sur la possibilité d’un monde « sans croissance ».
À court terme, le virus a indéniablement freiné la croissance, mais, pour beaucoup, ses répercussions n’ont pas été particulièrement dévastatrices, étant donné la mise en œuvre de mesures de relance gouvernementales temporaires. Plus fondamentalement, la pandémie a incité beaucoup de gens à revoir leur système de valeurs. Si elle a fait ressortir l’importance de la santé par rapport à celle de l’activité économique, de même que l’importance des relations interpersonnelles et des loisirs, elle a aussi mis en lumière les graves inégalités qui subsistent dans la société. La crise de la COVID-19 aura même permis de remettre en questions certaines hypothèses sur ce qui est possible d’un point de vue environnemental, grâce à la baisse du trafic aérien et de la circulation routière, et à la chute des émissions qui en a résulté.
Bien que la question suscite un nouvel intérêt, elle ne date pas vraiment d’hier. Il y a quatre-vingt-dix ans, le grand économiste Keynes imaginait que ses petits-enfants ne travailleraient que 15 heures par semaine, choisissant de convertir la productivité croissante de la société en loisirs supplémentaires plutôt qu’en richesse additionnelle. Bien sûr, cela ne s’est jamais produit.
Au cours de la dernière décennie, on a assisté à une baisse de la croissance. Le taux normal de croissance économique a diminué, passant de 3 % à 2 % par année. Certains pays tentent de maximiser d’autres éléments que le PIB, comme le bonheur, et de mieux tenir compte de facteurs externes comme l’environnement et l’importance des loisirs.
Bon nombre de ces tendances sont susceptibles de se poursuivre à l’avenir. Néanmoins, un monde entièrement « sans croissance » n’est sans doute pas nécessaire.
D’un point de vue humain, la dernière génération n’a pas vécu une hausse de la prospérité financière semblable à celle des générations précédentes. Pour beaucoup, il s’agit d’une réalité très frustrante, ce qui indique que la croissance de la prospérité économique est encore hautement valorisée. De plus, il est prouvé que les personnes au sommet de l’échelle des revenus choisissent de travailler plus d’heures que la moyenne, plutôt que de profiter davantage de leurs temps libres, comme le suggère la théorie.
Sur le plan de l’environnement et du développement durable, la croissance économique n’est pas en soi un problème, à moins qu’elle ne nécessite une utilisation supplémentaire des ressources. Mais une bonne part de l’activité économique – la majorité du secteur des services, notamment – requiert très peu de ressources et peut donc se permettre de prendre de l’ampleur sans avoir d’effets notables sur l’environnement ou le développement durable. Ce type de croissance n’est pas incompatible avec les autres aspirations de l’humanité. La consommation des ressources découlant de l’activité économique diminue depuis un certain temps déjà.
Dans la mesure où les décideurs politiques tentent de remédier aux inégalités, cela pourrait bien réduire le rendement du capital pour les investisseurs. Mais il pourrait aussi en résulter une plus forte croissance économique, selon une série d’études soutenant que les inégalités importantes nuisent à la croissance.
À cet égard, les principes fondamentaux de l’économie méritent d’être revus. La croissance du PIB découle de deux facteurs : l’augmentation du nombre de travailleurs et l’augmentation de la productivité.
L’augmentation du nombre de travailleurs ralentit pour des raisons démographiques, mais on prévoit encore une hausse pour le reste du 21e siècle. L’âge de la retraite continue de croître, tout comme la participation des femmes à la population active (bien que cette augmentation soit moins forte qu’auparavant). Par conséquent, on peut raisonnablement s’attendre à une hausse de la main-d’œuvre, à moins d’une réduction du nombre d’heures par travailleur.
De même, la productivité tend à augmenter au fil du temps. Les entreprises maximisent leurs profits, ce qui nécessite souvent de meilleures idées et de meilleures façons de faire. À tout le moins, un retour aux vieux lecteurs VHS pour regarder des films (comprendre ici un retour à des technologies dépassées) semble peu probable. Un effondrement des investissements suffirait peut-être à affaiblir la productivité, car il entraînerait une baisse du capital social, mais, autrement, cette éventualité est difficile à concevoir. Des réglementations trop strictes et des impôts trop élevés pourraient fortement ralentir l’innovation, sans l’arrêter complètement.
En bref, même si les sociétés accordent une importance grandissante aux objectifs non économiques – ce qui s’explique en partie, mais pas uniquement, par la COVID-19 –, il semble peu probable que les gouvernements soient contraints de sacrifier entièrement la croissance économique. Et n’oublions pas que de nombreux objectifs gouvernementaux exigent des fonds considérables, qu’il est plus facile de recueillir avec une économie en santé.
Relations entre les États-Unis et la Chine
Depuis un certain temps, les relations entre les États-Unis et la Chine sont tendues. Chacun accable l’autre de reproches (voir le graphique suivant). Parmi les griefs de la Chine à l’égard des États-Unis figurent ceux-ci :
- l’imposition récente de droits de douane et de restrictions aux grandes entreprises comme Huawei
- son influence considérable dans le Pacifique
- son ingérence dans les dossiers de Hong Kong
- sa mainmise sur l’ordre mondial
Pour leur part, les États-Unis se plaignent de l’excédent commercial de la Chine, de ses mesures de contrôle des capitaux, de la conduite de ses sociétés d’État et du vol présumé de droits de propriété intellectuelle. Les États-Unis s’insurgent par ailleurs contre l’exigence imposée aux sociétés américaines exerçant leurs activités en Chine de se lancer dans des projets communs avec des partenaires locaux. Les doléances des États-Unis visent aussi les pratiques de la Chine à Hong Kong et la contestation par la Chine de l’ordre mondial.
Désaccords importants entre les États-Unis et la Chine
En date de juin 2020. Sources : Haver Analytics, Wikipédia, RBC GMA
Une grande partie de ce conflit était vraisemblablement inévitable. Un nombre croissant d’études se penchent sur les relations historiques entre les puissances mondiales. Comme l’économie de la Chine a progressé pour répondre à la demande de sa population, il fallait s’attendre à ce que l’hégémonie d’un pays tire à sa fin au profit d’un monde multipolaire. D’un point de vue économique, les époques multipolaires peuvent s’avérer difficiles, car plusieurs pays se disputent le contrôle, divisant le monde en différents groupes d’intérêts et sapant les institutions mondiales (voir le graphique suivant).
Les ères multipolaires nuisent au commerce mondial
Nota : Moyenne des importations en % du PIB, pondérée en fonction de la population des pays. 148 pays utilisés de 1791 à 1995 ; 126 pays après 1995. Sources : Chase-Dunn, C., Kawano, Y., Brewer, B., « Trade Globalization Since 1975: Waves of Integration in the World System », American Sociological Review, 2000, Haver Analytics, RBC GMA
Le livre Destined for War de Graham Allison va jusqu’à dire que les nouvelles puissances se retrouvent presque inévitablement en guerre contre les puissances en déclin qu’elles remplacent. Cette affirmation semble un peu trop cynique étant donné les liens économiques étroits entre les pays et les dommages considérables qu’une telle issue infligerait aux deux parties. Or, on peut vraisemblablement s’attendre à de vives frictions entre les nations dans un proche avenir.
L’arrivée de la COVID-19 a aggravé les relations. D’une manière générale, les crises tendent à stimuler l’isolationnisme. Dans ce contexte précis, les États-Unis jettent le blâme sur la Chine : le virus a fait son apparition dans la ville chinoise de Wuhan. Les sociétés chinoises cotées aux États-Unis font maintenant l’objet d’un contrôle plus étroit et certaines quittent le marché. Les États-Unis et d’autres pays reconnaissent de plus en plus leur profonde dépendance commerciale à l’égard de la Chine et cherchent à diversifier leurs chaînes logistiques. Les voyages étant limités, le fossé entre les deux pays ne peut que se creuser.
La suite dépendra beaucoup du résultat des élections américaines de novembre. Un deuxième mandat de M. Trump pourrait nuire encore davantage aux relations entre les États-Unis et la Chine. Bien qu’une administration Biden puisse réduire les tensions, il serait naïf de croire qu’une administration américaine pourrait compter la Chine parmi ses amis. La façon de penser des deux pays a profondément changé au cours des dernières années. Une administration démocrate accorderait moins d’attention aux droits de douane, mais elle serait probablement plus ferme à propos de questions telles que les droits de la personne, le droit du travail et l’environnement.
En résumé, la relation de la Chine avec les États-Unis restera sans doute tendue pendant de nombreuses années. Le reste du monde n’a d’autre choix que d’être pris dans cet engrenage. La COVID-19 n’a pas aidé, mais ce n’est pas la raison fondamentale du conflit.
Marchés financiers
Les actifs à risque ont connu une progression remarquable au cours des derniers mois. L’indice S&P 500 a affiché sensiblement le même rendement par rapport à ses sommets d’avant la COVID-19, et ce, malgré une deuxième vague virale croissante et le fait que la relance économique sera probablement graduelle, même dans des scénarios favorables.
Par conséquent, nous avons réduit la surpondération tactique des actions recommandée pour un portefeuille mondial équilibré, la laissant légèrement au-dessus de notre (nouvelle) cible neutre de 60 %. Il est tout de même raisonnable de croire que les actions surclasseront les obligations et les liquidités à long terme. Et, à court terme, il demeure tout à fait possible que les actions surpassent les deux autres catégories de titres. Les valorisations boursières sont cependant devenues beaucoup moins attrayantes au cours des derniers mois, et le risque d’une résurgence du virus s’amplifie. Ces facteurs favorisent donc une approche plus prudente.
– Avec la contribution de Vivien Lee et Graeme Saunders.
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