Récapitulatif du sommet de Jackson Hole
- Le sommet annuel de Jackson Hole a offert une importante tribune au président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, dans le cadre du débat sur la trajectoire d’assouplissement de la politique monétaire des États-Unis.
- Powell n’a pas entièrement répondu aux attentes du marché à l’égard d’une réduction marquée des taux d’intérêt. La Fed a plutôt fait savoir qu’elle prévoit maintenir une certaine flexibilité à l’approche de la décision du 18 septembre relative aux taux, et a souligné que l’amélioration des conditions financières contribuait à renforcer les perspectives de croissance. Plutôt que de s’inspirer de cycles d’assouplissement plus récents qui se sont transformés en récession, M. Powell reste d’avis que les ralentissements de milieu de cycle de 1995 et de 1998 sont les points de comparaison appropriés.
- De toute évidence, une réduction des taux demeure l’hypothèse par défaut et M. Powell a reconnu que des risques à la baisse importants compromettaient la réalisation du scénario de base. Qui plus est, il a réitéré le commentaire de la plus récente réunion du FOMC annonçant un assouplissement, à savoir que la Fed prendrait les mesures appropriées pour soutenir l’expansion.
- Réfutant en quelque sorte les récentes critiques formulées par le président Trump à son encontre, M. Powell a indiqué que la politique monétaire ne pouvait résoudre les problèmes de tarifs douaniers.
- Les exposés d’universitaires présentés parallèlement à ceux des praticiens de la politique monétaire contenaient aussi certaines affirmations et conclusions intéressantes. L’exposé qui a le plus retenu l’attention, de concert avec une citation de M. Powell, a été corédigé par Larry Summers. Celui-ci soutient que le niveau neutre des taux d’intérêt est encore plus bas qu’on le croit généralement, ce qui a des conséquences haussières pour les obligations et est de nature à engendrer une politique monétaire accommodante.
- Nous continuons de prévoir quelques réductions supplémentaires de 25 pb par la Fed d’ici la fin de 2019.
Surenchère dans la guerre commerciale
- La saga commerciale entre les États-Unis et la Chine se poursuit, l’humeur semblant alterner de jour en jour entre le pessimisme et l’optimisme.
- Le vendredi 23 août a été une journée particulièrement pénible.
- La Chine a annoncé qu’elle imposerait de nouveaux tarifs douaniers de 5 % à 10 % sur des produits américains d’une valeur de 75 milliards de dollars. Ces tarifs visent 5 078 produits distincts, y compris le porc, le soja, les noix et les petits aéronefs. Beijing a par ailleurs rétabli les tarifs sur les automobiles et les pièces automobiles, qu’elle avait annulés en décembre dernier. En procédant de la sorte, la Chine riposte de façon officielle à l’annonce des États-Unis, au début du mois d’août, de tarifs douaniers sur une nouvelle tranche de 300 milliards de dollars de biens chinois. L’ampleur des représailles du gouvernement chinois correspond généralement aux attentes.
- La Maison-Blanche a par la suite répliqué de trois façons :
- Premièrement, le président Trump a annoncé une hausse des tarifs douaniers sur divers produits chinois. Ainsi, les tarifs douaniers déjà applicables à près de 250 milliards de dollars de produits chinois passeront de 25 % à 30 % à compter du 1er
- Deuxièmement, la tranche d’environ 300 milliards de dollars de produits chinois devant être frappés de tarifs plus tard cette année le sera à hauteur de 15 % plutôt que de 10 %, comme il était prévu au départ. Une partie de ces tarifs s’appliquera dès le 1erseptembre et une autre partie, à compter du 15 décembre.
- Troisièmement, le président Trump a déclaré sur Twitter qu’il ordonnait aux sociétés américaines de commencer à chercher des solutions de rechange à la Chine. Dans les faits, à moins de déclarer une urgence nationale, le président américain n’a pas l’autorité requise pour obliger les sociétés à cesser de traiter avec la Chine. M. Trump a déjà menacé de déclarer une urgence nationale pour obtenir le financement du mur qu’il souhaite faire ériger à la frontière avec le Mexique, mais il n’a finalement pas mis cette menace à exécution. Selon certaines études, les sociétés américaines s’affairent déjà à transférer leurs activités de production de la Chine vers l’Asie du Sud-Est et le Mexique.
- La dernière fin de semaine a été marquée par une succession de bonnes et de mauvaises nouvelles. Au sommet du G7 tenu en France, le président Trump a d’abord déclaré qu’il avait des doutes en ce qui concerne la pertinence de la guerre commerciale avec la Chine. Mais plus tard, la Maison-Blanche a publié un communiqué qui affirmait exactement le contraire, c’est-à-dire que si M. Trump regrettait quoi que ce soit, c’était de ne pas avoir augmenté encore plus les tarifs douaniers imposés à la Chine.
- Le lundi 26 août, les nouvelles sont redevenues bonnes, la Maison-Blanche faisant savoir que des discussions avaient en lieu dimanche soir entre les États-Unis et la Chine et le président Trump estimant que les négociations n’avaient jamais été aussi significatives. Étrangement, la Chine a tout d’abord nié que de telles négociations avaient eu lieu.
- Que faut-il en penser ? Nous ne sommes pas convaincus que les États-Unis et la Chine puissent conclure une entente viable et exhaustive. Les divergences entre les deux pays restent considérables en ce qui a trait à d’importants enjeux. À moins qu’un des deux pays capitule à cause des difficultés économiques ou de la faiblesse des marchés financiers, nous prévoyons que la querelle et les tarifs douaniers qui y sont liés persisteront encore quelque temps.
- Heureusement, les plus récentes décisions en ce qui concerne les droits douaniers ne modifient pas sensiblement la situation économique. La Chine avait pour sa part déjà signalé ses intentions. Les répercussions de la hausse de 5 % des tarifs par le gouvernement américain pourraient amputer de 0,10 % à 0,15 % de la croissance aux États-Unis et en Chine au cours des prochaines années. Cette proportion n’est pas négligeable, mais il ne s’agit pas d’un changement radical par rapport aux prévisions précédentes.
- En ce qui concerne les relations entre les autres pays, nous avons reçu quelques bonnes nouvelles.
- Il semble que les États-Unis et la France se soient entendus en ce qui concerne la taxe que la France envisage d’imposer aux grandes multinationales du domaine technologique (surtout d’importantes sociétés américaines). Cette taxe pourrait en fin du compte être remplacée par un dispositif que prépare l’OCDE pour surmonter la difficulté d’appliquer une taxe sur les services numériques dans l’un ou l’autre territoire.
- Il semble aussi que les rencontres au sommet du G7 se sont traduites par un accord commercial global entre les États-Unis et le Japon, dont les détails ne sont pas encore fixés. À bien des égards, l’accord de principe ressemble au PTPGP dont le président Trump s’était retiré dès le début de son mandat. Ainsi, les États-Unis obtiennent un meilleur accès au secteur agricole nippon. Le Japon achètera apparemment davantage de maïs américain pour résorber l’excédent causé par la Chine. Pour sa part, le Japon évite de payer des tarifs douaniers plus élevés sur les voitures japonaises vendues aux États-Unis, du moins pour le moment.
Vers une stabilisation macroéconomique ?
- Depuis le début de 2018, la situation économique demeure principalement caractérisée par un ralentissement de la croissance.
- Cependant, il arrive à l’occasion que de légères secousses viennent faire dévier cette trajectoire. Jusqu’à présent, elles disparaissent toutefois aussi rapidement qu’elles sont apparues. Il n’est toutefois pas impossible que l’une d’entre elles marque un réel tournant. Après tout, l’effet cumulatif de tous les facteurs économiques défavorables à l’échelle mondiale n’est pas de toute évidence suffisant pour entraîner une véritable récession.
- Dans cette optique, nous soulignons le fait qu’un certain nombre d’indicateurs économiques se sont récemment redressés.
- Aux États-Unis, les commandes de biens d’équipement de base se sont accrues pour un troisième mois d’affilée. En théorie, cette donnée est un indicateur avancé de l’activité manufacturière aux États-Unis.
- L’indice des directeurs d’achats (PMI) Markit du secteur manufacturier au Canada a récemment progressé pour un deuxième mois de suite.
- Les indices PMI du secteur manufacturier et du secteur des services au Japon ont tous deux augmenté le mois dernier.
- Les indices PMI du secteur manufacturier ainsi que des secteurs des services et de la construction au Royaume-Uni ont tous progressé au cours du dernier mois.
- L’indice composite PMI de la zone euro a enregistré une hausse en août.
- L’indice mondial PMI du secteur des services a augmenté pour un deuxième mois d’affilée.
- Il n’en reste pas moins que de nombreux autres indicateurs continuent de fléchir, notamment les indices ISM des secteurs manufacturier et non manufacturier aux États-Unis et l’indice mondial PMI du secteur manufacturier. La baisse semble toutefois quelque peu moins généralisée qu’auparavant.
- Il reste à voir si cette reprise timide représente un important point d’inflexion renforcé par les mesures de stimulation des banques centrales, ou s’il ne s’agit que du plus récent sursaut sur la voie du ralentissement de la croissance. Cette dernière hypothèse est plus probable, mais la première possibilité aurait d’énormes répercussions si elle s’avérait.
Envolée du cours de l’or
- Après une hausse marquée de 26 % par rapport à l’an dernier, le cours de l’or a atteint un sommet record en six ans de 1 528 $ US l’once.
- L’or subit l’effet d’une variété de facteurs macroéconomiques, notamment le niveau d’inflation anticipé, les mesures prises par les banques centrales, l’appétit pour le risque des investisseurs et le taux d’intérêt des obligations.
- Parmi ces facteurs, l’inflation n’est pas particulièrement favorable à une progression du prix de l’or actuellement, les attentes d’inflation étant faibles et l’inflation réelle, contenue.
- En revanche, toutes les autres variables sont propices à une telle progression présentement.
- Par exemple, les banques centrales, à commencer par la Réserve fédérale des États-Unis, se sont tournées vers une politique de stimulation monétaire. Par le passé, une telle démarche a fait monter le cours de l’or à cause des prévisions d’accélération de la croissance de la masse monétaire.
- Au cours de la dernière année, l’aversion pour le risque s’est accrue en raison des préoccupations grandissantes concernant le ralentissement économique, la montée du protectionnisme et l’avancement du cycle économique. Ce contexte s’est avéré positif pour l’or.
- En dernier lieu, les taux obligataires ont dégringolé au cours des derniers mois. Les facteurs mentionnés précédemment y sont sans doute pour quelque chose, notamment l’assouplissement de la politique des banques centrales et l’aversion pour le risque sur les marchés financiers. Cependant, la faiblesse des taux obligataires a en soi une autre incidence haussière sur l’or, puisqu’elle réduit le coût contre-factuel d’un investissement (sans rendement) dans l’or par rapport aux obligations.
- La corrélation entre l’or et les taux d’intérêt s’est avérée assez forte au cours des dix dernières années. À cause de la baisse structurelle des taux d’intérêt, elle a fortement contribué à la hausse du prix de l’or pendant la première décennie du millénaire.
- Les fluctuations futures du cours de l’or dépendent donc beaucoup de la manière dont évolueront les taux d’intérêt à partir de maintenant. On peut vraisemblablement s’attendre à de nouvelles mesures de stimulation monétaire, bien que cette expectative ait déjà été largement prise en compte par le marché. Toutefois, les banques centrales n’iront peut-être pas aussi loin dans leurs mesures incitatives que ce que les marchés prévoient actuellement, ce qui pourrait freiner l’ascension du prix de l’or. Cette éventualité risque toutefois peu de se concrétiser, surtout à un moment où le cycle économique semble tirer de plus en plus à sa fin.
- Un autre point dont il faut tenir compte est que le cours de l’or est traditionnellement exprimé en dollars américains. Même si le cours moyen mondial demeure inchangé, une hausse du billet vert laissera supposer une augmentation du prix du métal jaune, et vice versa. Certaines des montées récentes sont d’ailleurs dues à ce phénomène, mais pas toutes. Encore une fois, les perspectives sont nébuleuses : notre scénario de base prévoit une dépréciation du dollar à venir, ce qui serait favorable au prix de l’or exprimé en dollars américains, mais la fin du cycle économique entraînera probablement une appréciation du dollar causée par la quête de valeurs refuges.
- Les flux d’or ne semblent pas jouer un rôle particulièrement déterminant dans l’établissement du cours du métal jaune à l’heure actuelle. Les banques centrales de Russie et de la Turquie continuent d’accumuler ce métal précieux. Cependant, les actions des banques centrales n’ont pas été de bons indicateurs du mouvement du prix de l’or autrefois.
- Les métaux précieux comme l’or se négocient très différemment sur les marchés que les métaux de base. Les métaux industriels sont quant à eux bien loin des sommets du début de 2018 et ont recommencé à descendre au cours des dernières semaines. Cette trajectoire à la baisse s’explique par les perspectives pessimistes qui concernent la demande dans le présent contexte de ralentissement économique.