Les marchés financiers ont connu de la volatilité, alors que l’accentuation des tensions commerciales et de nouveaux signes de ralentissement de la croissance économique poussaient les investisseurs vers les actifs refuges. La baisse des rendements obligataires s’est poursuivie et les actions ont perdu du terrain après la dernière annonce par le président Trump de son intention d’augmenter de 10 % les tarifs douaniers sur 300 milliards de dollars américains d’importations de produits chinoises et la suspension, en représailles, par la Chine d’un certain nombre d’importations de produits agricoles américains (figures 1 et 2). Ces gestes sont les derniers épisodes en date d’une querelle commerciale en cours dans un contexte à n’en plus finir de montée du protectionnisme. Notre économiste en chef, Eric Lascelles, a publié un article qui mérite d’être lu, intitulé Repères économiques : Une introduction au protectionnisme, dans lequel il analyse en profondeur la saga du protectionnisme, ses répercussions sur la croissance mondiale et la trajectoire probable des échanges et des tarifs à l’avenir.
Le dialogue autour du protectionnisme continue d’évoluer, mais il est peu probable de voir les tensions commerciales se dissiper prochainement. Cela dit, tant les marchés que l’économie ont réussi à tenir bon avant ces mesures protectionnistes, et les banques centrales sont à présent plus disposées à se montrer accommodantes, ce qui devrait contribuer à soutenir les actifs à risque.
Figure 1 : Taux des obligations d’État à dix ans
Source : RBC GMA
Figure 2 : Principaux indices boursiers
Indices de l’appréciation cumulative des titres
Nota : L’appréciation des titres est établie en monnaie locale, sauf celle des titres de l’indice MSCI Marchés émergents, qui est établie en dollars américains. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Il est peu probable que le protectionnisme à lui seul déclenche une récession, mais le cycle économique tire à sa fin, et les indicateurs avancés mollissent.
Selon notre analyse, les dommages économiques résultant du protectionnisme ne sont vraisemblablement pas suffisants pour faire plonger les économies en récession, mais ils s’ajoutent à un ensemble de choses qui annoncent déjà les derniers stades du cycle économique et au fait que les indicateurs avancés déclinent partout. Les phases d’expansion « ne meurent pas de vieillesse », mais d’autres signes étayent notre conclusion selon laquelle nous sommes en fin de cycle : la courbe des taux est inversée (figure 3), le marché du travail est tendu et les banques centrales se montrent activement conciliantes. Qui plus est, les derniers indices PMI des directeurs d’achats montraient une poursuite du ralentissement dans les secteurs manufacturiers et des services américains. Les données ont aussi faibli en Europe, notamment en Allemagne, où les indices PMI sont à des niveaux cohérents avec une récession. Les indicateurs avancés de la plupart des régions que nous suivons sont dans une zone annonciatrice d’une contraction et se sont dégradés ces trois derniers mois (figure 4).
Figure 3 : Courbe de rendement des titres du Trésor américain
Écart entre les taux à dix ans et à trois mois
Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 4 : Indices mondiaux des directeurs d’achats du secteur manufacturier
Nota : Selon les dernières données de 37 pays. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Les banques centrales offrent un soutien
Les banques centrales, pour essayer de compenser les répercussions des tensions commerciales et du ralentissement de la croissance économique, ont réagi en réduisant leurs taux d’intérêt ou en se disant prêtes à assouplir encore leurs politiques. Le 31 juillet, avant-même la dernière annonce relative aux tarifs, la Réserve fédérale des États-Unis avait réduit ses taux de 25 points de base, en précisant que sa décision reposait principalement sur les incertitudes touchant le commerce et le ralentissement de la croissance mondiale. La Fed a aussi annoncé qu’elle mettrait fin au dégonflement de son bilan deux mois plus tôt que prévu. Certains acteurs du marché peuvent avoir été déçus de la décision de la Fed, alors qu’avait émergé l’idée d’une baisse de 50 points de base, mais la déclaration de la banque centrale a montré qu’aucun des membres du Comité fédéral de l’open market (FOMC) n’était ouvert à une réduction aussi importante, deux membres du comité s’opposant même à toute baisse. Le fléchissement des données économiques qui a suivi la conférence de presse de Jay Powell a toutefois rassuré les investisseurs quant à l’existence d’une réelle possibilité de baisse des taux. De plus, les banques centrales indienne et néo-zélandaise ont depuis réduit les leurs, et une poignée d’autres en ont fait autant cette année (figure 5).
Figure 5 : Taux directeur des banques centrales
* Taux des facilités de dépôt indiqué pour l’Europe. Taux du financement à un jour indiqué pour le Japon. Nota : CA désigne le cumul annuel au 7 août 2019. Sources : Haver Analytics, Bloomberg, RBC GMA
Les marchés obligataires prennent en compte la morosité des perspectives économiques
Les marchés obligataires ont pris en compte la détérioration des perspectives économiques, et les investisseurs semblent de moins en moins croire que la croissance économique sera suffisante pour permettre aux banques centrales de relever leurs taux d’intérêt dans un proche avenir. Le taux de l’obligation américaine à 10 ans est tombé à à peine 1,60 %, son niveau le plus bas depuis l’élection du président Trump, tandis que les taux ont chuté à des creux records dans certaines autres régions. En Allemagne, les taux des obligations d’État ont glissé en territoire négatif, quelle qu’en soit la durée, y compris les titres à 30 ans! Et même dans la plupart des régions où les taux restent positifs, le taux réel (après déduction de l’inflation) est passé sous zéro pour de nombreuses durées. Nos propres modèles donnent à penser que le taux des bons du Trésor américain à 10 ans ont atteint des creux difficiles à tenir, plus d’un écart type sous notre estimation du point d’équilibre (figure 6). Pour toutes ces raisons, le risque de pertes en capital est élevé dans l’ensemble des marchés des obligations d’État, notamment en dehors de l’Amérique du Nord.
Figure 6 : Taux des obligations du Trésor américain à dix ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Sources : RBC GMA, RBC MC
Malgré une liquidation sur les marchés d’actions, les cours restent attrayants, surtout par rapport à ceux des titres à revenu fixe
Les préoccupations croissantes suscitées par le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine ont affaibli les marchés d’actions partout dans le monde, et encore plus particulièrement les actions des marchés émergents. L’indice MSCI Marchés émergents a reculé de près de 10 % au cours du dernier mois et l’indice S&P 500 a descendu d’un peu plus de 5 % de son sommet du 26 juillet. Pourtant, malgré ces déclins, la plupart des marchés d’actions ont conservé des gains convenables depuis le début de l’année. L’indice S&P 500, qui représente le marché le plus vigoureux, demeure en hausse de plus de 15 % depuis le début de l’année. Il faut noter cependant que le rendement supérieur de ce marché jusqu’ici a été en grande partie attribuable aux valorisations, car la croissance des bénéfices a été relativement atone. Les cours boursiers sur le marché américain des actions de sociétés à grande capitalisation, eux, ont semblé s’établir en fonction d’une remontée imminente des bénéfices des sociétés. Or, des valorisations plus élevées rendent souvent les actions plus sensibles aux chocs ou à une éventuelle révision à la baisse des prévisions de bénéfices. Avant le repli récent, l’indice S&P 500 avait dépassé nos prévisions en ce qui a trait à la juste valeur et, même si les valorisations n’étaient pas démesurément élevées, nous devons reconnaître que, par le passé, lorsque les actions se sont négociées au-delà de leur juste valeur, cela a généralement donné lieu à de moins bons rendements et à des sursauts de volatilité. Ailleurs qu’aux États-Unis, en revanche, le cours des actions est particulièrement attrayant et d’après notre indicateur composite des valorisations du marché boursier mondial, les actions se situent à 13 % sous la juste valeur estimée par notre modèle (figure 7). De plus, comparativement aux valorisations des titres à revenu fixe, celles des actions restent relativement intéressantes. Le rendement en dividendes, quant à lui (compte non tenu du potentiel de croissance des bénéfices), sur la plupart des principaux marchés d’actions est supérieur à celui des obligations souveraines, et ce, très largement, dans certaines régions (figure 8).
Dans ce contexte, il est possible que les actions surpassent les obligations souveraines dans une mesure non négligeable sur les marchés non américains, même si les actions se négocient sans montrer de réelle tendance sur ces marchés depuis rien de moins qu’une décennie !
Figure 7 : Indice composite du marché boursier mondial
Indices boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Figure 8 : Comparaison des rendements en dividendes et en revenu
Rendement en dividendes c. rendement en revenu des obligations d’État à 10 ans (12 derniers mois)
Nota : Données au 7 août 2019. Les indices boursiers suivants ont été utilisés : É.-U. : indice S&P 500 ; Canada : indice composé S&P/TSX ; Japon : indice Nikkei ; R.-U. : indice FTSE 100 ; Europe : indice STOXX 600. L’obligation d’État allemande a servi de référence pour établir le taux des obligations européennes. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Le Comité des stratégies de placement RBC GMA se réunit la semaine prochaine
Certes, il est difficile de prévoir comment réagiront exactement l’économie et les marchés dans un avenir proche. Plusieurs scénarios sont possibles. Sur le plan macroéconomique, différents enjeux provoquent des tensions, notamment la guerre commerciale, le ralentissement économique mondial et le Brexit. Si les économies résistent et n’entrent pas en récession, toutefois, les bénéfices des sociétés pourraient reprendre leur progression et soutenir les facteurs fondamentaux des catégories d’actif dites plus risquées. Bien que les obligations aient dégagé un rendement supérieur à celui des actions récemment, nous nous attendons à ce que les titres à revenu fixe offrent des rendements décevants à long terme. Dans le contexte actuel, nous pensons que les actions conservent un meilleur potentiel de rendement que les obligations, et que les investisseurs seront éventuellement récompensés pour leur prise de risque sur les marchés d’actions.
La réunion trimestrielle du Comité des stratégies de placement RBC GMA se tiendra dans la semaine du 12 août. Dans le cadre de ces réunions, nous analysons les événements récents, ainsi que leur incidence sur l’économie et sur les marchés, nous réévaluons nos prévisions et nous décidons s’il y a lieu de réviser nos recommandations en matière de répartition d’actif. En guise de rappel, nos recommandations actuelles concernant la répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 57,5 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 55 %), 40,0 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 43 %) et 2,5 % en liquidités.