Aperçu
La liste des développements positifs et négatifs reste essentiellement statique. Du côté positif, la relance économique demeure forte et les campagnes de vaccination vont bon train. Du côté négatif, les nouveaux variants demeurent problématiques et la troisième vague poursuit son avancée.
Augmentation du nombre d’infections
À l’échelle mondiale, le nombre de cas et de décès continue d’augmenter, mais reste inférieur aux sommets atteints précédemment (voir le graphique suivant). Les infections progressent plus rapidement dans les marchés émergents que dans les marchés développés.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Bien que de nombreux pays connaissent une accélération du taux d’infection, ce n’est pas le cas de tous (voir le graphique suivant).
Un taux de transmission inférieur à 1 indique que la COVID-19 ralentit
On observe actuellement une nouvelle vague particulièrement forte en Inde (voir le graphique suivant). Cela est pertinent non seulement en raison du nombre absolu de cas (bien qu’il soit considérablement dilué par la population massive du pays), mais aussi parce que l’Inde est un important producteur de vaccins. Or, elle a parfois envisagé de bloquer les exportations de vaccins pour répondre à ses besoins nationaux.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Inde
L’Europe demeure un autre point chaud de la troisième vague. L’Allemagne, qui a fait mieux que la plupart des pays européens, est entièrement rattrapée par celle-ci. Toutefois, le bilan des décès n’y est pas reparti à la hausse (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Allemagne
Le nombre d’infections continue d’augmenter au Canada. Le Québec s’ajoute maintenant aux trois autres provinces les plus peuplées du pays qui présentent une tendance à la détérioration (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
La situation semble meilleure aux États-Unis, probablement en raison de leur campagne de vaccination extrêmement réussie. Cependant, le nombre d’infections a cessé de chuter et pourrait commencer à augmenter quelque peu (voir le graphique suivant). De plus, les statistiques se détériorent maintenant dans la plupart des États (voir le graphique suivant), de sorte qu’il est peu probable que le pays évite complètement la vague découlant des variants.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de 1
Variants et troisième vague
Nous continuons de nous préoccuper des principaux variants du virus parce qu’ils présentent des caractéristiques très inquiétantes. On estime maintenant que le variant le plus répandu (britannique) est environ 65 % plus contagieux, 60 % plus mortel et 100 % plus susceptible d’entraîner une hospitalisation. Les vaccins semblent aussi légèrement moins efficaces contre lui.
Selon des données nord-américaines approximatives, les variants continuent de se propager rapidement. Les nouveaux cas ont augmenté d’environ 71 % au cours de la dernière semaine au Canada et de 47 % aux États-Unis (voir le graphique suivant).
Croissance d’une semaine à l’autre du nombre total de cas de variants
Les variants sont à l’origine de la troisième vague, mais heureusement, ils ne sont pas insurmontables. Par exemple, ils ont brièvement submergé Israël avant le début de sa campagne de vaccination intensive. S’il subsistait des doutes, il est clair que la vaccination a fini par vaincre les variants dans ce pays. En effet, on y a enregistré 14 fois moins de nouveaux cas et 5 fois moins de décès par rapport au pic de janvier (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Israël
Nous croyons toujours que la troisième vague sera de courte durée. Elle devrait s’achever en mai, grâce à la vaccination et à l’arrivée du temps plus chaud dans l’hémisphère nord. En outre, nous continuons de penser que, dans les pays développés, elle entraînera moins d’hospitalisations et de décès en proportion du nombre total d’infections, puisque la vaccination ciblée protège désormais les personnes les plus vulnérables.
Cette dernière affirmation n’est pas tout à fait sûre, étant donné que les nouveaux variants semblent doubler la probabilité qu’une personne infectée ait besoin de soins hospitaliers. D’après nous, notre prédiction reste juste, car même si l’on ne vaccine que la part de 15 % de personnes les plus vulnérables de la population, cela devrait réduire les hospitalisations de plus de la moitié. Il faut toutefois reconnaître qu’il y a des forces qui poussent dans les deux sens.
Les données canadiennes sur les hospitalisations constituent un point de confusion persistante à ce sujet. Bien que le nombre total d’hospitalisations en raison de la COVID-19 ait diminué de plus de la moitié depuis le sommet de la deuxième vague, le nombre de patients en soins intensifs a beaucoup moins baissé. Dans la mesure où les variants augmentent la probabilité d’hospitalisation (+100 %) considérablement plus que la probabilité de décès (+60 %), il semble étrange que les hôpitaux soient aux prises avec une fraction disproportionnée de cas graves. On aurait pu s’attendre à une hausse du nombre de cas modérés, soit ceux qui nécessitent des soins médicaux, mais qui ne sont pas susceptibles d’être fatals.
Une explication possible réside dans le fait que les hôpitaux peuvent transférer automatiquement leurs patients les plus malades à n’importe quelle unité de soins intensifs disponible, plutôt que d’avoir un seuil particulier de gravité de la maladie. Par conséquent, une réduction du nombre total de personnes hospitalisées peut ne pas se traduire par une baisse du nombre de patients en soins intensifs.
Par contre, cela n’explique pas entièrement pourquoi le nombre de patients sous respirateur n’a pas beaucoup diminué ni pourquoi les pertes de vie au Canada ont elles-mêmes chuté en flèche. C’est une situation déroutante.
Les États-Unis se rapprochent-ils de l’immunité collective ?
Certains experts prétendent maintenant que les États-Unis sont près d’atteindre l’immunité collective, c’est-à-dire le stade où la COVID-19 cesse de se transmettre librement, parce qu’environ 75 % de la population possède des anticorps naturels ou induits par les vaccins.
Nous sommes tout à fait d’accord pour dire que les États-Unis sont bien en avance sur la plupart des pays, en partie à cause de leurs excellents progrès en matière de vaccination et parce qu’un nombre élevé de ses citoyens ont contracté le virus au cours de la dernière année. Cependant, nous ne pensons pas qu’ils aient encore atteint l’immunité collective.
Certaines statistiques fournissent un contexte. Bien que seulement 9 % des Californiens aient été déclarés positifs à la COVID-19, on estime que près de 40 % d’entre eux ont des anticorps naturels. Autrement dit, environ trois cas sur quatre n’auraient jamais été diagnostiqués officiellement. À Los Angeles, ce pourcentage est encore plus élevé, à 45 %. Comme ces estimations remontent à février, cette proportion devrait être plus élevée aujourd’hui.
Il est cependant peu probable que la population de l’ensemble du pays soit protégée dans une même proportion. En s’appuyant sur les dons de sang, la Croix-Rouge américaine a estimé qu’environ 21 % de toute la population du pays avait développé des anticorps naturels au début de mars. Ce pourcentage correspond sans doute davantage à la part des Américains qui sont naturellement protégés.
Parallèlement, environ 30 % des Américains ont maintenant reçu au moins une dose d’un vaccin, ce qui signifie qu’ils sont presque immunisés.
Certains experts commettent l’erreur d’additionner ces chiffres, et font valoir qu’entre 51 % et 80 % de la population est immunisée du fait d’une combinaison de moyens naturels et artificiels. Or, ce calcul n’est pas tout à fait exact :
- Les données les plus élevées d’endroits comme la Californie ne correspondent pas à ce qu’on observe à l’échelle nationale.
- Des gens qui ont déjà été infectés se font aussi vacciner. Il y a donc un certain chevauchement entre les groupes naturellement et artificiellement immunisés.
Selon des calculs approximatifs, de 40 à 45 % de la population américaine serait aujourd’hui immunisée contre la COVID-19. À la lumière des mises en garde selon lesquelles l’immunité n’est pas permanente (et peut-être particulièrement courte pour ceux qui l’ont atteint de façon organique) et sachant que l’inoculation ne garantit pas la protection, les États-Unis ont probablement fait plus de la moitié du chemin vers l’immunité collective. Pour autant, la route est encore longue.
Bien sûr, ces progrès ne sont pas vains. Le virus devrait en effet se propager aux États-Unis à une vitesse égale à moins de la moitié de celle observée dans un pays où personne ne serait immunisé. Nous supposons par conséquent que les États-Unis seront moins touchés par la dernière vague que la plupart des autres pays.
Réouvertures à géométrie variable
Selon notre indice de rigueur dans le monde, bien que les décideurs aient un peu ouvert leurs économies au cours des derniers mois, la réouverture stagne. Les gouvernements ont cessé d’annoncer des assouplissements et les mesures demeurent globalement plus strictes qu’elles l’étaient en septembre, soit au moment où elles étaient les moins sévères (voir le graphique suivant).
Indice de rigueur dans le monde
Ces observations générales cachent toutefois des variations importantes au niveau national (et infranational). Par exemple :
- Les États-Unis réduisent rapidement la sévérité des restrictions, qui sont maintenant assez souples.
- Au Canada, les mesures demeurent souples, mais tout de même plus strictes qu’au sud de la frontière.
- La France a pour sa part peu changé ses règles.
- L’Italie a considérablement resserré les siennes (voir le graphique suivant).
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Les États-Unis font figure d’exceptions, en partie parce que même si le nombre d’infections cesse de baisser, les hospitalisations, elles, diminuent toujours. Dans certains États, elles sont même inférieures à ce qu’elles étaient lors de l’accalmie de l’été dernier (voir le graphique suivant).
État de Californie
De nombreux États du Sud et du Midwest des États-Unis ont éliminé l’obligation de porter un masque. Bon nombre de ces États ont aussi largement ouvert les commerces de détail, les restaurants et les bars, les établissements de soins personnels, les lieux de culte, ainsi que les segments du divertissement et des loisirs.
Les données de Google Mobility montrent bien la dichotomie entre certains États américains et l’Europe. Au Texas, par exemple, l’activité commerciale et récréative est revenue à ce qu’elle était avant la pandémie, alors qu’en France, le manque à gagner est de 47 %. En ce qui concerne l’utilisation du transport en commun, elle se situe à -4 % au Texas et à -36 % en France. La différence dans les déplacements vers les lieux de travail est beaucoup plus faible, mais tout de même manifeste. Ils sont 11 % moins nombreux qu’avant avant la pandémie au Texas, contre -14 % en France.
Malgré les choix faits aux États-Unis, nous pensons que de nombreux pays devront resserrer un peu leurs règles pour contrôler la plus récente vague jusqu’à ce que la vaccination prenne de la vitesse.
La vaccination continue de s’accélérer
Plus de 535 millions de doses de vaccins contre la COVID-19 ont été livrées à l’échelle mondiale. Le rythme des progrès varie énormément d’un pays à l’autre. Israël, par exemple, a une belle avance, mais d’autres pays, comme le Japon, accusent un retard important (voir le tableau suivant). De plus, bon nombre des pays les plus pauvres du monde n’ont même pas encore commencé à vacciner leur population.
Vaccination contre la COVID-19 : classement mondial
Le Royaume-Uni et les États-Unis demeurent en tête parmi les grands pays riches, avec respectivement 50 et 42 doses par 100 habitants. Dans les pays européens, on parle globalement de 15 doses par 100 habitants et au Canada, de 13 doses. Il est important de noter que le taux d’inoculation continue d’augmenter dans presque tous les pays sauf en Israël, essentiellement parce qu’il y a de moins en moins de gens à vacciner.
Nombre quotidien de doses de vaccin contre le coronavirus qui ont été administrées
La réussite du Royaume-Uni s’explique autrement. Le pays a été l’un des premiers à être exposés à une souche plus virulente du virus. Grâce à une combinaison de règles plus strictes et de vaccinations rapides, il a néanmoins divisé son taux d’infection par un facteur de 11 et son taux de mortalité par un facteur de 20 par rapport au pic de janvier (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Royaume-Uni
Il est étonnant que le nombre de décès n’ait pas chuté davantage. Après tout, les personnes les plus vulnérables ont été les premières vaccinées. Pour cette seule raison, on aurait pu s’attendre à ce que le taux de mortalité diminue peut-être du quintuple par rapport au nombre total d’infections. Pourtant, au Royaume-Uni, le nombre de décès a diminué dans une proportion correspondant « seulement » au double par rapport au nombre d’infections.
Le fait que les nouveaux variants soient plus mortels explique en partie ce phénomène, mais pas entièrement. D’ailleurs, les souches les plus virulentes étaient déjà prévalentes au pays lors de la dernière vague. Ajoutons qu’il y a peut-être aussi un certain décalage entre les décès, qui continuent de chuter, et les infections, qui se sont stabilisées à un niveau assez bas.
Évolution de la conjoncture économique
Blocage du canal de Suez
Le dernier choc macroéconomique inattendu a été l’obstruction du canal de Suez par un énorme porte-conteneurs pendant plusieurs jours. Celui-ci s’est retrouvé coincé en travers de l’étroit chenal en raison de vents violents. Le canal représente une part remarquable de 13 % du commerce mondial, dont une quantité disproportionnée de pétrole, de produits chimiques, de vêtements, de minerai de fer et de biens manufacturés. Comme il s’agit d’un vecteur central du commerce entre l’Europe et l’Asie, les consommateurs européens sont particulièrement touchés.
Le canal a depuis été débloqué au moins en partie, mais pas avant d’avoir créé un embouteillage de navires, dont certains ont été réorientés vers la longue route autour de la pointe de l’Afrique. Les contrecoups se feront sentir au cours des jours et des semaines à venir, alors que les navires formeront un bouchon d’abord au canal de Suez, puis dans les ports européens, en attendant leur tour pour être déchargés.
Les coûts d’expédition d’un conteneur standard de marchandises avaient déjà doublé dans certaines parties du monde depuis l’été dernier, à la suite d’une grave pénurie de conteneurs en Asie et de l’évolution de la demande pendant la pandémie. Le prix augmentera probablement encore à court terme.
Par conséquent, sur le plan économique, on peut s’attendre à une légère hausse de l’inflation et à une légère baisse de la consommation en Europe au cours des prochains mois. Ces changements refléteront des pénuries temporaires de produits et une augmentation des coûts de transport. Mais les conséquences devraient finir par disparaître, tout comme l’activité aux États-Unis a rebondi en mars après avoir été perturbée par la tempête hivernale de février (il en sera question ci-dessous).
Autres dommages causés par une tempête
À propos de chocs économiques temporaires, les commandes de biens d’équipement de base aux États-Unis ont baissé de 0,8 % en février par rapport au mois précédent, en raison des fermetures temporaires causées par la tempête hivernale au pays. Il y a tout lieu de s’attendre à un rebond ultérieur.
Par ailleurs, le revenu des particuliers aux États-Unis a connu une forte diminution de 7 % en février par rapport au mois précédent, ce qui témoigne d’une combinaison de deux facteurs :
- La tempête hivernale a limité la capacité des gens à travailler et la demande de main-d’œuvre. Les dépenses des particuliers ont fléchi de 1 %.
- Les importantes prestations d’aide de 600 $ ont été versées en grande partie en janvier, ce qui a entraîné un bond de 10 % du revenu ce mois-là.
Par conséquent, malgré le récent recul de 7 %, le revenu reste un peu plus élevé qu’il ne l’était il y a deux mois.
Rebond des données en temps réel en mars
Nous savons que cette faiblesse observée en février était artificielle, non seulement en raison des facteurs spécifiques en jeu, mais parce que les données sur l’activité en temps réel ont depuis rebondi avec enthousiasme en mars.
Les dépenses effectuées par cartes de crédit et de débit aux États-Unis ont grimpé au cours du dernier mois (voir le graphique suivant). Une partie de cette hausse est artificiellement gonflée par les récentes mesures de relance aux États-Unis, bien sûr.
Dépenses quotidiennes globales par cartes aux États-Unis
De façon plus générale, notre indice de l’activité économique en temps réel aux États-Unis continue aussi de s’accélérer (voir le graphique suivant). La mise à jour de ce paramètre cette semaine a nécessité beaucoup de travail, car nous ne pouvons plus utiliser les variations d’une année sur l’autre, en pourcentage, maintenant que la pandémie dure depuis plus d’un an. Alors qu’il y a un mois, la variation d’une année sur l’autre était par rapport au niveau antérieur à la pandémie, aujourd’hui, la variation d’une année sur l’autre est par rapport au creux de la pandémie ! L’interprétation est très différente.
Soyez à l’affût des graphiques qui prétendent soudainement que la situation mondiale est bien meilleure qu’elle ne l’était il y a un an ; ils n’ont pas tort, mais ils ne renseignent plus aussi bien sur les efforts de normalisation économique.
L’activité économique aux États-Unis s’accélère à mesure que les restrictions s’assouplissent
Rendement des marchés au fil du cycle économique
Dans un MacroMémo en février, nous avons parlé de l’état d’avancement du cycle économique aux États-Unis et avons conclu que le cycle se situait à un « stade initial ».
Cette semaine, nous approfondissons un peu le sujet pour expliquer ce que cela signifie du point de vue des marchés financiers. Habituellement, les rendements médians du marché boursier sont meilleurs au tout début d’un nouveau cycle. Ils perdent ensuite progressivement de leur attrait à mesure que le cycle arrive à maturité. Ils deviennent négatifs lors de l’arrivée de la « fin du cycle », puis demeurent négatifs au cours de la phase de « récession » (voir le graphique suivant). Il semblerait que les investisseurs soient avantagés par l’adoption d’une approche très dynamique au début du cycle, puis de plus en plus prudente au fil du temps.
Fourchettes de rendements annualisés de l’indice S&P 500, par phase de cycle
Dans la mesure où notre évaluation du cycle économique est exacte, ce qui est loin d’être sûr, les rendements boursiers devraient être supérieurs à la moyenne au cours de ce « stade initial ». Les investisseurs devraient bien sûr tenir compte également de plusieurs autres facteurs, allant des perspectives économiques aux valorisations, en passant par le récent recul des rendements, les craintes d’inflation et les facteurs techniques.
En ce qui concerne les rendements obligataires, les conclusions sont un peu moins claires, en partie parce que le marché haussier s’est poursuivi pendant 40 ans ; dans le cas des obligations, cela signifie que les taux ont eu tendance à diminuer au cours de presque toutes les phases du cycle.
Quoi qu’il en soit, la performance médiane diffère selon la phase du cycle économique, ce qui suggère une sorte de distribution bimodale (voir le graphique suivant). Par exemple :
- Les taux subissent une pression à la hausse accrue au début d’un nouveau cycle. Cela explique peut-être les importantes liquidations sur le marché des obligations au cours des sept derniers mois, bien que cette interprétation soit compliquée par le fait que nous croyons maintenant que le cycle est passé à un « stade initial ».
- D’autres pressions haussières se manifestent au cours du « stade avancé » du cycle, lorsque les investisseurs doivent composer avec les craintes de surchauffe, l’inflation et le durcissement de la politique monétaire.
- Fait intéressant, les taux de rendement chutent le plus fortement à la « fin du cycle », et non pendant la « récession » telle quelle.
Variation annualisée des obligations du Trésor à 10 ans, par phase de cycle
Le cycle économique actuel est-il différent ?
Notre feuille de pointage du cycle économique indique que nous nous trouvons actuellement dans un « stade initial » du cycle.
On pourrait toutefois soutenir que les marchés financiers ont progressé plus que cela, étant donné la forte appréciation des actifs à risque au cours de la dernière année.
On pourrait aller jusqu’à dire que le cycle économique a évolué à un rythme effréné, passant d’une « récession » à un « début de cycle » puis à un « stade initial » en très peu de temps. Nous prévoyons que les économies nord-américaines reviendront à leurs sommets antérieurs à la pandémie avant la fin de l’année : est-ce que cela signifie qu’elles pourraient se situer à la toute « fin du cycle » d’ici la fin de 2021 ? Probablement pas.
Ramener les économies à leur sommet précédent n’est pas tout à fait la même chose que leur faire retrouver leur pleine capacité de production. N’eût été la pandémie, les économies auraient continué de progresser. En revanche, il est peu probable qu’elles retrouvent leur plein potentiel avant 2022 ou 2023.
Et n’oublions pas que d’ici là, les mesures de relance budgétaire auront pris fin, créant un obstacle économique de taille qui ralentira certainement le rythme de progression du cycle économique.
Mais même alors, cela ne signifie pas nécessairement la fin du cycle économique. Il est normal que les économies se maintiennent au-dessus de leur capacité à long terme pendant plusieurs années avant qu’une récession ne s’installe. C’est d’ailleurs la situation à l’échelle mondiale avant la pandémie. En fait, avant la pandémie, l’une des grandes surprises était l’absence de surchauffe réelle, ce qui porta à croire que l’économie aurait pu prolonger le cycle encore un moment avant de trébucher.
Il n’est cependant pas exagéré de croire qu’une « fin de cycle » ne sera pas une véritable éventualité avant 2024 ou au-delà, et qu’une récession pourrait se produire par la suite.
Autrement dit, le cycle économique a évolué très rapidement jusqu’à présent et pourrait continuer de progresser rapidement de façon crédible au cours des prochaines années. Il sera peut-être plus court que le précédent, qui avait duré plus de dix ans, mais il n’a pas encore dit son dernier mot : il pourrait en effet se poursuivre pendant encore plusieurs années.
Logement
De nombreux prévisionnistes – nous y compris – s’attendaient initialement à un effondrement du marché du logement, plutôt qu’au boom auquel nous avons assisté au début de la pandémie. La diminution de l’immigration aurait dû limiter le besoin de constructions additionnelles. Le taux de chômage élevé aurait dû exposer certains propriétaires à des difficultés financières et dissuader certains acheteurs potentiels. La forte aversion pour le risque aurait dû décourager les acheteurs d’une première maison. Pour ces raisons, les récessions sont presque toujours associées à un affaiblissement des marchés du logement. Par ailleurs, une correction était depuis longtemps attendue sur le marché canadien de l’habitation, qui a poursuivi sa hausse pendant plusieurs décennies sans réelle interruption.
Évidemment, ce n’est pas ce qui s’est produit. Les prix des maisons ont plutôt grimpé en flèche : les maisons unifamiliales au Canada coûtent actuellement près de 25 % de plus qu’il y a un an (voir le graphique suivant). L’activité dans le secteur des copropriétés a même repris après une période creuse initiale.
Bond des prix des maisons au Canada en raison de la demande et des taux d’intérêt très faibles durant la pandémie
Pour comprendre ce boom immobilier mondial, il faut prendre en considération autre lot de facteurs :
- Les taux hypothécaires n’ont pas simplement diminué, ils ont chuté à des creux historiques.
- La faiblesse des taux d’intérêt a eu pour effet de ternir l’attrait d’autres placements relativement sûrs, comme les obligations.
- Les gens ont passé beaucoup de temps à la maison durant la pandémie. Ils en sont ainsi venus à apprécier davantage leur domicile et à accorder beaucoup d’importance à l’espace supplémentaire.
- Les ventes de maisons ont été limitées au début de la pandémie, mais l’activité, qui semble être en mode rattrapage, est maintenant supérieure à la normale.
- Les consommateurs ont également délaissé les petits logements et les copropriétés pour des raisons similaires.
- Les ménages ont pu économiser davantage en vue d’une mise de fonds, puisqu’ils ont eu moins d’occasions de dépenses.
- Paradoxalement, à mesure que les prix des maisons ont augmenté, la peur d’être laissé pour compte s’est intensifiée, poussant un nombre encore plus important d’acheteurs éventuels sur le marché.
- La hausse des taux hypothécaires entraîne également une poussée temporaire de l’activité du logement, les acheteurs cherchant à conclure leurs transactions avant que leurs garanties de taux ne viennent à échéance.
Le marché canadien du logement a été particulièrement fébrile ces derniers mois : les prix des maisons individuelles ont bondi de 4 % en février par rapport au mois précédent.
De nouveaux facteurs défavorables ?
Quelle direction le marché du logement prendra-t-il maintenant ? Après avoir défié les prévisions au cours de la dernière année, nous serions arrogants de prétendre pouvoir le prédire avec beaucoup de précision. Nous serions portés à croire qu’il ralentira quelque peu au cours de la prochaine année, mais pas au point de s’effondrer.
Premièrement, les prix des maisons ne peuvent tout simplement pas continuer d’augmenter de 4 % par mois très longtemps.
La hausse des taux hypothécaires et des prix des logements a déjà mis fin aux « aubaines ». Au Canada, à la fin de 2020, l’accessibilité à la propriété était déjà aussi mauvaise qu’avant la pandémie, et ce, malgré des coûts d’emprunt beaucoup plus bas. L’augmentation des prix et des taux hypothécaires depuis lors fait en sorte que l’accessibilité à la propriété n’a jamais été aussi difficile en plus de 30 ans. Cette situation peut contribuer à calmer progressivement l’effervescence dans le secteur.
Les acheteurs doivent aussi prendre en considération la hausse possible des taux hypothécaires au cours des prochaines années, hausse qui pourrait nuire à l’accessibilité au fil des renouvellements des prêts.
Le recul de la pandémie pourrait tempérer l’engouement pour les logements spacieux, notamment parce que les gens recommenceront à fréquenter les bureaux et autres lieux de rencontre et que leur épargne aura diminué. De même, l’intérêt des ménages pour les maisons individuelles pourrait s’estomper au profit des appartements en copropriété et en location des centres-villes. Enfin, les ventes de logements ont sans doute déjà rattrapé le temps perdu au début de 2020, permettant ainsi un retour à des niveaux d’activité plus habituels.
Il n’existe pas de données sur la confiance des constructeurs résidentiels au Canada, mais, aux États-Unis, on note un déclin de la confiance, même si elle demeure ferme.
Plusieurs autres problèmes ayant des effets à retardement pourraient ralentir le marché du logement. Il s’agit notamment du taux d’inoccupation élevé des immeubles locatifs résidentiels, de l’importance des loyers non payés et de certains reports de versements hypothécaires encore en vigueur.
Options en matière de politique
Les mesures à prendre pour ralentir volontairement le marché du logement ont fait l’objet de débats publics dernièrement. On s’entend généralement pour dire que les banques centrales ne devraient rien faire puisque d’autres secteurs de l’économie ont encore besoin de taux d’intérêt bas. De plus, les banques centrales ne disposent pas de leviers suffisamment précis en matière de politique pour influer de manière significative sur le logement sans nuire aux autres secteurs.
Les options sont nettement plus nombreuses du côté de la réglementation. La récente flambée des prix rappelle celle de 2017, qu’un resserrement des règles avait étouffée ; les prix avaient chuté de 10 % sur les marchés touchés au cours de l’année suivante. Voici quelques mesures envisageables :
- Si l’on souhaite réduire le nombre de transactions, une hausse des droits de cession immobilière peut s’avérer efficace. Cependant, de telles taxes finissent par créer un frein indésirable qui décourage les gens de démanger, entraînant un allongement du navettage et des logements mal adaptés aux besoins. Si l’on ajoute les frais de courtage immobilier, les Canadiens sont sans doute déjà fortement dissuadés de trouver un logement de taille adéquate.
- Des règles plus strictes concernant les ratios d’emprunt ont été introduites à plusieurs occasions au cours des dernières décennies. Les règles actuelles ne semblent pas déraisonnables pour éviter un surendettement des acheteurs, mais elles pourraient certainement faire l’objet d’un resserrement et servir d’outil général pour ralentir la demande.
- Les taxes sur la spéculation qui pénalisent les gens vendant une propriété peu de temps après l’avoir acquise peuvent s’avérer utiles. Toutefois, il ne s’agit pas du véritable problème actuellement ; la plupart des acheteurs souhaitent vivre dans leur nouvelle maison.
- Les taxes sur les logements vacants sont plus difficiles à gérer, mais il est possible d’y recourir en théorie. Toutefois, en ville, les prix ne sont pas élevés parce que des gens y achètent des propriétés secondaires (la question des chalets est bien différente).
- Une taxe visant les acheteurs étrangers constitue une autre option qui a été choisie dans certaines régions du pays au cours des dernières années. Toutefois, ces acheteurs ne semblent pas jouer de rôle important à l’heure actuelle.
- Un impôt sur les gains en capital liés aux résidences principales a été largement discuté dernièrement. Certes, les logements sont pratiquement les seuls actifs dont l’appréciation échappe à l’impôt au Canada. Une telle mesure serait cependant très impopulaire et difficile à mettre en œuvre progressivement. En outre, elle nuirait à la mobilité des Canadiens étant donné que beaucoup d’entre eux ne pourraient pas acheter un autre logement après avoir payé l’impôt sur l’appréciation de leur résidence précédente. D’autres pourraient se le permettre, en principe, mais décideraient néanmoins de rester dans un logement mal adapté pour éviter cet impôt.
On pourrait avancer que les solutions les plus intéressantes en matière de politique se trouvent du côté de l’offre, par exemple, en stimulant la promotion immobilière dans les villes et en périphérie. Toutefois, ces mesures sont elles aussi impopulaires.
Conclusion
À ce stade, nous ne croyons pas que le gouvernement apportera bientôt d’importants changements aux règles visant le marché du logement. Pour l’instant, l’objectif est de revigorer la croissance économique et non de la limiter. Par contre, certains facteurs naturellement favorables au marché du logement commencent à s’estomper, ce qui pourrait se traduire par un ralentissement interne.
Pour se faire l’avocat du diable, on pourrait avancer qu’un risque pour cette perspective serait que le Canada envisage de rattraper son retard en matière d’immigration, après avoir raté ses cibles au cours de la pandémie. Une telle initiative stimulerait la croissance démographique du pays et, éventuellement, la demande de logements au cours des prochaines années. Un autre risque est le fait que les taux d’intérêt devraient rester inférieurs à la moyenne historique, même s’ils décollent de leurs creux. Enfin, on observe actuellement peu de signes de tensions dans le secteur du logement, selon les défauts de paiement sur les prêts hypothécaires et d’autres mesures semblables, et cela constitue un autre risque haussier.
Comment les pays émergents se sont-ils tirés d’affaire ?
Trop souvent, nous nous focalisons sur les pays les plus riches. Qu’en est-il du reste du monde ? Comment les pays émergents se sont-ils comportés durant la pandémie ?
Naturellement, les pays ont beaucoup de points communs en ce qui concerne leur expérience, étant donné que la propagation de la COVID-19 a été fortement synchronisée à l’échelle mondiale Toutefois, les pays émergents s’en sont-ils mieux ou moins bien sortis ? Les réponses à ces questions n’étaient pas évidentes lorsque la pandémie a éclaté.
Sur le plan sanitaire, on s’attendrait à ce que les pays émergents éprouvent nettement plus de difficultés en raison de la faiblesse de leurs systèmes de santé publics, de l’accès restreint aux vaccins et de la capacité limitée à respecter la distanciation sociale du fait de leur composition sectorielle différente. En revanche, on pourrait aussi avancer que la population très jeune de ces pays devrait leur apporter une importante protection, que les climats plus chauds devraient freiner la propagation du virus et que certains pays devraient bénéficier dans une certaine mesure d’une immunité croisée. Ainsi, une étude a révélé que 19 % des Tanzaniens étaient protégés en raison d’une exposition antérieure à d’autres coronavirus.
Du point de vue économique, la vulnérabilité des pays émergents situation était tout aussi nuancée. Marge de manœuvre budgétaire limitée, dépendance au commerce mondial, vulnérabilité aux prix des produits de base et accès fluctuant au financement international : tous ces éléments désavantagent ces pays en période de pandémie. Toutefois, leur économie bénéficie d’un dynamisme naturel et d’une croissance rapide, ainsi que de mesures de confinement restreintes.
En définitive, il semble que les pays émergents affichent un bilan comparable à celui des pays développés en ce qui concerne la maladie elle-même (bien que les résultats varient fortement et que leur interprétation soit sujette à débats). En revanche, ils s’en sont un peu mieux sortis au niveau économique.
Nombres de cas et de décès dans les ME
Par rapport aux pays développés, les pays émergents comptent officiellement beaucoup moins de cas de COVID-19 par habitant. À cet égard, les États-Unis et le Royaume-Uni sont loin devant les marchés émergents, puisqu’ils comptent respectivement 90 000 et 63 000 cas par million d’habitants. En revanche, le Brésil et la Russie en ont respectivement 57 000 et 30 000. C’est sans compter les autres pays dont la statistique est encore moins élevée.
Cependant, les chiffres des pays émergents seraient beaucoup plus loin de la réalité que ceux des pays développés. La revue The Economist a tenté d’établir la véritable ampleur des éclosions en calculant, pour chaque pays, le nombre de décès supérieur à la normale. Une fois ce rajustement effectué, certains pays émergents s’en tirent beaucoup moins bien que les pays développés ayant les pires résultats. Ainsi, le nombre de décès excédentaires par million d’habitants atteint 36 au Pérou, 29 en Russie et 26 au Mexique contre 19 au Royaume-Uni, 17 aux États-Unis et 3 au Canada.
En fait, la performance des pays émergents est très variée et va du meilleur jusqu’au pire. Par exemple, à 10 décès excédentaires par million d’habitants, le Brésil fait légèrement mieux que le Royaume-Uni et les États-Unis. De plus, certains pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est ont tiré leur épingle du jeu par rapport à presque tous les pays développés.
Conclusion : pour contrôler la pandémie, les pays émergents dans leur ensemble ne sont ni pires ni meilleurs que les pays développés, mais leurs résultats révèlent d’importantes variations.
Conséquences économiques sur les ME
En ce qui concerne la COVID-19, les économies émergentes se seraient portées un peu mieux que les économies développées. En effet, la croissance des ME était de 6 points de pourcentage inférieure à la normale pour 2020, alors que chez les marchés développés, ce chiffre tombe à 6,5 points de pourcentage. À première vue, on pourrait croire que les ME dépassent les marchés développés de très peu. En fait, les pays émergents ont perdu moins de deux années de croissance contre plus de trois chez les pays développés. Bref, leur économie se porte beaucoup mieux.
De plus, le FMI prévoit que les pays émergents connaîtront une reprise économique comparable, voire légèrement supérieure à celle des pays développés.
Fait remarquable, les pays émergents n’ont pas subi plus de dégâts. En effet, ils n’étaient pas en mesure d’offrir des mesures de relance budgétaire aussi importantes que leurs homologues développés.
Bien que la situation économique varie d’une région à l’autre, les écarts sont beaucoup moins importants qu’on pourrait le croire. Voici quelques exemples :
- L’Asie, une région émergente relativement prospère, a connu un ralentissement d’un peu plus de 6 points de pourcentage pour 2021.
- En Amérique latine, région pourtant durement touchée, le ralentissement est d’un peu plus de 7 points de pourcentage ; l’écart entre les deux est donc minimal.
- L’Afrique subsaharienne, région la plus pauvre du monde, s’en est mieux tirée que le reste, puisqu’elle a reculé de moins de 6 points de pourcentage.
Il va sans dire que les pays émergents sont plus pauvres que les pays développés. Nous pouvons donc affirmer, presque avec certitude, que leurs habitants ont connu plus de souffrance économique et pour cause : ils sont nombreux à vivre dans la pauvreté, et leurs filets sociaux sont relativement peu solides.
– Avec la contribution de Vivien Lee et de Sean Swift
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