Aperçu
La COVID-19 est encore le principal problème auquel est confrontée l’économie mondiale, et les nouvelles demeurent plus négatives que positives.
Principaux points positifs :
- L’économie mondiale poursuit sa progression.
- Plusieurs nouveaux obstacles économiques se sont révélés jusqu’à présent moins problématiques que ce que l’on craignait au départ.
- Le nombre de décès dus à la COVID-19 demeure relativement faible par rapport à la première vague.
- Des données récentes font valoir que le pourcentage de personnes porteuses d’anticorps qui les protègent de la COVID-19 est nettement plus élevé que ce qu’indiquent les chiffres officiels.
Toutefois, les points négatifs l’emportent sans aucun doute, même s’ils sont moins nombreux :
- Le nombre quotidien d’infections à la COVID-19 continue d’augmenter dans la plupart des pays développés. C’est le problème principal.
- D’autres mesures de distanciation sociale et des restrictions économiques sont probablement nécessaires pour limiter la propagation.
Évolution de l’épidémie
Le nombre quotidien de nouveaux cas à l’échelle mondiale continue d’atteindre des sommets, bien qu’à un rythme plus lent. Le nombre de décès demeure loin des records précédents, mais il a cessé de diminuer et reste supérieur à 5 000 par jour (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Par conséquent, le taux de transmission dans le monde a reculé à un niveau à peine supérieur au seuil critique de un. Il doit baisser légèrement pour que le virus soit sur la défensive (voir le graphique suivant).
Le taux de transmission dans le monde tourne autour du seuil critique de un
Nota : Au 28 septembre 2020. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour, en tenant compte d’une moyenne mobile de sept jours. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Parmi les pays émergents, la plus grande source de nouveaux cas – par personne – se trouve en Amérique latine, avec, en tête de tous les pays, l’Argentine, suivie du Pérou, de la Colombie, du Brésil et du Chili (voir le graphique suivant).
Analyse de la transmission de la COVID-19 dans les pays émergents
Nota : Au 28 septembre 2020. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours (présentée sous forme de ratio) de la moyenne mobile sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Autres événements importants à retenir dans les marchés émergents :
- La Pologne enregistre un nombre quotidien de cas peu élevé en valeur absolue, mais l’augmentation est rapide et le taux de transmission est à présent de 1,6.
- Le nombre de cas en Russie est relativement élevé et continue de croître.
- L’Indonésie, qui n’avait pas beaucoup attiré l’attention auparavant, compte maintenant un nombre important de cas quotidiens, même en comparaison de sa très forte population. Elle affiche également un taux de transmission inquiétant de 1,7.
- Les chiffres continuent de baisser en Afrique du Sud.
- L’Inde compte toujours le plus grand nombre de cas dans le monde (84 000 par jour), mais on y observe une amélioration constante depuis plusieurs semaines (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Inde
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
L’Europe continue d’être aux prises avec la deuxième vague de la pandémie, et l’Espagne et la France comptent chacune près de 11 000 cas par jour. Toutefois, les deux pays pourraient connaître maintenant une stabilisation, notamment en Espagne où la situation s’améliore, du moins pour l’instant (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Espagne
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Malgré une situation qui s’améliore progressivement, l’Europe continue de faire face à de sérieuses difficultés. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a récemment indiqué que les ajustements apportés jusqu’à présent aux mesures de distanciation sociale n’ont pas été suffisants pour contrôler l’épidémie. En outre, le Centre désigne l’Espagne et un certain nombre de pays d’Europe de l’Est et du Sud (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Malte et Roumanie) comme étant confrontés à un risque extrêmement élevé. Le Royaume-Uni et la France sont ensuite décrits comme étant exposés à un risque très élevé. Inversement, le risque est considéré comme un peu plus faible en Allemagne.
Au Royaume-Uni, la deuxième vague continue de progresser. Le pays rapporte maintenant 6 000 nouveaux cas par jour, en forte hausse par rapport à la semaine précédente (voir le graphique suivant), et le taux de transmission a atteint 1,5. Le nombre de décès augmente de nouveau, mais comme dans la plupart des pays développés, il demeure nettement inférieur à ce qu’il était au printemps.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Royaume-Uni
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Le nombre quotidien de cas au Canada approche maintenant de 1 400 et continue d’augmenter vigoureusement (voir le graphique suivant). Le taux de transmission du pays est de 1,4, ce qui est bien au-dessus du sous-niveau idéal. Les trois provinces les plus peuplées, l’Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique, enregistrent de fortes augmentations. Le Québec se trouve maintenant dans la pire position parmi les trois, et la province subit de nouveau ce qu’elle a vécu au printemps dernier.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Comme nous l’avons signalé la semaine dernière, l’épidémie est de nouveau nettement à la hausse aux États-Unis, où on enregistre chaque jour plus de 40 000 nouveaux cas (voir le graphique suivant). Les étymologistes peuvent débattre de la question de savoir s’il s’agit d’une continuation de la deuxième vague, d’une nouvelle troisième vague, ou d’une autre configuration. Pour nous, cela a tout l’air d’une troisième vague.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Nota : Au 28 septembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et des décès. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Plus de la moitié des États américains enregistrent maintenant des taux de transmission supérieurs à un, avec en tête le Texas et un certain nombre d’États de l’Ouest. Curieusement, le nombre de cas en Floride continue de baisser pour le moment, bien que la récente décision de l’État de rouvrir à grande échelle les restaurants et les bars et de réduire les autres mesures de distanciation sociale pourrait bientôt entraîner une hausse des infections.
En données cumulatives, les États-Unis ont récemment atteint le sombre jalon de plus de 200 000 décès attribuables à la COVID-19.
Nouveaux efforts en matière de distanciation sociale
Il est extrêmement difficile de quantifier les mesures de distanciation sociale qui ont d’abord été renforcées, puis assouplies, puis de nouveau renforcées dans plusieurs territoires. Il y a deux raisons principales à cela :
- On ne sait pas exactement comment quantifier des politiques disparates : dans quelle mesure est-il plus important d’exiger le port du masque dans les espaces publics plutôt que d’obliger les bars à fermer à minuit ? Et pourtant, sans qu’on quantifie ces mesures, il n’y a aucun moyen de combiner les différents efforts en une seule mesure cohérente de distanciation sociale.
- La plupart des efforts pour mesurer la distanciation sociale se font au niveau national, mais de nombreux règlements sont établis au niveau régional.
Par conséquent, bien que nous nous attendions à ce que l’indice de rigueur de l’Université d’Oxford donne une idée de l’ampleur du renforcement ou de l’assouplissement des mesures de distanciation sociale, il déconcerte presque autant qu’il informe (voir le graphique suivant).
Rigueur des mesures de confinement par pays
Nota : Au 14 septembre 2020. Indice de rigueur au fil du temps et mesure dans laquelle les pays ont arrêté l’activité par rapport aux États-Unis. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, CEPCM, ONU, Macrobond, RBC GMA
Par exemple, tous les efforts pour trouver des pistes aux États-Unis permettant d’établir le degré de distanciation sociale supplémentaire nécessaire pour arrêter la deuxième vague au pays (malgré la troisième vague qui s’annonce) sont contrecarrés par le fait que l’indice d’Oxford n’a pas constaté de renforcement comme à la fin de juin ou de juillet. Et pourtant, nous savons qu’à l’époque de nombreuses mesures ont été prises par différents États et municipalités pour contrôler la propagation du virus.
Les données de l’Espagne (voir à nouveau le graphique ci-dessus) s’avèrent un peu plus utiles puisque des mesures de distanciation sociale supplémentaires ont été mises en œuvre en juillet, probablement lorsque la deuxième vague a commencé à apparaître. Toutefois, ces données sont également déroutantes parce que le pays a resserré entre-temps ses règles de distanciation sociale jusqu’en septembre, selon toute vraisemblance. Et pourtant, cela ressort à peine des données sur la rigueur.
Nous n’avons donc aucun élément quantitatif qui puisse être exploité. D’un point de vue nécessairement qualitatif, nous continuons de revenir à l’opinion selon laquelle les États-Unis ont commencé à connaître des problèmes lorsqu’ils ont ouvert les bars et les restaurants intérieurs à grande échelle au début de l’été. Leur fréquentation se caractérise par des activités très sociales qui ont lieu à l’intérieur et empêchent le port du masque. Plus tard, le nombre de cas a diminué lorsqu’on est revenu sur ces mesures. Il se pourrait bien que les restaurants et les bars ne soient, pas plus qu’un canari dans une mine de charbon, les principaux coupables lorsque les gouvernements et les gens ont le sentiment qu’ils peuvent reprendre leurs activités sociales avec un enthousiasme qui se révèle finalement problématique.
Néanmoins, la principale conclusion est qu’il y a beaucoup trop d’interactions sociales en ce moment dans les pays où le nombre de cas augmente. Jusqu’à présent, les gouvernements se concentrent sur la baisse du nombre d’interactions qui se déroulent dans un cadre non économique, par exemple à l’occasion de barbecues privés ou de fêtes à domicile. Mais il semble de plus en plus probable que d’autres restrictions devront être appliquées aux activités économiques ayant une forte composante sociale, notamment si les écoles doivent rester ouvertes et à mesure que le temps devient plus froid et plus sec.
Le Royaume-Uni donne une idée de la façon dont les choses se déroulent. Le gouvernement a d’abord durci les règles sur le nombre de personnes autorisées à interagir socialement, et limité certaines activités économiques dans les zones les plus touchées du pays. Il a maintenant institué une heure de fermeture nationale, fixée à 22 h, pour les restaurants et les bars. En outre, les employés de bureau sont maintenant invités à reprendre, si possible, le télétravail, et ce, probablement pour les six prochains mois.
De même, le Canada ne se concentre plus uniquement sur les interactions sociales non économiques, et étend les restrictions à certains secteurs de l’économie. Il y a quelque temps, la Colombie-Britannique a imposé la fermeture des boîtes de nuit et des salles de banquet. L’Ontario ordonne maintenant la fermeture de tous les clubs de strip-tease et limite les heures d’ouverture des bars et des restaurants.
En Europe, les pays ont commencé de nouveau à contrôler plus étroitement leurs frontières. L’Italie, par exemple, insiste maintenant pour que les visiteurs en provenance d’Espagne, de Grèce et de certaines régions de France subissent un test de COVID-19 avant de pouvoir se déplacer librement dans le pays.
Respect du confinement
Alors que de nombreux pays commencent à resserrer une fois de plus leurs règles de distanciation sociale, il importe de savoir dans quelle mesure les nouvelles restrictions seront tolérées. On peut s’attendre à ce que la population soit moins disciplinée que la première fois, et ce, pour plusieurs raisons.
- Le virus suscite moins de peur qu’au printemps. Grâce à l’augmentation des tests de dépistage et à l’amélioration des soins médicaux, le taux de mortalité de la COVID-19 a baissé par rapport au niveau alarmant de 10 %. De plus, comme la virulence de la COVID-19 était mal connue au départ, les gens hésitaient à quitter leur maison en mars et avril, sans parler de s’aventurer dans des endroits bondés. Cette crainte s’est apaisée ; malheureusement, cela semble surtout être le cas chez les gens qui se comportent de façon irresponsable, mais qui ont eu la chance de ne pas tomber malades. Autrement dit, tous ceux qui n’ont pas encore été infectés pensent que leur comportement a été suffisant pour se protéger. Pourtant, mathématiquement, cette idée ne tient pas la route, puisque le nombre de cas a recommencé à augmenter. Il est difficile d’imaginer que les gens seront prêts à se conformer aux mêmes restrictions qu’au printemps, même si la situation l’exigeait.
- D’un point de vue économique, une deuxième fermeture serait très pénible pour les entreprises qui ont déjà subi une perte de revenus dans l’intervalle. Les dommages s’accumulent.
- La première période de confinement s’est abattue sur nous comme la foudre, sans avertissement ni précédent. Depuis, les groupes de pression et les entreprises ont eu le temps de s’organiser ; les gouvernements pourront moins facilement fermer de nouveau des secteurs économiques, même si les circonstances l’exigent.
- Il en va de même pour les travailleurs. Perdre son emploi une fois est déjà malheureux, mais le perdre une deuxième fois sur une courte période est encore pire. La situation reste difficile malgré l’aide des gouvernements.
- Les gouvernements seront donc réticents à imposer de nouvelles restrictions sévères, à la fois pour des raisons budgétaires et politiques.
Cependant, ces obstacles ne sont pas insurmontables : les mesures de distanciation sociale continuent de se resserrer et commencent à avoir un impact sur l’économie, et cela explique pourquoi la réponse politique a été si dosée et si tardive jusqu’à présent. Comme nous l’avons déjà mentionné, nous ne prévoyons pas qu’une nouvelle série de restrictions entraînera les économies dans une deuxième récession ; nous nous attendons plutôt à ce que le taux de croissance s’affaisse temporairement au cours des prochains mois.
Manifestations
Le resserrement des règles soulève la grogne. Plusieurs manifestations ont eu lieu en Espagne pour dénoncer la sévérité des restrictions. Israël a imposé un nouveau confinement strict de plusieurs semaines, suscitant une levée de boucliers parmi les citoyens. Cette agitation pourrait dissuader certains pays de prendre les mesures qui s’imposent.
En un mot, il sera plus difficile pour les gouvernements de limiter les libertés une nouvelle fois en rétablissant les restrictions. Ils sont sans doute moins enclins à durcir les règles qu’au printemps et la population sera sûrement moins disposée à s’y conformer. En somme, il faudra probablement plus de temps que nécessaire pour maîtriser cette deuxième vague.
Comment la COVID-19 se transmet-elle ?
Nous revenons sans cesse à la question du mode de transmission de la COVID-19. Sans réponse claire, les efforts visant à endiguer l’épidémie risquent d’être inefficaces.
Les contradictions se multiplient. Une étude de premier plan réalisée aux États-Unis par les Centers for Disease Control and Preventions ainsi que notre analyse qualitative précédente montrent que les milieux sociaux comme les restaurants et les bars sont un vecteur évident de transmission. Pourtant, la situation du Québec et celle de la région durement touchée de Peel, en Ontario, laissent croire que ces établissements ne constituent pas un facteur majeur de propagation.
Nous avons récemment découvert une nouvelle source d’information au Canada, qui s’avère plutôt utile. Elle est toutefois loin d’être parfaite, car elle ne suit pas les infections dans les restaurants, les bars ou les magasins de détail. Qui plus est, elle s’intéresse uniquement aux éclosions qui frappent un grand nombre de personnes et omet les infections individuelles.
Tout en gardant ces réserves à l’esprit, les tendances qui s’en dégagent sont intéressantes :
- Presque chaque fois, les établissements de soins de longue durée et les résidences pour personnes âgées représentent les principaux foyers d’éclosion. Ils ont été à l’origine de la grande majorité d’entre eux en mars et en avril, avec près de 500 cas par mois. Bien que ce nombre ait heureusement diminué depuis, ces établissements sont restés les principales sources d’infections chaque mois, hormis en août.
- L’« autre » catégorie, qui de façon déterminante, englobe les rassemblements, est à l’origine d’un nombre d’éclosions en hausse constante de mars à août ; c’est dans cette catégorie qu’on en a recensé le plus en août, soit plus d’une centaine. Cette hausse est sans doute attribuable au relâchement croissant de la vigilance et à la météo de plus en plus clémente. Cela explique certainement pourquoi les gouvernements s’efforcent maintenant de limiter les rassemblements.
- En septembre, les écoles et les garderies sont passées de la queue du classement à la troisième place. Même si cette catégorie a été responsable de bien moins de 100 éclosions en septembre, elle constitue une nouvelle voie de transmission.
- Pourtant, aucune information n’est publiée sur la plupart des secteurs économiques, y compris ceux où la propagation semble la pire. Les seuls secteurs pour lesquels des données existent sont les soins de santé, durement touchés en avril et en mai, mais moins depuis, et l’industrie (qui comprend l’agriculture), où il y a eu d’importantes flambées de cas chez les ouvriers agricoles étrangers vivant dans des dortoirs, la situation s’étant améliorée plus récemment.
Les données montrent par ailleurs la taille moyenne des éclosions pour chaque catégorie. L’industrie et les soins de santé sont les secteurs qui ont compté le plus grand nombre de personnes infectées à chaque éclosion, soit plus de dix. Les rassemblements sont pour leur part responsables de près de dix infections par foyer d’éclosion. En revanche, les résidences pour personnes âgées et les écoles enregistrent en moyenne environ quatre nouveaux cas par éclosion. La propagation semble donc beaucoup plus limitée.
Bien que ces données concernent le Canada, il semble raisonnable de croire que les tendances sont semblables dans d’autres pays.
En quête d’immunité collective
Bien que les erreurs d’évaluation soient moins flagrantes et moins débattues depuis quelques mois, les tests de dépistage traditionnels sous-estiment probablement le nombre réel de personnes qui ont contracté la COVID-19. La sous-évaluation s’explique non seulement par l’insuffisance des tests, mais aussi par le fait que beaucoup de gens ne présentent aucun symptôme.
Heureusement, les tests sérologiques permettent d’avoir une idée du pourcentage réel de la population qui a développé des anticorps contre le virus, c’est-à-dire les personnes qui ont été infectées et qui sont probablement immunisées.
Des recherches menées aux États-Unis en juillet ont donné des résultats étonnants. C’est à New York que la situation est la plus contrastée : 18 % des habitants possèdent des anticorps, soit environ six fois l’estimation officielle du nombre de personnes infectées. Les autres régions du pays ont été moins touchées, alors que 6 % de la population, au maximum, a obtenu un résultat positif au test de dépistage. Cependant, la sous-estimation était parfois encore plus importante qu’à New York, le nombre réel étant de deux à sept fois plus élevé que le compte officiel.
Des tests additionnels ont été effectués en septembre dans d’autres États. Alors que la Floride, le Texas et la Géorgie estiment officiellement que 3 % de leur population ont été infectés, les tests sérologiques montrent qu’en réalité, le taux d’infection sous-jacent s’établit entre 8 % et 9 % dans chacun de ces États ; c’est donc trois fois plus que les chiffres officiels.
Étant donné que l’épidémie de COVID-19 a évolué de façon très différente d’un État à l’autre et que la ville de New York constitue probablement un cas particulier, il nous est impossible de déterminer précisément le degré de sous-estimation à l’échelle nationale. Toutefois, il paraît logique que l’écart ait été un peu plus faible en septembre qu’en juillet, puisque les tests se sont généralisés entre-temps. En outre, la ville de New York fait clairement figure d’exception, dans la mesure où elle a le plus souffert du choc initial de l’épidémie.
Par conséquent, nous croyons que des tests sérologiques menés à l’échelle nationale révéleraient qu’il y a trois fois plus de personnes immunisées que ce qu’indiquent les relevés officiels. Autrement dit, alors que 2,1 % de la population américaine a été infectée selon les données officielles, le taux réel avoisine sans doute 6 %.
Cependant, d’autres ajustements sont nécessaires. D’après une série d’études, certaines personnes infectées ne produisent pas assez d’anticorps pour qu’un test sérologique puisse les détecter ; dans certains cas, les lymphocytes T pourraient même suffire pour combattre la COVID-19, sans fabrication d’anticorps. Le test des lymphocytes T est beaucoup plus difficile à réaliser et seul un très mince échantillon y a été soumis. En fin de compte, il est concevable que jusqu’à deux fois plus d’Américains soient protégés contre la COVID-19 grâce aux lymphocytes T, soit peut-être 12 % de la population. Nous pourrions raisonnablement conclure qu’entre 6 % et 12 % des Américains sont probablement immunisés. Notez que nous n’affirmons pas que jusqu’à 12 % de la population a été infectée. En effet, une bonne partie des gens protégés grâce aux lymphocytes T ont contracté le virus et développé ces lymphocytes T en le vainquant, mais d’autres sont protégés après avoir été infectés par un autre coronavirus similaire auquel leurs lymphocytes T sont habitués.
Même d’après les estimations les plus optimistes, les États-Unis sont encore très loin de l’immunité collective, pour laquelle il faudrait probablement qu’environ 60 % de la population soit immunisée. Pour le moment, entre un cinquième et un dixième de la population seulement est immunisé. On comprend donc pourquoi un vaccin demeure le moyen le plus efficace et le plus souhaitable en vue d’atteindre l’immunité collective.
Néanmoins, la progression de l’immunité au sein de la population jusqu’à présent reste utile. Comme nous l’avons mentionné dans un précédent numéro du MacroMémo, plus la part de la population immunisée augmente, plus le taux de transmission naturel du virus diminue. Par exemple, si un malade infecte normalement trois autres personnes, ce nombre passe à 2,7 personnes lorsque 10 % de la population est immunisée. Certaines personnes qui auraient été infectées ne peuvent plus l’être puisqu’elles sont immunisées. Concrètement, les mesures de distanciation sociale nécessaires pour maintenir le taux de transmission sous le seuil clé de un peuvent diminuer progressivement.
Le point sur les écoles
Contrairement à l’approche adoptée aux États-Unis, la plupart des commissions scolaires du Canada ont entièrement ouvert leurs portes pour l’enseignement en classe cet automne. Par conséquent, l’évolution de la situation continuera de fournir des données importantes.
Il n’est pas surprenant que de nombreux cas aient été signalés dans les écoles. En fait, même l’école primaire de mon quartier compte maintenant un cas. Comme nous l’avions calculé il y a plusieurs semaines, près de 100 enfants par jour attrapaient la COVID-19 partout au Canada avant même l’ouverture des écoles. Ainsi, on pouvait s’attendre à ce que, chaque jour, plusieurs dizaines d’écoles découvrent qu’une personne infectée s’était récemment trouvée à l’intérieur de ses murs, même si la transmission n’avait pas eu lieu à l’école.
En pratique, si l’on se fie aux chiffres précédemment exposés dans le présent rapport, il semble maintenant qu’une certaine transmission ait lieu dans les écoles. Bien sûr, on peut supposer que les enfants se sont transmis le virus entre eux au cours de l’été : dans les camps de jour, les garderies, les équipes sportives et partout où ils passaient leurs journées avant la rentrée.
À cet égard, environ 4 % des écoles de l’Ontario ont enregistré au moins un cas au cours des deux premières semaines de l’année scolaire. Il semble probable que de nombreuses écoles, sinon la plupart, devront faire face à ce problème à un moment ou un autre au cours de la longue année scolaire à venir. Cependant, comme les élèves sont en grande partie regroupés en cohortes au sein des écoles, seule une petite portion de chaque école devrait temporairement devoir passer à l’enseignement virtuel.
Il est indéniablement malencontreux que le début de l’année scolaire ait coïncidé avec un moment où le nombre de virus commençait déjà à augmenter de façon appréciable. La viabilité de l’enseignement en personne dans les écoles, avec toutes ses répercussions économiques tournant autour de l’acquisition de capital humain et de la capacité des parents à travailler, dépendra en grande partie de plusieurs facteurs :
- la capacité à maîtriser l’accélération de la transmission du virus au cours des prochains mois ;
- la mesure dans laquelle les gouvernements choisiront de donner la priorité à l’éducation (par exemple, la plupart des pays européens ont gardé leurs écoles ouvertes malgré la deuxième vague qui y fait rage) ;
- si les écoles se révèlent d’importants foyers d’éclosion ou non.
Pour le moment, on observe des exemples réels d’éclosions dans les écoles canadiennes. Or, ces éclosions se sont révélées d’une ampleur étonnamment limitée.
Bien que la plupart des grandes commissions scolaires demeurent fermées aux États-Unis, la ville de New York vient de reprendre l’enseignement en personne après plusieurs semaines de retard. Si une centaine de cas ont déjà été signalés dans les écoles de New York, il faut garder à l’esprit que cette ville compte plus de 1,1 million d’élèves. D’un point de vue relatif, ce nombre de cas n’est donc pas aussi important qu’il pourrait le sembler à première vue.
Dans une optique plus large, le New York Times rapporte qu’au moins 130 000 cas de COVID-19 ont été recensés dans les collèges et les universités des États-Unis depuis le début de la pandémie. Pour mettre les choses en contexte, on compte environ 20 millions d’étudiants de niveau postsecondaire aux États-Unis, en plus de quelque 5 millions de personnes qui travaillent dans ces établissements d’enseignement. Ainsi, seulement 0,5 % de ces personnes ont été infectées (bien que beaucoup d’entre elles suivent leurs cours à distance). Sous un autre angle, seulement 1,8 % des cas de COVID-19 aux États-Unis ont été transmis sur les campus universitaires.
Les Centres for Disease Control (CDC) des États-Unis ont publié des pratiques à suivre en vue de la réouverture physique des écoles. Un facteur clé correspond au nombre de nouveaux cas par habitant. Le Canada se situe en dessous du seuil pertinent, un argument qui plaide en faveur de laisser les écoles ouvertes. Aux États-Unis, on dépasse ce seuil. Il ne s’agit toutefois pas du seul critère. Les CDC affirment également que l’utilisation appropriée des masques, le respect des mesures de distanciation, une bonne hygiène des mains, un nettoyage adéquat et la recherche de contacts sont nécessaires pour permettre l’enseignement en personne. Dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis et au Canada, la plupart de ces critères sont respectés, mais l’aspect de la distanciation sociale est discutable.
Par conséquent, on considère qu’une grande partie du Canada est bien équipée pour gérer les salles de classe, tandis que ce n’est pas le cas pour une grande portion des États-Unis. Bien entendu, comme les données se détériorent activement au Canada, cette conclusion pourrait très bien changer en l’espace de quelques semaines ou de quelques mois. De plus, au Canada, les critères secondaires des CDC ne sont pas entièrement respectés. Bien que les hôpitaux y fonctionnent en deçà de leurs capacités, la tendance à la hausse du virus est elle-même considérée comme problématique.
Dans l’ensemble, les CDC mettent notamment de l’avant les meilleures pratiques suivantes pour les écoles :
- le port du masque
- la prise de la température et la surveillance des autres symptômes
- la distanciation sociale
- une bonne hygiène
- le nettoyage et la désinfection
- la recherche de contacts
- le regroupement en cohortes
- l’obligation de rester à la maison s’il y a lieu
- l’accès à des équipements de protection et produits de nettoyage adéquats
- des horaires décalés
- une bonne ventilation
- un contrôle strict des visiteurs
- la restriction au minimum du partage d’objets
- la mise en place de barrières physiques
- des directives de distanciation claires
- la suspension des services alimentaires sur place, à l’école
- la fermeture des espaces communs
Évolution de la conjoncture économique
Décision de la Réserve fédérale américaine (Fed)
Commençons par la décision (qui date maintenant d’un certain temps) rendue par la Fed à la mi-septembre. Comme prévu, cette dernière est allée de l’avant avec un engagement de ne pas augmenter les taux pendant plusieurs années encore et ne s’est heurté qu’à très peu de dissidence. Non seulement les taux demeureront bas tant que persistera la faiblesse de l’économie, mais la Fed affirme maintenant qu’elle s’attend à maintenir une politique monétaire accommodante jusqu’à ce que soit atteinte sa cible d’inflation moyenne, soit 2 % à la longue. Autrement dit, la Fed ne procédera à aucun resserrement avant que l’inflation ne soit revenue à la normale, plutôt que de le faire dès que celle-ci aura commencé à se normaliser. Par conséquent, les rendements obligataires devraient rester plutôt faibles, ce qui correspond tout à fait à nos prévisions antérieures.
Données des indices PMI
En septembre, la plupart des indices des directeurs d’achats (PMI) sont demeurés stables :
- Aux États-Unis, l’indice est demeuré plutôt inchangé, affichant toujours une croissance modérée.
- Similairement, l’indice est demeuré plutôt inchangé en Europe, affichant toujours une croissance modeste à modérée.
- L’indice PMI du Royaume-Uni, qui affichait (étrangement) une forte croissance, a faibli pour indiquer une croissance modérée.
- Le Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante est demeuré inchangé et affiche toujours une croissance modérée.
- L’indice PMI du Japon a légèrement progressé, mais demeure en deçà du seuil de 50 qui délimite habituellement le recul et la croissance. Nous croyons que l’économie japonaise est en croissance, mais ses indices PMI sont un peu à la traîne.
Compte tenu des préoccupations concernant la deuxième vague du virus, il est rassurant de constater que la plupart de ces indicateurs laissent entrevoir une croissance économique stable et constante. Cependant, les indicateurs ne sont plus activement en hausse d’un mois à l’autre, ce qui indique que la partie facile est maintenant dernière nous.
Pot-pourri de données
Dans un contexte où les indicateurs économiques en temps réel sont de moins en moins utiles en raison des distorsions saisonnières croissantes, la mesure des demandes hebdomadaires de prestations d’assurance emploi aux États-Unis, un indicateur fiable, mais à haute fréquence, revêt une importance accrue. La semaine dernière, celui-ci a affiché une infime détérioration avec 877 000 nouveaux demandeurs, par rapport à 866 000 la semaine précédente. Les demandes continues ont légèrement diminué, passant de 12,7 millions à 12,6 millions. Cependant, comme cette série de données est décalée d’une semaine, il est difficile de dire si l’amélioration du marché de l’emploi a pris fin ou non. Les données sur les salaires qui seront publiées cette semaine devraient néanmoins traduire une croissance saine, compte tenu des gains importants réalisés en ce qui concerne les demandes continues au cours de la période de référence.
Les données sur les commandes de biens durables en août aux États-Unis ont été publiées. Celles-ci ont augmenté de 0,4 % dans leur ensemble, et de 1,8 % pour les biens d’équipement de base, qui sont moins volatils. Ainsi il semble que les dépenses en immobilisations n’aient pas diminué à la fin de l’été, même lorsque le mur budgétaire s’est imposé.
L’indice Ifo (institut pour la recherche économique) du climat des affaires en Allemagne, qui est surveillé attentivement, vient d’être publié pour le mois de septembre. Il a de nouveau affiché un gain, passant de 92,5 à 93,4. Ce chiffre, quoique bien supérieur au creux d’avril, n’est toujours pas revenu au niveau enregistré en février, avant la crise de la COVID-19, soit de 95,9. D’un point de vue épidémique, l’Allemagne représente toujours une histoire de réussite.
Au Japon, les ventes des supermarchés affichent maintenant une hausse de 3,3 % d’une année sur l’autre, ce qui est conforme à la tendance voulant que les gens achètent plus de nourriture qu’avant la pandémie. À l’inverse, les ventes des dépanneurs ont diminué de 5,5 % sur la même période, et les ventes des grands magasins ont chuté de 22 % par rapport à l’année précédente. Chacune de ces données concorde avec ce que l’on observe dans les autres pays, en particulier les résultats inférieurs des grands magasins.
PIB par secteur
Le Canada a la chance d’avoir une série mensuelle de données économiques par secteur (voir le graphique suivant). Ces données peuvent nous éclairer sur les tendances sectorielles observées dans la plupart des pays développés jusqu’en juin.
Le rythme de la reprise varie d’un secteur à l’autre
Nota : En date de juin 2020. Creux depuis février 2020. Sources : Macrobond, RBC GMA
Plusieurs résultats ont bondi. Les pires reculs initiaux – plus de 60 % – ont été enregistrés dans le secteur de l’hébergement et des services alimentaires, ainsi que dans le secteur des arts, des spectacles et des loisirs. Mais la situation a depuis bien changé, puisque l’hébergement et les services alimentaires ont rebondi substantiellement quoique pas entièrement, tant s’en faut, tandis que le secteur des arts, des spectacles et des loisirs reste extrêmement affaibli.
Les secteurs des transports et de l’entreposage, du commerce de détail et de la fabrication avaient perdu environ 30 %. Ils ont toutefois connu une reprise fort différente. Les deux premiers secteurs ont beaucoup souffert, le secteur manufacturier a récupéré plus de la moitié de ce qu’il avait perdu au départ, tandis que l’activité de détail est aujourd’hui nettement supérieure à ce qu’elle était avant la pandémie.
Enfin, plusieurs secteurs importants ont connu des baisses initiales anormalement modérées, notamment l’administration publique, les services publics, l’agriculture, la finance et l’immobilier. On peut comprendre dans le cas des trois premiers, ainsi que dans le cas du quatrième, mais c’est étonnant en ce qui concerne l’immobilier.
Données sur le commerce
Au cours des derniers mois, nous avons ressenti une culpabilité grandissante, car nos enquêtes économiques de grande envergure ne nous ont pas permis de bien cerner la situation du commerce international. Nous travaillons à résoudre ce problème dès maintenant, en tenant compte des exportations américaines.
Sans surprise, le commerce a subi une forte baisse pendant la pandémie. Comme nous l’enseigne l’histoire, le déclin initial a été beaucoup plus prononcé en pourcentage que ne l’a été le déclin de la production économique. Alors que la chute du PIB des États-Unis atteignait environ 15 % durant la période la plus difficile, les exportations du pays baissaient elles de plus de 30 %. De plus, la reprise a été moins importante jusqu’à présent. Nous estimons que l’économie américaine avait récupéré plus de la moitié de son déclin initial en juillet, mais bien moins de la moitié de la baisse des exportations avait été récupérée.
Bien sûr, il faut ajouter d’autres complications :
- la guerre commerciale avec la Chine ;
- l’augmentation de l’isolationnisme ;
- les gouvernements qui donnent la priorité à la reprise d’autres secteurs (comme l’emploi et les dépenses de consommation) ;
- certains secteurs qui sont encore visés par des restrictions (voir le graphique suivant).
Incidence de la COVID-19 sur les exportations des États-Unis
Nota : En juillet 2020. Sources : BEA, Census Bureau des É.-U., Macrobond, RBC GMA
Voici quelques faits nouveaux fascinants au sujet des secteurs :
- Les exportations de voyages ont chuté de plus de 70 % et nous attendons toujours la reprise. À titre de précision, les exportations de voyages sont les étrangers qui viennent visiter un pays. Étant donné que les frontières sont presque toutes fermées, il n’y aura pas de rétablissement à court terme.
- Les exportations de transport ont subi un déclin presque aussi important, et ne connaissent qu’une reprise modérée.
- Bien que la chute initiale des exportations de biens de consommation et de fournitures industrielles ait été semblable, le rebond de la consommation a été considérablement plus marqué, ce qui témoigne de l’optimisme des consommateurs du monde entier.
- La demande d’ordinateurs a naturellement rebondi après un creux, une situation logique étant donné les nombreux travailleurs et étudiants qui s’arrachent les ordinateurs portables dans un monde nouvellement virtuel.
- Les exportations de services, comme les télécommunications et les services financiers, ont obtenu d’assez bons résultats tout le long de la période.
- En fin de compte, le secteur des services a obtenu à la fois les meilleurs et les pires résultats.
Les femmes et les jeunes, principales victimes de la récession
Les hommes souffrent généralement plus que les femmes des récessions, car les secteurs de la construction et de la fabrication sont habituellement les plus touchés durant de telles périodes.
Or, nous l’avons souvent dit, cette pandémie a été différente. En effet, la récession qu’elle a provoquée a frappé davantage les femmes, ces dernières ayant perdu une part disproportionnée des emplois (voir le graphique suivant). Cela s’explique du fait que les secteurs où les mesures de distanciation sociale ont fait le plus mal, comme la restauration et le commerce de détail, comptent un nombre disproportionné de travailleuses. Ainsi, chez les femmes, la baisse a atteint 17 % et chez les hommes, 14 %. Plus important encore, la reprise de l’emploi chez les femmes a été beaucoup plus lente qu’elle l’a été chez les hommes.
Une récession frappant les jeunes et les femmes
Nota : En août 2020. Pourcentage de baisse de l’emploi au Canada selon le sexe et l’âge. Sources : Enquête sur la population active de Statistique Canada, Haver, RBC GMA
Pour autant, la récession n’a pas frappé que les femmes. Les jeunes ont été encore plus touchés. Comme le montre le graphique ci-dessus, 22 % des travailleurs canadiens âgés de 15 à 34 ans ont perdu leur emploi pendant la pandémie, comparativement à seulement 12 % des travailleurs âgés de 35 ans et plus. Heureusement, la reprise a aussi favorisé les jeunes travailleurs, qui ont retrouvé plus rapidement leur emploi. Au total, 94 % sont déjà de retour au travail et cette proportion tombe à 67 % chez les personnes de 35 ans et plus.
Bien sûr, il y a plusieurs façons d’analyser la situation actuelle. Si nous quittons les données économiques pour parler de données sur les décès, nous constatons que la pandémie a touché plus durement les hommes que les femmes à l’échelle mondiale, et qu’elle a sans l’ombre d’un doute fait davantage de victimes chez les personnes âgées.
À l’échelle mondiale, on estime que 1,4 homme a succombé à la COVID-19 pour chaque décès enregistré chez les femmes : aux États-Unis, dans la zone euro et au Royaume-Uni, le taux de mortalité est plus élevé chez les hommes que chez les femmes. À ce chapitre, le Canada constitue une curieuse exception, la maladie faisant légèrement plus de victimes chez les femmes que chez les hommes.
Et, bien sûr, la COVID-19 a été particulièrement dure pour les personnes âgées, chez qui le taux de mortalité est disproportionné. Une personne âgée de 75 ans ou plus est littéralement cent fois plus vulnérable qu’une personne âgée de moins de 50 ans.
Hélas, nous pouvons donc dire que presque tous les groupes ont souffert, les jeunes et les femmes sur le plan économique, et les personnes âgées ainsi que les hommes au chapitre des décès.
Les obstacles en présence
Alimentée par un relâchement des règles de distanciation sociale, par la fatigue que ces règles suscitent, par la réouverture des écoles et par les conditions météorologiques automnales, la deuxième vague inquiète. Dans ce contexte, nous croyons que la croissance économique dans les pays touchés fléchira au cours des prochains mois avant de reprendre de la vitesse par la suite.
Heureusement, d’autres obstacles économiques importants se révèlent un peu moins problématiques que prévu, du moins jusqu’à maintenant.
Fardeau budgétaire
Les États-Unis commencent déjà à subir le fardeau budgétaire qui suit une explosion de dépenses budgétaires. Déjà en mai, les dépenses publiques avaient commencé à diminuer, car le chèque unique que les ménages avaient reçu le mois précédent n’a pas été maintenu au cours des mois suivants. Une autre inflexion est survenue à la fin de juillet, les prestations de chômage étant devenues moins généreuses. Au total, le gouvernement fédéral des États-Unis dépense actuellement environ 200 milliards de dollars de moins par mois qu’en avril.
Les États américains sont également en train de diminuer leurs dépenses. La plupart d’entre eux sont soumis à des règles d’équilibre budgétaire. Les recettes publiques des États devraient être inférieures d’environ 7 % et 15 % à la normale en 2020 et en 2021 respectivement, ce qui nécessite des réductions de dépenses dans des proportions équivalentes. Les pertes potentielles qui en découlent équivalent à environ 1 % du PIB chaque année.
Collectivement, ces changements se traduisent par de lourds fardeaux budgétaires. Malgré tout, l’économie américaine donne des signes prometteurs, car elle a continué de croître en août.
Dans la mesure où d’autres pays ont été plus prudents dans leur retrait des mesures de relance, le risque est plus faible ailleurs, du moins en 2020. Par exemple, le dernier discours du Trône du Canada semble annoncer encore plus de largesses de la part du gouvernement, notamment dans des domaines comme l’assurance-médicaments et les garderies, plutôt qu’une politique d’austérité.
Problèmes de crédit à retardement
Habituellement, les problèmes de crédit accusent un décalage après une récession. Les défaillances ne culminent pas immédiatement, mais plutôt au cours de l’année suivante, alors que les problèmes financiers se concrétisent.
Heureusement, les problèmes ne semblent pas aussi graves que ce que l’on craignait au départ. Les défaillances de crédit sont substantielles et inachevées, mais selon les prévisions, elles atteindront des sommets bien inférieurs aux niveaux atteints lors de la crise financière.
La situation est encore très ambiguë en ce qui concerne le crédit aux ménages et les prêts bancaires. Cependant, les banques semblent de plus en plus à l’aise avec les pertes sur prêts pour lesquelles elles ont constitué des provisions, et les pertes réelles restent assez faibles. Bien entendu, en raison des divers programmes de report de versement sur prêt, ces pertes n’ont pas encore été entièrement réalisées. Toutefois, une nette amélioration a été observée dans le segment des prêts hypothécaires. Par exemple :
- la proportion de Canadiens reportant leurs versements hypothécaires est passée d’un sommet d’environ 16 % à 6 % aujourd’hui.
- Au Royaume-Uni, ce pourcentage est descendu de 14 % à 6 %.
- Aux États-Unis, l’amélioration est moindre (de 8 % à 7 %), mais la proportion actuelle est similaire.
En outre, les experts estiment que seule une infime fraction des propriétés hypothéquées sera saisie, car les prix des habitations augmentent à un point tel que les ménages éprouvant des difficultés financières peuvent s’en tirer plus aisément.
Risques liés au logement
Jusqu’à présent, les marchés du logement ont été plutôt solides. À un moment donné, il serait logique qu’ils fléchissent en raison du chômage massif et de la faible immigration. Toutefois, rien n’indique que ce soit le cas jusqu’à maintenant, et certains des problèmes de crédit aux ménages susmentionnés sont déjà de moins en moins graves. Nous pensons encore que le marché du logement devrait finir par s’affaiblir quelque peu. Toutefois, il se pourrait qu’une telle faiblesse se manifeste assez tardivement pour que l’économie soit en bien meilleure position pour l’affronter, ayant déjà habilement surmonté de nombreuses difficultés budgétaires et liées au crédit.
Mini-revue des marchés financiers
Il convient de mentionner que les marchés boursiers se sont repliés dans une certaine mesure en septembre. Le marché boursier américain, qui a chuté d’environ 7 %, a été le plus éprouvé. Ailleurs, les dégâts ont été plus limités. Dans tous les cas, les marchés boursiers demeurent à des niveaux considérablement plus élevés que leurs creux de la fin de mars.
La situation s’explique en très grande partie par des événements propres aux États-Unis, notamment les suivants :
- L’envolée des titres technologiques centrée sur les États-Unis a maintenant été partiellement contrebalancée.
- Les préoccupations concernant la politique américaine, qui portent sur des questions comme l’atténuation de la stimulation budgétaire, une bataille entourant une nomination à la Cour suprême et les prochaines élections. Il serait raisonnable de prévoir à tout le moins une volatilité plus élevée que la normale aux États-Unis.
- Les sanctions supplémentaires à l’endroit de la Chine pourraient également être en cause, bien qu’elles semblent relativement mineures.
Depuis un certain temps, nous sous-pondérons quelque peu les actions américaines dans l’ensemble du marché boursier.
Bien entendu, comme nous le soulignons cette semaine, la situation n’est pas parfaite à l’échelle mondiale. Les statistiques au sujet de la COVID-19 ne semblent pas particulièrement réjouissantes. De plus, la relance économique n’est pas aussi intense qu’avant.
Cela dit, et malgré une variété de difficultés évidentes, nous continuons d’entrevoir pour la prochaine année une progression des marchés boursiers fondée sur l’accroissement de l’activité économique, la remontée des bénéfices et des valorisations non déraisonnables dans un contexte d’extrême faiblesse des taux d’intérêt. Pour en savoir plus sur nos prévisions pour les marchés financiers, lisez le dernier numéro de Regard sur les placements mondiaux.
– Avec la contribution de Vivien Lee et de Kiki Oyerinde
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