Webémission
- Notre webémission mensuelle sur l’actualité économique, intitulée « Signes de reprise et tarifs douaniers », a été mise en ligne la semaine dernière.
Tarifs douaniers États-Unis-Mexique
- La menace d’imposition de nouveaux tarifs au Mexique par les États-Unis a disparu juste avant la date prévue de leur application, soit le 10 juin.
- Nous ne sommes pas vraiment surpris par ce règlement de dernière minute. Contrairement aux négociations plus difficiles en cours entre les États-Unis et la Chine à propos de la structure même de l’économie chinoise, les frictions entre les États-Unis et le Mexique étaient nettement plus superficielles.
- Les États-Unis avaient exigé du Mexique un resserrement du contrôle frontalier, élément central de la plateforme électorale du président Trump en 2016. Le Mexique a fini par obtempérer : il a déployé davantage de militaires de la Garde nationale à la frontière et promis d’accélérer le retour dans leur pays des migrants rejetés par les États-Unis.
- Dans une certaine mesure, ces concessions équivalent simplement à un rétablissement de la vigilance après un relâchement de la sécurité aux frontières sous la conduite du nouveau président Obrador.
- Si le flux de migrants clandestins allant du Mexique et de l’Amérique centrale (en passant par le Mexique) vers les États-Unis ralentit, la question devrait être réglée.
- Toutefois, nous estimons que la menace d’imposition de tarifs douaniers au Mexique est susceptible de ressurgir pour n’importe laquelle des raisons suivantes :
- Les États-Unis n’ont pas hésité à menacer de nouveau un pays de sanctions commerciales après être parvenus à un accord. Par exemple, ils ont brandi la menace de tels tarifs huit mois après que le Mexique eut signé l’AEUMC. D’autres menaces pourraient être proférées, que ce soit à la suite de nouvelles préoccupations liées à l’immigration, quand le secteur automobile se retrouvera dans la mire cet automne, à titre de stratagème de négociation pour arracher d’autres concessions dans l’AEUMC afin d’obtenir un soutien des démocrates, ou pour des raisons plus fondamentales concernant la compétitivité supérieure du Mexique et l’excédent commercial de celui-ci avec les États-Unis.
- La définition du succès dans le nouvel accord est floue. À notre connaissance, le Mexique ne doit pas déployer un nombre précis de militaires à la frontière, ni réduire le nombre de migrants illégaux dans une proportion donnée. Il pourrait donc être difficile pour les deux pays de s’entendre sur la question de savoir si la réponse du Mexique est satisfaisante.
- Il est peu probable que les mesures du Mexique parviennent à juguler complètement l’immigration clandestine vers son voisin du Nord. Les États-Unis pourraient utiliser ce prétexte pour soutirer une concession importante : amener le Mexique à signer une entente de tiers pays sûr avec les États-Unis. Ainsi, les réfugiés d’Amérique centrale seraient contraints de demander l’asile au Mexique plutôt que de poursuivre leur route jusqu’aux États-Unis.
- De plus, le président Trump a annoncé que le Mexique achèterait davantage de produits agricoles américains, mais cet élément ne semble pas faire officiellement partie de l’accord.
- Il importe de savoir que le nombre de migrants clandestins entrant aux États-Unis a atteint en 2017 un plancher vieux de 46 ans, et ce, vraisemblablement pour deux raisons. Premièrement, les entrées illégales au pays étaient en baisse depuis la crise financière, les États-Unis étant devenus une destination moins attrayante d’un point de vue économique. Deuxièmement, le resserrement de la sécurité frontalière par le président Trump a dissuadé de nombreuses personnes de simplement tenter de traverser la frontière.
- Comme l’immigration illégale a recommencé à augmenter en 2018, cette question a repris une grande importance politique.
- Le nombre d’expulsions s’accroît depuis un bon moment. Cette hausse a d’ailleurs commencé sous la présidence de Barack Obama, pendant laquelle de nombreux migrants illégaux présentant un casier judiciaire ont été expulsés. Cette tendance s’est ensuite accentuée lorsque le président Trump a mis en œuvre une politique de tolérance zéro en 2018.
- D’un point de vue économique, la décision de ne pas imposer des droits de douane au Mexique est manifestement positive et a été interprétée en ce sens par les marchés financiers. Il convient toutefois de signaler que la menace pourrait ressurgir.
Terres rares
- Le champ de bataille commercial entre les États-Unis et la Chine s’est élargi. En plus des droits de douane, il englobe désormais des barrières non tarifaires, comme des sanctions imposées aux entreprises et une limitation de certaines exportations spécialisées. Il a beaucoup été question de la possibilité que la Chine tire parti de l’arme stratégique que constitue sa domination dans le secteur des terres rares. Ainsi, elle menace désormais de cesser ses exportations massives de ces métaux.
- Pékin est actuellement responsable de 70 % de l’offre mondiale de 17 éléments exotiques entrant dans la composition d’un grand nombre d’aimants, d’alliages et d’appareils électroniques. Les lecteurs de disques, les microphones, les haut-parleurs et les écrans comprennent tous des terres rares. Un catalyseur à base de terres rares est aussi habituellement utilisé pour le raffinage du pétrole.
- Par conséquent, toute restriction des exportations de terres rares en provenance de la Chine pourrait créer des tensions dans le secteur du matériel informatique aux États-Unis et à l’échelle mondiale, ce qui nuirait à l’économie. Les Américains dépendent encore plus de l’approvisionnement de la Chine que la moyenne mondiale (80 % des terres rares qu’ils utilisent proviennent de la Chine).
- Toutefois, selon nous, la menace d’un embargo sur les terres rares chinoises n’est pas trop dangereuse.
- Premièrement, il s’agit d’un secteur relativement petit. Washington importe seulement l’équivalent de 160 millions de dollars de terres rares par année, soit une bagatelle dans une économie dont le PIB est de 20 billions de dollars. Autrement dit, si les prix augmentaient considérablement en raison d’une pénurie, l’économie encaisserait un choc minime.
- Deuxièmement, la Chine domine la production mondiale de terres rares seulement en raison de ses mesures antipollution laxistes et donc de ses coûts inférieurs. En réalité, ces éléments sont répandus sur la terre. L’un d’entre eux, le cérium, est plus courant que le cuivre. Certes, les terres rares sont plus dispersées que les métaux communs, de sorte qu’il peut être difficile de les trouver en concentration suffisante pour les extraire de façon rentable. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y en a dans tous les pays. La situation ne se compare donc pas à celle du pétrole d’Arabie saoudite.
- Troisièmement, la dernière tentative de la Chine de resserrer le marché, survenue en 2010, s’est vraiment retournée contre elle. Avant, elle était responsable de près de la totalité de l’offre mondiale. Après, attirés par la hausse des prix et échaudés par le manque de fiabilité de la production chinoise, d’autres pays ont rouvert des mines précédemment fermées. La part de la production revenant à la Chine est ainsi tombée à 70 %, comme nous l’avons mentionné plus haut Il se pourrait donc que Pékin hésite à réduire de nouveau l’approvisionnement mondial.
- Quatrièmement, d’autres pays sont déjà encouragés à accroître leur production. Les producteurs de terres rares ont vu la valeur de leurs actions augmenter de près de 50 % depuis la détérioration des relations commerciales, survenue au début de mai. L’Australie possède une mine importante, tandis que des travaux sont en cours aux États-Unis et au Canada.
- Cinquièmement, les entreprises peuvent, dans une certaine mesure, trouver des moyens de contourner l’embargo sur les terres rares. En 2010, les raffineries ont pu poursuivre leurs activités sans recourir aux éléments spécialisés. Les fabricants d’écrans ont également été capables de remplacer les métaux non disponibles par d’autres matières.
- En somme, toute décision de la Chine visant l’arrêt des exportations de terres rares risque d’avoir des conséquences, mais pas d’anéantir l’économie.
Faiblesse ou vigueur économique
- La récente faiblesse de l’économie américaine a fait l’objet de bien des discussions : un rapport sur les salaires signalant la création de deux fois moins d’emplois que prévu (75 000) et d’aucun emploi après la prise en considération des révisions baissières des mois précédents. Dans le même ordre d’idées, l’indice baromètre de l’industrie manufacturière ISM a encore reculé, cette fois-ci de 52,8 à 52,1.
- Ces résultats sont sans contredit négatifs, mais ils ne sont pas aussi mauvais qu’on pourrait le croire de prime abord.
- En ce qui concerne le rapport sur l’emploi de mai :
- le taux de chômage est demeuré à un très bas niveau de 3,6 % ;
- le nombre total d’heures de travail a augmenté à un rythme tolérable ;
- d’autres mesures de l’emploi comme les inscriptions au chômage et les données d’emploi des deux indices de l’Institute for Supply Management (ISM) ont connu une hausse dans leur dernière mouture.
- Il est donc loin d’être certain que la création d’emplois aux États-Unis est passée sous la barre de 100 000 de façon permanente.
- De même, l’indice de l’industrie manufacturière ISM a fait des gains intéressants même s’il est légèrement plus bas. Les nouvelles commandes sont passées de 51,7 à 52,7, et l’emploi, de 52,4 à 53,7. Beaucoup estiment que ces deux composantes n’ont pas moins d’importance que la série globale elle-même.
- Enfin, divers indicateurs économiques semblent annoncer une stabilisation de l’économie, et même une accélération, ce qui est digne de mention après presque une année et demie d’affaiblissement de l’activité.
- En mai, l’indice de l’industrie non manufacturière ISM a atteint un niveau vigoureux de 56,9 (par rapport à 55,5) dans un contexte d’accélération de la production, des nouvelles commandes et de l’emploi.
- La confiance des consommateurs américains demeure très élevée, comme en témoigne la croissance constante des dépenses de consommation.
- Le livre beige qualitatif publié par la Réserve fédérale continue de dénoter une amélioration, ayant signalé une légère hausse de l’activité des entreprises à chacune de ses deux dernières publications.
- Quelques indices composites de variations des données économiques aux États-Unis ont connu une stabilisation ou un rebond depuis avril.
- Le but de cette liste n’est pas de prétendre que tout va bien, mais plutôt de souligner que les données économiques demeurent très contrastées plutôt que purement négatives.
- Il est intéressant de constater que dans la mesure où la faiblesse est visible, elle semble disproportionnée dans le secteur manufacturier (les commandes de biens durables, également en baisse cette année, en offrent une autre preuve). En revanche, les secteurs qui sont davantage axés sur les services et les consommateurs tiennent assez bien le coup. Les tarifs douaniers pourraient expliquer en partie la différence.
- Il est logique que la croissance économique se stabilise après un long repli causé par l’important recul des taux d’intérêt, dont il est question à la section suivante.
Baisse des taux
- Les taux obligataires sont en baisse marquée.
- Notons en particulier que le taux des obligations du Trésor américain à dix ans est en chute libre ; il est passé de 3,25 % au début de novembre à 2,59 % au milieu d’avril, puis à seulement 2,13 % au début de juin. En tout, il a donc diminué d’un tiers.
- Les taux des obligations canadiennes ont connu un sort comparable : ils se situent actuellement à 1,51 % seulement, par rapport à 2,60 % en octobre dernier.
- À l’extérieur de l’Amérique du Nord, le taux des obligations britanniques a diminué de moitié depuis la fin de 2018, tandis que celui des obligations allemandes est passé en terrain négatif et a atteint un nouveau creux historique de -0,22 %. Ce taux, qui était de 0,57 % à la mi-octobre, est plus bas qu’à n’importe quel moment de la crise financière mondiale, de la crise de la dette souveraine ou de la flambée de 2015 et 2016.
- Ce repli synchronisé des taux obligataires est attribuable à plusieurs facteurs entrelacés :
- la croissance économique est plus lente que l’automne dernier ;
- le marché a traversé d’importantes périodes d’aversion au risque ;
- les banques centrales ont considérablement adouci le ton.
- Les marchés estiment maintenant à 18 % la probabilité d’une baisse de taux lors de l’annonce de la prochaine décision de la Réserve fédérale américaine, le 19 juin, et à pas moins de 83 % la possibilité d’une réduction à la réunion de la banque centrale en juillet. Les récents commentaires du président de la Fed Jerome Powell ont dans une certaine mesure mis le feu aux poudres. M. Powell a reconnu l’importance de surveiller l’évolution des négociations commerciales et a promis de prendre les mesures appropriées pour soutenir la croissance. Ces propos constituent un revirement radical de la part de la banque centrale qui, il n’y a pas si longtemps, promettait plusieurs nouvelles hausses de taux cette année.
- Les attentes du marché n’ont pas changé de façon aussi marquée à l’endroit de la Banque du Canada, particulièrement après que celle-ci eut reconnu la vigueur du marché canadien du travail. Le marché évalue néanmoins à 35 % la probabilité d’une réduction de taux d’ici octobre au pays.
- La plus récente décision de la BCE s’est traduite par deux nouvelles mesures de relance :
- l’adoption de dispositions afin d’améliorer la liquidité ;
- le maintien des indications de la banque centrale selon lesquelles elle ne relèvera pas les taux avant le milieu de 2020.
- Toutefois, ces assurances ont un peu déçu le marché, qui espérait que la BCE évoquerait aussi la possibilité d’abaisser les taux au cours de la période considérée.
- Les taux d’intérêt ont considérablement diminué. Il est à craindre que les taux obligataires aient un peu trop reculé et que le marché prévoie par le fait même des réductions de taux trop importantes de la part des banques centrales.
- Premièrement, la conjoncture économique est loin d’être mauvaise, comme nous l’avons précisé dans la section précédente. De plus, la simple diminution des taux d’intérêt observée jusqu’ici devrait contribuer à stabiliser la croissance jusqu’à la fin de 2019.
- Deuxièmement, en ce qui a trait aux États-Unis, il ne nous apparaît pas certain qu’il faille tenir pour acquis que les taux seront abaissés d’ici juillet. Nous sommes néanmoins d’avis que les taux sont plus susceptibles d’être abaissés que d’être relevés. De plus, il est assurément possible que les taux soient réduits dans un proche avenir en cas de contraction économique ou de nette aggravation du protectionnisme. Toutefois, ces éventualités mises à part, l’inflation avoisine la cible de la banque centrale, le taux de chômage est très faible et la croissance est toujours au rendez-vous. Il semble donc probable que le taux directeur demeurera inchangé à court terme.
- Troisièmement, les marchés obligataires et boursiers évoluent de façon très différente. Les cours boursiers se situent actuellement près de leurs sommets pendant que les taux obligataires frôlent leurs creux, ce qui est inhabituel. La vérité pourrait se trouver au milieu.