Dans cette vidéo, l’économiste en chef Eric Lascelles fait part de ses prévisions pour la croissance économique mondiale et l’inflation. Il formule également des commentaires afin de déterminer dans quel stade se trouve le cycle économique et si nous devons nous attendre à une nouvelle crise liée à la réduction des achats d’actifs.
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Transcription
Quelles sont les perspectives de croissance économique mondiale pour le reste de 2021 et en 2022 ?
Une grande incertitude demeure en ce qui concerne les perspectives économiques. Nous sommes, après tout, en terrain inconnu. Nous n’avons jamais vécu une reprise comparable à la suite d’une pandémie. Selon nos meilleures estimations, la croissance économique ralentira quelque peu, tant au cours du second semestre de l’année qu’en 2022, mais je tiens à souligner qu’elle restera correcte par rapport aux normes historiques.
En ce qui concerne le second semestre de l’année, nous pouvons déjà observer des signes de ralentissement, à la fois dans certains indicateurs en temps réel que nous suivons, et dans certains indicateurs économiques plus traditionnels. Évidemment, le variant Delta se propage plus rapidement que par le passé, et ses répercussions économiques se font déjà sentir. Et franchement, au second semestre, il aurait été difficile pour l’économie de poursuivre une croissance aussi soutenue que pendant le premier semestre, si nous regardons la rapidité de la croissance au cours de la première partie de l’année.
Si nous nous projetons un peu plus loin jusqu’en 2022, nous voyons un peu moins de dynamisme naturel dans l’économie. Les économies se seront rapprochées de leur production potentielle. Donc, leur course vers ce potentiel sera moins rapide. Par ailleurs, nous attendons un peu moins d’aide du côté des mesures budgétaires, et un peu moins d’aide du côté des mesures monétaires.
Malgré tout, même si nous parlons d’une croissance un peu plus faible, même si nos prévisions sont en réalité inférieures à la moyenne, nous parlons toujours d’une reprise économique. C’est toujours le cas. Nous pensons qu’il s’agit toujours d’une croissance rapide dans l’absolu. En fait, si nous regardons plus précisément les chiffres, nous voyons près de 4 % de croissance du PIB pour 2022, à la fois pour les États-Unis et le Canada, et en fait, pour de nombreux pays du monde développé.
Les investisseurs doivent-ils s’inquiéter d’une autre crise liée à la réduction des mesures de relance ?
Les banques centrales laissent entrevoir un resserrement de la politique monétaire au cours des deux prochaines années, ce qui provoque une certaine anxiété sur les marchés et parmi les participants au marché. Nous nous souvenons tous du cycle précédent, qui a donné lieu à plusieurs crises lorsque les banques centrales ont procédé à un retrait similaire de leurs mesures de relance.
Je dirais cependant que le risque de crise est nettement moins marqué cette fois-ci, pour un certain nombre de raisons. Alors, la première remarque est que le resserrement monétaire, la hausse des taux d’intérêt et ce genre de choses, ce n’est pas mauvais en soi pour les marchés. En fait, tant qu’il n’y a pas d’erreur de politique, c’est même positif en théorie. Ces hausses de taux visent à préserver la croissance de l’économie sans risque de surchauffe, en la maintenant sur sa trajectoire optimale. Et donc, ce n’est pas une mauvaise chose en soi. Voilà pour le côté logique.
En outre, je dirais que les marchés aussi bien que les banques centrales ont tiré les leçons du dernier cycle, qui a été marqué par des crises résultant du retrait des mesures de relance. Par exemple, les banques centrales émettent d’ores et déjà des signaux évidents, et les marchés financiers ont donc moins de raisons de s’affoler. En fait, nous avons déjà vu certaines banques centrales commencer à glisser vers un resserrement, notamment la Banque du Canada, et les marchés se sont globalement bien comportés.
Une autre raison importante est que cette fois-ci, les banques centrales font clairement la différence entre le retrait des mesures de relance et les hausses de taux. Le retrait des mesures de relance signifie simplement qu’elles achètent moins d’obligations. Les banques centrales continuent d’acheter des obligations et même de mettre en place des mesures de relance. Elles le feront vraiment pendant encore six mois, voire un an, et personne n’envisage sérieusement des hausses de taux pour le moment. Il s’agit donc d’un processus très lent, et je pense que le risque s’en trouve diminué.
Enfin, et c’est peut-être lié à ce dernier commentaire, cette fois-ci, les banques centrales ne suppriment pas leurs mesures de relance avant l’heure. À la fin du dernier cycle, il y a eu plusieurs épisodes de relance parce que dans chaque cas, la banque centrale avait resserré sa politique trop tôt, mais cette fois, nous voyons que les banques centrales vont tout doucement. L’inflation est déjà élevée. Le chômage évolue grandement. Elles n’agissent toujours pas. Je pense donc que le risque d’une crise est considérablement réduit. Ce risque n’est pas nul, mais il ne s’agit pas d’un risque important pour l’année prochaine.
L’inflation va-t-elle continuer à augmenter ?
L’inflation est extrêmement élevée en ce moment, mais nous pensons qu’elle est déjà sur le point de culminer. Et, en fait, lorsque nous regardons les indicateurs d’inflation en temps réel, beaucoup d’entre eux ont déjà un peu reculé. Si l’on se tourne vers les marchés des marchandises, dont les prix sont à l’origine de la récente flambée de l’inflation, un grand nombre d’entre eux se stabilisent, voire déclinent.
Et, d’ailleurs, lorsque nous examinons le taux d’inflation mensuel, et que nous prenons du recul par rapport aux chiffres annuels, la hausse est de l’ordre de 3 points au Canada et de 5 aux États-Unis, et nous voyons que le rythme de variation mensuel a déjà quelque peu ralenti. Nous pensons donc que nous avons déjà atteint un sommet.
Toutefois, cela ne veut pas dire que nous sommes près de revenir à une inflation tout à fait normale. Nous constaterons encore des distorsions par-ci par-là. Nous observons que la demande a changé, et que ces changements ne sont pas complètement réversibles. Les gens qui achetaient, par exemple, plus d’appareils électroniques et ce genre de choses pendant la pandémie se tournent maintenant vers les services, et mangent notamment plus souvent au restaurant. Les prix de certains de ces produits sont donc sous pression.
Et nous constatons également que l’offre reste soumise à des contraintes. Par exemple, les coûts d’expédition sont environ cinq fois plus élevés que la normale parce que beaucoup plus de marchandises sont expédiées dans différentes directions, tandis que les retards demeurent assez importants. Nous constatons des pénuries de puces électroniques. Les gens ont acheté, encore une fois, beaucoup plus d’appareils électroniques et ce genre d’articles, et il y a donc aussi une pénurie qui fait monter le prix des produits basés sur ces puces.
Et donc, ces choses ne sont pas entièrement résolues. Elles ne seront probablement pas résolues du jour au lendemain. Ainsi, l’année prochaine ou pendant les deux prochaines années, nous verrons sans doute des coûts toujours élevés pour certains [types de] produits. Et nous pouvons voir, par exemple, que les sociétés ont encore du mal à trouver suffisamment de travailleurs, dans de nombreux cas. Tout cela conduit à une inflation encore forte pour une période correspondant à peu près à l’année à venir. Toutefois, si nous regardons plus loin que l’année prochaine, nous pensons que l’inflation pourrait commencer à baisser. Et nous n’avons pas de grandes préoccupations en ce qui concerne l’inflation à long terme.
Où en sommes-nous dans le cycle économique et pensons-nous que ce cycle sera plus court que d’habitude ?
Les avis divergent beaucoup sur la question de savoir où nous en sommes dans le cycle économique. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons observer directement. Mais les travaux que nous menons continuent d’indiquer que nous en sommes à un stade assez précoce du cycle économique.
Et donc, oui, la reprise a été remarquablement rapide, ce qui laisse peut-être supposer un stade plus avancé. Oui, il y a des indices qui montrent que nous nous rapprochons du milieu du cycle. Mais en fin de compte, nous restons convaincus que nous nous trouvons au début du cycle.
Parmi les facteurs qui conduisent à ce diagnostic, notons que les banques centrales n’ont pas encore commencé à relever les taux. Et c’est généralement représentatif d’un début de cycle économique. De même, les taux obligataires sont encore très bas, ce qui n’est généralement le cas qu’en début de cycle.
Malgré tous les progrès accomplis, nous voyons qu’il existe toujours un grand potentiel économique ; autrement dit, il reste beaucoup à faire avant que l’économie ne présente un sérieux risque de surchauffe. Et à ce propos, je peux dire que les taux de chômage, malgré les nombreux progrès, ne sont pas encore normaux. Et donc, encore une fois, d’autres améliorations peuvent encore se produire, ce qui signifie que le cycle économique continuera d’avancer.
Par ailleurs, si nous regardons certains des modèles de récession que nous utilisons et les probabilités de récession l’année prochaine, ces modèles nous disent que le risque reste plutôt faible pour l’année prochaine. Et le risque est généralement assez faible à un stade précoce du cycle.
En ce qui concerne les implications d’un début de cycle, soulignons qu’en moyenne, le marché boursier et les actifs à risque se comportent bien pendant cette période. Même si rien n’est garanti, nous pensons que nous avons encore plusieurs années de croissance économique devant nous. Puisque nous nous trouvons au début d’un cycle, de nouveaux progrès peuvent être attendus.
Le cycle pourrait toutefois s’avérer plus court que par le passé. Il s’agira peut-être d’un cycle de cinq ans, et non de dix ans, compte tenu de la rapidité de la reprise jusqu’à présent. Mais nous ne pensons pas que le cycle soit déjà terminé, à moins d’un choc imprévu.
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