Les marchés boursiers ont opéré un redressement spectaculaire, grâce aux impressionnants filets de sécurité déployés par les banques centrales ; les économies ont peu à peu émergé de la paralysie, tandis que les investisseurs ont repris confiance. Une fois levées les mesures de confinement généralisé, l’économie a rebondi rapidement. Toutefois, la reprise est maintenant plus lente, puisque les progrès les plus faciles à accomplir ont déjà été enregistrés.
L’activité économique reprend de la vigueur
Le monde est en bien meilleure posture qu’au précédent trimestre : l’activité économique a redémarré en trombe, la menace que représente la COVID-19 a baissé d’intensité et les travaux en vue de la mise au point d’un vaccin ont avancé. La reprise s’est amorcée plus tôt que l’anticipaient de nombreux investisseurs, grâce aux programmes de relance monétaire et budgétaire d’une ampleur inégalée. Les mesures de l’activité en temps réel ont commencé à s’améliorer à la mi-avril, poursuivant leur remontée jusqu’à tout récemment. À l’heure actuelle, les économies développées ont récupéré un peu plus de la moitié des pertes de production. La croissance est repartie, mais compte tenu de la gravité du déclin subi au début de l’année, nous prévoyons une baisse du PIB en 2020, par rapport à 2019. Nous tablons maintenant sur une contraction du PIB mondial de 4,0 % en 2020, soit 0,6 point de pourcentage de plus qu’au trimestre précédent.
De nouveaux obstacles surgissent et le rythme de la reprise ralentit
Divers obstacles se dressent sur le chemin du retour à la normale de l’économie. Plusieurs secteurs en berne devront sans doute composer avec des contraintes structurelles tant que les inquiétudes entourant l’épidémie restent vives. Le chômage demeure élevé ; les personnes qui n’ont toujours pas retrouvé un emploi risquent d’éprouver des difficultés à obtenir un poste jusqu’à ce que leur secteur d’activité fonctionne de nouveau à plein régime. Or, cela pourrait prendre des mois, voire des années. En ce qui concerne les entreprises, les problèmes de solvabilité surviennent généralement avec un certain retard. Par conséquent, la récession de 2020 pourrait entraîner une augmentation des défaillances en 2021. Selon le dernier sondage mené auprès des responsables du crédit aux États-Unis, les conditions de crédit se resserrent et les difficultés budgétaires s’accumulent. Les États-Unis ont déjà réduit l’aide aux chômeurs, ce qui pourrait freiner les dépenses de consommation. À notre avis, ces écueils ne feront pas dérailler la reprise économique, mais ils en ralentiront probablement la cadence par rapport à ce que nous avons vu jusqu’à présent.
Les élections présidentielles approchent aux États-Unis
Les élections américaines se tiendront dans moins de deux mois. Pour l’heure, les marchés des paris prédisent une victoire de Biden sur Trump. Joe Biden propose d’importants changements, tandis que Donald Trump mise essentiellement sur le statu quo. Certains volets du programme du candidat démocrate pourraient entraver la croissance économique, notamment l’augmentation des impôts, le renforcement de la réglementation et les restrictions imposées au secteur de l’énergie. Par contre, d’autres mesures pourraient la stimuler, comme une meilleure coordination à l’échelle nationale de la lutte contre le coronavirus, un plan de relance budgétaire plus musclé, un allègement du protectionnisme et une hausse de l’immigration. Globalement, les politiques prônées par Joe Biden pourraient nuire à la croissance à court terme, mais la revigorer au bout d’un an. Cependant, les investisseurs en actions craignent peut-être davantage le projet de hausse de l’impôt des sociétés qu’un déclin de la croissance économique, de sorte qu’une victoire du démocrate pourrait plomber le marché boursier, dans la mesure où cette possibilité n’est pas encore pleinement prise en compte.
La faiblesse du dollar américain devrait persister
La trajectoire baissière du billet vert s’est confirmée. Depuis mars, le dollar américain pondéré en fonction des échanges s’est déprécié de 10 %. Ce recul n’est que le début d’une faiblesse prolongée de la devise, qu’alimentent plusieurs facteurs structurels, cycliques et politiques. Nous nous attendons à ce que les monnaies du G10, notamment l’euro et le yen, continuent de surpasser celles des marchés émergents durant cette phase du cycle du dollar américain. Nos prévisions concernant le dollar canadien sont plus nuancées. Nos perspectives sont passées de baissières à haussières, au vu de nouveaux facteurs positifs et de la tendance baissière du dollar américain qui exercera probablement une influence plus importante sur les marchés des changes.
Les taux des obligations d’État se maintiennent à un creux historique
L’anémie de l’économie et les politiques très accommodantes adoptées par les banques centrales dans le contexte de pandémie ont tiré les taux des obligations d’État à long terme à des niveaux historiquement bas dans le monde entier. Au cours du dernier trimestre, les taux sont restés près de ces niveaux, fluctuant dans une fourchette étroite. Selon notre indice composite d’obligations mondiales, les taux sont tombés bien en deçà des niveaux d’équilibre établis par notre modèle, entraînant un fort risque d’évaluation. Actuellement, les taux obligataires réels, c’est-à-dire compte tenu de l’inflation, se trouvent en territoire négatif. D’après nous, cette situation ne peut pas durer indéfiniment, car les investisseurs finiront par exiger une rémunération pour les fonds qu’ils ont immobilisés. Toutefois, nous n’anticipons pas de hausse prononcée des taux obligataires pour l’avenir prévisible en raison des changements démographiques structurels, de l’importance grandissante accordée à l’épargne et du fait que les économies émergentes arrivent à maturité. Même si les taux des obligations d’État augmentaient graduellement, les rendements resteraient très faibles, voire légèrement négatifs, et ce, potentiellement pour de nombreuses années.
Les actions grimpent, alors que les investisseurs parient sur un rebond des bénéfices
La reprise des marchés boursiers amorcée en mars s’est poursuivie pendant l’été. Au cours des trois derniers mois, la plupart des principaux indices ont inscrit des gains supérieurs à 10 %, qui ont sensiblement réduit ou entièrement compensé les baisses précédentes. Comme l’attention des investisseurs se porte au-delà de la pandémie, les bénéfices perdus en raison de la COVID-19 ont peu d’incidence sur la valeur actuelle des actions dans la mesure où les bénéfices finiront par retrouver leur trajectoire antérieure. Le confinement et la reprise ont mis les bénéfices des sociétés à rude épreuve. Toutefois, les investisseurs s’intéressent aussi aux bénéfices futurs, qui seront probablement exempts de toute distorsion liée à la COVID-19. En ce qui concerne les styles de placement, la pandémie a accentué la domination des actions de croissance, dont l’écart de valorisation par rapport aux actions de valeur n’avait pas été aussi important depuis la bulle technologique survenue à la fin des années 1990. Les valorisations ont surtout augmenté sur le marché boursier américain. Notre indice composite mondial de la juste valeur a dépassé le point d’équilibre, touchant un sommet inégalé en plus d’une décennie. Soulignons que la dynamique des valorisations varie considérablement d’une région à l’autre : les actions américaines ont atteint leur pleine valeur, tandis que d’autres marchés boursiers demeurent particulièrement attrayants.
Composition de l’actif – Hausse d’un point de pourcentage de la pondération en actions, en puisant dans les obligations
La politique monétaire devrait rester très accommodante pour soutenir l’économie et les marchés financiers. De plus, les achats d’actifs non sensibles aux prix qu’effectuent les banques centrales empêcheront vraisemblablement les taux obligataires de monter. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que les obligations d’État génèrent des rendements totaux faibles ou légèrement négatifs. Fait important, en cas de détérioration des perspectives macroéconomiques, la protection offerte par les obligations d’État au sein d’un portefeuille équilibré est réduite lorsque les taux sont aussi bas.
Nous sommes conscients que les valorisations élevées des marchés boursiers et l’optimisme des investisseurs posent un risque de correction à court terme. En outre, vu l’écart de valorisation considérable entre titres de croissance et titres de valeur, les pondérations des styles doivent être gérées activement. Néanmoins, à long terme, les actions présentent un potentiel de rendement supérieur à celui des obligations, comme le montre leur importante prime de risque qui subsiste dans le contexte actuel de faiblesse des taux d’intérêt. C’est pourquoi au cours du trimestre, nous avons abaissé la part des obligations d’un point de pourcentage pour augmenter d’autant celle des actions. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 62 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 37 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités.
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