Au cours du trimestre, les marchés financiers ont été aux prises avec une volatilité considérable, car le monde a été confronté à la pire crise économique depuis la Grande Dépression. L’indice MSCI Marchés émergents a reculé de 6,9 % en dollars américains au cours de la période de trois mois terminée le 31 mai 2020, et de 16,0 % depuis le début de l’année. Les gouvernements mettent l’accent sur le redémarrage de l’économie et les marchés boursiers ont rebondi au cours des dernières semaines, car les investisseurs tiennent à ne pas rater la reprise économique lorsqu’elle se produira.
Les reculs des marchés boursiers émergents subis cette année depuis le début de mars ont été plus marqués que lors des crises précédentes. Depuis le début de la reprise, les actions des marchés émergents sont à la traîne des actions américaines, car de grands pays comme le Brésil et l’Inde accusent un retard dans la lutte contre la propagation du coronavirus. Ces deux pays, où le nombre éventuel de décès est incertain, pourraient connaître une crise humanitaire ainsi qu’une profonde récession dont les effets se feront sentir longtemps. Signalons que, dans l’ensemble, les marchés émergents deviennent moins chers, mais le flou entourant les répercussions du virus dans de nombreux pays nous incite à la prudence. Cela dit, le recul considérable depuis la fin de 2019 est susceptible de limiter de futures baisses. En outre, nous ne croyons pas que le marché renouera avec le creux atteint en mars, à moins d’une forte détérioration de la situation.
Fourchette d’équilibre, indice Marchés émergents
Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
L’effondrement des prévisions de bénéfices témoigne du repli du marché. Les prévisions de bénéfices des sociétés de l’indice des marchés émergents en 2020 ont dégringolé. Selon JPMorgan, une baisse de 10,3 % du bénéfice par action était prévue à la fin de mai, comparativement à une hausse de 16 % au début de mars.
Il est à craindre que le marché boursier américain ne subisse une importante correction si les effets négatifs de la COVID-19 ne sont pas contrés comme il se doit. Or, un scénario défavorable aux États-Unis pourrait se traduire par de piètres rendements des marchés émergents, compte tenu de la corrélation étroite entre les marchés. Il est donc important que l’économie américaine redémarre aussi vite que possible pour éviter une dépression prolongée qui aurait des répercussions dévastatrices sur les actions mondiales. La désignation de Joe Biden comme candidat démocrate à l’élection de novembre aux États-Unis est une bonne nouvelle pour les marchés boursiers. En effet, les investisseurs sont d’avis que M. Biden est davantage favorable au marché que son principal rival, le socialiste démocrate Bernie Sanders.
Notre pessimisme à l’égard des actions s’est atténué à la fin de mars, en partie du fait que le ratio cours/valeur comptable de l’indice des marchés émergents a fléchi à 1,3. Au cours des 25 dernières années, ce ratio d’évaluation est passé à trois reprises au-dessous de ce seuil et, chaque fois, ce recul a été suivi d’une forte remontée. Le premier cas s’est produit pendant la crise financière asiatique de 1998-1999 et la bulle technologique, le deuxième, durant la crise financière de 2008-2009, et le troisième, lors du repli des marchés causé par la réduction de l’assouplissement quantitatif en 2016. Chaque fois, les marchés boursiers émergents ont rebondi, avançant en moyenne de 50 % au cours des 12 mois suivants. Rien ne permet d’affirmer que les actions ne reculeront pas encore, mais selon nous, le marché est peu cher en ce moment et pourrait se redresser fortement d’ici un an.
D’importantes divergences persistent entre les ratios cours/valeur comptable des différents marchés émergents. Dans la plupart des cas, ces ratios sont moins élevés qu’en 2016, à la suite de la réduction de l’assouplissement quantitatif, mais plus élevés qu’en 2009, dans la foulée de la crise financière mondiale. Les deux exceptions positives notables sont la Chine et Taïwan, qui représentent respectivement 40 % et 13 % de l’indice. Ces deux pays ont une longueur d’avance sur les autres grands pays émergents en ce qui concerne la lutte contre la pandémie ; ils tirent aussi parti de la baisse des prix du pétrole. Malgré le plongeon de 47 % de son marché boursier depuis le début de l’année, le Brésil présente une valorisation relativement élevée parce que le pays a fait belle figure au cours des 18 mois qui ont suivi l’élection du président réformiste Jair Bolsonaro. Les marchés boursiers du Mexique, de la Turquie, de la Corée du Sud, de la Colombie et du Chili n’ont jamais été aussi peu chers et ont mené la remontée.
Au cours du trimestre, les monnaies de certains pays émergents se sont considérablement dépréciées face au dollar américain, qui fait office de valeur refuge, alors que nous prévoyions un recul du billet vert. Le réal brésilien et le rand d’Afrique du Sud se sont dépréciés de plus de 20 % et sont désormais sensiblement sous-évalués. Ces deux monnaies devraient s’apprécier lorsque la situation se stabilisera. Nous tablons sur un recul du dollar américain par rapport à son niveau actuel, ce qui favoriserait les marchés boursiers émergents.
La baisse des prix du pétrole favorise les marchés émergents dans leur ensemble, car bon nombre de grands pays sont des importateurs nets. En revanche, une faiblesse persistante des prix aurait des effets néfastes, car elle laisserait entrevoir une longue récession. Le prix du pétrole est remonté au-dessus de la barre des 30 $ US le baril, ce qui témoigne de l’appétit pour le risque sur les marchés.
En résumé, les marchés émergents ont été devancés par les marchés développés lors de la récente remontée, en partie du fait que certains pays sont jugés en retard dans leurs efforts pour faire face aux répercussions du coronavirus. Une autre raison réside dans la tiédeur de la reprise, comme en témoigne le style dominant au cours de la remontée. Nous nous attendions à ce que les actions de valeur se comportent bien durant le redressement. Or, les actions de croissance ont tenu le haut du pavé, ce qui donne à penser que les investisseurs revenus sur le marché, craignant un nouveau repli, ont privilégié les titres peu risqués de sociétés à forte croissance.
Selon nous, les actions demeurent sous-évaluées, même après leur forte reprise. De plus, nous nous attendons à ce que les actions des marchés émergents génèrent, dans l’ensemble, des rendements supérieurs au cours des prochains mois, à condition que le nombre de cas de COVID-19 ne reparte pas à la hausse. À court terme, les marchés continueront toutefois de fluctuer au rythme des bonnes et des mauvaises nouvelles. Pour que la reprise soit durable, le marché devra être convaincu que le pire est passé.
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