Les actions des marchés émergents ont cédé tout le terrain qu’elles avaient gagné depuis le début de l’année par rapport aux actions des marchés développés, après la forte baisse des actions chinoises de l’indice MSCI Marchés émergents, la progression du dollar américain et la détérioration de la situation épidémique dans bon nombre de grands pays émergents.
Le recul des titres chinois s’explique principalement par l’incertitude entourant la réglementation visant les actions liées à la technologie et le caractère énergique du resserrement. L’analyse de l’indice MSCI Chine révèle que les valorisations des actions du quintile le plus cher, dont la plupart sont liées à la technologie, ont connu des reculs sans précédent tant sur le plan historique que par rapport aux autres segments du marché. Même si la récente intervention des autorités de réglementation a entraîné les valorisations des segments les plus chers du marché boursier vers le bas, force est de constater que celles-ci demeurent supérieures aux moyennes historiques. La prime de valorisation des actions les plus chères constituée au cours des derniers mois n’était pas attribuable à l’amélioration de la rentabilité relative. En fait, le rendement des capitaux propres du décile le plus cher des actions chinoises a sensiblement diminué ces dernières années, tant sur le plan absolu que relatif.
En novembre 2020, les investisseurs se sont mis à délaisser les actions de croissance au profit des actions de valeur en prévision de l’accélération de la reprise économique au terme des essais fructueux de vaccins contre la COVID-19. Au cours de cette période, l’écart entre les ratios cours-valeur comptable des sociétés dont les rendements des capitaux propres figuraient respectivement parmi les plus élevés et les plus faibles est tombé à son niveau le plus bas depuis 2009. La raison en est que les investisseurs ont attribué une valeur supérieure aux sociétés de moindre qualité des secteurs cycliques, tandis que les sociétés à forte croissance et à faible rentabilité ont continué de bien se comporter. Cette évolution nous donne à penser que le style axé sur la « qualité » n’a pas la cote et que les niveaux de valorisation auxquels se négocient les titres correspondants paraissent maintenant attrayants par rapport à ceux des titres de croissance ou de valeur. Le rendement des capitaux propres des sociétés de qualité supérieure est maintenant sept fois plus élevé que celui des sociétés de qualité inférieure, soit l’écart le plus important à ce chapitre depuis la crise financière mondiale de 2008-2009.
Au cours des 12 derniers mois, l’écart de rendement entre les pays émergents s’est creusé. En ce qui a trait aux trois derniers mois, deux facteurs ont exercé une influence importante sur les rendements obtenus à l’échelle nationale. Citons premièrement l’accroissement du risque politique dans de nombreux pays d’Amérique latine, où la perspective de virages à l’extrême gauche ou à l’extrême droite à l’issue de la tenue d’élections a pesé lourdement sur le rendement des marchés financiers. Deuxièmement, les marchés émergents ont tardé par rapport aux marchés développés à assouplir les restrictions visant les déplacements et à rouvrir leur économie. Cependant, la situation épidémique a récemment commencé à s’améliorer dans de grands marchés émergents, comme le Brésil et l’Inde. Ce revirement s’est traduit par un regain de vigueur des marchés financiers au cours des derniers mois.
Les marchés émergents sont à la traîne des marchés développés en ce qui a trait à la progression de la vaccination, ce qui retarde la réouverture de leur économie. Le taux médian de vaccination complète dans les marchés émergents est actuellement de 12 %, alors qu’il s’élève à environ 50 % aux États-Unis et au Royaume-Uni. À notre avis, les marchés émergents retrouveront tout leur allant lorsqu’ils commenceront à rattraper leur retard.
Comme leurs homologues des pays développés, les gouvernements de pays émergents ont essayé de limiter la propagation virale au moyen de mesures de confinement et de distanciation sociale.
Par contre, les premiers se sont montrés beaucoup plus généreux pour éviter les pires effets de la pandémie, et ils ont nettement plus augmenté la dette publique que les gouvernements de pays émergents. À notre avis, les banques centrales des pays émergents auront peut-être plus de facilité à négocier la sortie de la pandémie en raison de la moins grande ampleur des mesures de politique qui y ont été prises. En fait, la plupart d’entre elles devraient augmenter les taux directeurs au cours des 12 prochains mois, tandis que les premières hausses dans les pays développés sont attendues au plus tôt en 2023. En plus de présenter de meilleures perspectives en matière d’endettement, de nombreux pays émergents ont connu une amélioration notable de leur solde courant et de leur équilibre budgétaire, et leur situation paraît maintenant plus enviable que celle des États-Unis. Nous croyons que ces facteurs, conjugués à l’accélération du rythme de la vaccination, permettront aux marchés émergents d’enregistrer une croissance supérieure à celle des marchés développés.
Valorisations et bénéfices normalisés
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Au cours des 12 derniers mois, les rendements ont aussi varié considérablement d’un secteur à l’autre. Le rendement s’est récemment orienté à la baisse dans les secteurs qui ont bénéficié de la pandémie de COVID-19, comme les soins de santé, la consommation discrétionnaire, les services de communications (notamment les médias sociaux) et la technologie de l’information. Par conséquent, il existe des écarts de valorisation importants entre les secteurs au sein des marchés émergents, notamment entre la technologie de l’information et la finance. Les actions liées à la technologie affichent maintenant une prime de valorisation de 220 % par rapport aux actions liées à la finance. Cet écart de valorisation s’est rétréci au cours des dernières semaines, mais il demeure nettement supérieur aux niveaux historiques.
Parmi les secteurs cycliques, nous préférons le secteur de la finance. Depuis le début de la présente décennie, les sociétés financières des marchés émergents, en particulier les banques, ont été le plus souvent en proie à un long ralentissement cyclique, exacerbé par la pandémie. Nous sommes néanmoins optimistes quant aux perspectives à long terme du secteur. Nous estimons que ces sociétés sont bien placées pour profiter de la conjoncture en raison de la hausse constante du nombre d’entreprises et de particuliers qui utilisent leurs services financiers, notamment de prêts et d’assurance. Ces dernières années, nous avons diversifié nos avoirs en investissant dans le segment de l’assurance, qui, comme celui des banques, présente un faible niveau de pénétration des marchés par rapport aux marchés développés.
À court terme, nous pensons que les banques des marchés émergents sont susceptibles de bénéficier d’un soutien grâce à la réouverture des économies, à la reprise de la croissance des prêts et à l’amélioration de la qualité des actifs. De plus, les attentes de hausse des taux d’intérêt sont de nature à augmenter les marges bénéficiaires des banques. Au fil des ans, nous avons renforcé les placements que nous effectuons dans des banques des marchés émergents en privilégiant les sociétés de grande qualité, qui font face à moins de menaces concurrentielles provenant de la nouvelle technologie financière et qui affichent des rendements durables. Nous croyons que les banques pourvues d’une solide base de dépôts conserveront un avantage concurrentiel important et produiront de ce fait des rendements plus élevés et plus durables au fil du temps.
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