Les résultats de la 44e élection fédérale du Canada sont maintenant connus et la répartition des sièges entre les partis n’a guère changé. Dans cette vidéo, l’économiste en chef Eric Lascelles passe en revue les plans visant le logement, l’impôt et les initiatives vertes, entre autres, que le parti libéral, tout juste réélu, a remaniés. Il analyse également la réaction des marchés financiers jusqu’à présent. (en anglais seulement)
Durée : 7 minutes 15 secondes |
Transcription
Les élections fédérales du Canada se sont soldées par une victoire libérale minoritaire, selon les sondages et les prévisions de l’ultime semaine de la campagne.
Cependant, cette courte campagne s’est montrée plutôt volatile. Au début de la campagne, un gouvernement libéral majoritaire semblait se dessiner. Vers le milieu de la campagne, la possibilité d’un gouvernement conservateur minoritaire est apparue. Mais à la fin de la campagne, les prévisions sont revenues au statu quo.
Et si nous regardons la répartition des sièges en ce moment, elle est très comparable à la répartition d’avant les élections. Nous pouvons dire que les libéraux semblent avoir gagné 1 siège, et en détiennent 158. Les conservateurs auraient perdu 2 sièges, et en auraient maintenant 119. Il y a eu une légère avancée du Bloc, et une légère avancée du NPD. Mais en réalité, il y a presque un statu quo, pas seulement en ce qui concerne le gouvernement minoritaire, mais aussi dans la manière dont chaque parti s’en est sorti.
Je dois préciser que le dépouillement des votes n’est pas terminé. Il existait encore plus d’un million de votes par la poste qui n’avaient pas été comptés officiellement après la fermeture des bureaux de vote. En outre, la procédure est plus compliquée que pour les autres votes, parce que les préposés au scrutin doivent s’assurer que ces électeurs n’ont pas également voté en personne. Il y a donc une procédure de recoupement qui prendra du temps. Par conséquent, nous ne pouvons pas dire que nous connaissons les chiffres précis, mais il semble assez probable que nous aurons un gouvernement libéral minoritaire.
Nous notons que la course a été plus serrée que prévu, si nous en jugeons par la répartition des sièges de 158 contre 119. En réalité, ce sont les conservateurs, pour la deuxième élection de suite, qui ont remporté le plus de voix, dans ce cas avec un avantage significatif de 2 points de pourcentage. Cette victoire des conservateurs surpasse celle de la dernière élection où l’écart était de 1 point de pourcentage, mais les voix remportées ne leur ont pas permis de gagner certains sièges.
En effet, nous pouvons constater que les votes sont beaucoup mieux répartis entre les circonscriptions pour les libéraux. Ils remportent des circonscriptions avec 51 %. Les conservateurs gagnent de 70 % ou 80 %. Et donc ils remportent moins de sièges, malgré un nombre de voix similaire.
Un gouvernement libéral minoritaire étant désormais acquis, je crois que la question est de savoir ce qui change du point de vue de la politique et des politiques publiques. Nous pouvons au moins commenter que le mandat des libéraux se trouve en théorie prolongé de deux ans, ce qui ouvre la possibilité d’un mandat de quatre ans. Bien sûr, nous ne savons pas vraiment quelles politiques publiques seront mises en place pendant les années trois et quatre, et il est difficile de prédire comment évolueront les priorités. Nous ne pouvons donc pas apporter beaucoup d’éclaircissements à ce sujet.
Et bien sûr, puisque ce gouvernement est minoritaire, il existe aussi l’éventualité d’une nouvelle élection d’ici quelques années, bien avant la fin des quatre ans. Donc nous n’avons pas beaucoup de détails à cet égard. Nous pouvons dire que la figure de gouvernement minoritaire n’est pas inconnue, puisque sur les sept derniers gouvernements canadiens, cinq étaient minoritaires. Les libéraux, en réalité, n’ont pas vraiment été limités pendant leurs six années au pouvoir. Ils ont eu un gouvernement majoritaire pendant les quatre premières années. Depuis, ils ont été minoritaires, mais avec un fort soutien du NPD. Ils ont donc été près d’avoir le plein pouvoir pendant toute cette période.
Néanmoins, la campagne a fait émerger de nouvelles promesses de la part des libéraux, des promesses qui vont généralement dans le sens de l’expansion, avec la vision d’un gouvernement plus gros. De nouvelles dépenses de 78 milliards de dollars ont ainsi été proposées pour les cinq prochaines années. Il y aurait toujours un déficit, y compris pendant la cinquième année, pour un montant conséquent de 32 milliards de dollars.
En ce moment, bien que nous soyons un peu découragés à l’idée que les déficits s’étendent dans le futur et que la dette s’accumule, nous voyons aussi que dans un contexte de taux d’intérêt extrêmement bas, les marchés obligataires ne se plaignent pas. Et donc ce facteur ne semble pas contraignant, en ce moment précis.
En ce qui concerne les politiques publiques spécifiques, eh bien, certaines prévoient de poursuivre le déploiement des programmes annoncés plus tôt, notamment, peut-être, les services de garde à 10 dollars par jour dans tout le pays. Les libéraux envisagent de prolonger la plupart des programmes d’aide en réponse à la pandémie. Ils prévoient notamment un programme d’aide financière au secteur du tourisme et aux évènements culturels.
Puis au-delà de la pandémie, de nombreux projets dans le domaine du logement. Avec des plans pour interdire les achats immobiliers aux étrangers, une taxe antiopération de vente-achat et davantage de projets de construction. Ils ont aussi promis une assurance moins chère sur les prêts hypothécaires destinés à l’acquisition d’une maison. Donc une combinaison de facteurs qui devraient stimuler l’offre, mais aussi, dans certains cas, stimuler la demande. Nous pouvons dire qu’un compte d’épargne à l’abri de l’impôt est également envisagé pour aider les gens à économiser pour leur mise de fonds.
Et puis au-delà du logement, un peu de tout, pour pratiquement tout le monde. Il y a une aide au revenu plus élevée pour les travailleurs à faible revenu. Il y a un programme de SRG plus généreux pour les personnes âgées à faible revenu. Des facilités de remboursement ou l’accès à une aide pour les bénéficiaires de prêts fédéraux aux étudiants. Et donc beaucoup de dépenses qui vont dans un peu toutes les directions.
Nous voyons aussi qu’un taux d’imposition plus élevé a été proposé pour les grandes banques et compagnies d’assurance, avec des conséquences négatives pour ces secteurs. Et bien sûr, la poursuite voire le redoublement des efforts en ce qui concerne les initiatives vertes. Les libéraux continueront donc de relever la taxe sur le carbone chaque année, en réponse à leurs engagements en faveur de l’environnement et contre les changements climatiques. Et ils ont fait d’autres promesses qui visent à réduire les émissions dans certains secteurs, pour les années et les décennies à venir.
Peut-être qu’il manque une chose que de nombreux économistes auraient au moins voulu savoir, mais qui n’a pas été au cœur du débat. Les candidats n’ont pas beaucoup parlé des investissements, des mesures visant à augmenter la productivité, des choses qui aideraient l’économie à croître plus vite et de manière plus durable.
Maintenant, je dois dire que les élections aboutissent rarement à un écart soudain ou important par rapport à la trajectoire économique. Je pense que c’est encore vrai aujourd’hui. Cette élection ne fait pas exception.
La partie la plus importante des promesses n’est probablement pas l’un de ces nouveaux engagements, mais plutôt le plan préexistant en matière d’immigration, alors que le sujet va devenir plus brûlant pendant les prochaines années. Et en réalité, c’est l’un des principaux moteurs d’une croissance économique plus rapide. L’immigration a été limitée pendant la pandémie. Les libéraux comptent se rattraper au cours des prochaines années. Cela pourrait bien faire avancer l’économie plus vite que prévu.
Je dois toutefois faire remarquer que l’aspect le plus significatif pour l’économie reste la reprise à l’issue de la pandémie, avec la sortie de ces restrictions, ce qui dépend moins directement des politiques gouvernementales.
Et enfin, pour conclure en parlant du marché financier, je peux dire que la réaction du marché financier a été plutôt modeste jusque-là. C’est logique. Le résultat de l’élection n’est pas une grande surprise, et sur de nombreux fronts il marque juste une continuité par rapport à ce qui existait auparavant. Il s’agit d’une approche gouvernementale générale, qui s’inscrit tout autant dans la continuité. Les conservateurs avaient des propositions plus inattendues et, dans certains cas, d’un plus grand impact, mais bien sûr, ils n’auront pas l’occasion d’exécuter leur programme pour le moment.
Reconnaissons aussi que les marchés financiers sont moins partisans que nous l’imaginons souvent. Par exemple, aux États-Unis, ils se sont comportés aussi bien sous la présidence de Donald Trump que sous celle de Joe Biden, ces dernières années, alors que ces deux présidents n’auraient pas pu être plus différents. Il n’y a pas de raison de penser que l’histoire sera très différente au Canada. Oui, des augmentations d’impôt sont proposées à l’égard des grandes entreprises. Et oui, certaines des initiatives vertes impactent négativement certains secteurs, mais l’économie devrait encore connaître une belle progression, ce qui est un aspect tout aussi important. Mais en définitive, une fois de plus, le gouvernement des années futures nous est très familier.
Merci.
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