L’économie a fait preuve de résilience jusqu’à présent cette année, mais les effets de la hausse des coûts d’emprunt et du resserrement des conditions financières commencent à peser sur l’activité. Quelles sont les répercussions pour les marchés financiers et les investisseurs ? Dans cette foire aux questions, Sarah Riopelle nous fait part de son point de vue sur la situation actuelle et parle de la façon dont elle a positionné ses portefeuilles équilibrés et en actifs multiples pour le deuxième semestre de l’année, compte tenu de l’éventail des scénarios envisageables.
La fin du relèvement musclé des taux par les banques centrales semble se profiler à l’horizon. À quoi pouvons-nous nous attendre des banques centrales à l’avenir ? Quelles seront les conséquences pour les marchés obligataires ?
Un resserrement monétaire musclé a déjà été appliqué et les taux directeurs sont maintenant restrictifs dans la plupart des grandes économies développées. Les principaux facteurs qui ont fait grimper l’inflation à son plus haut niveau en quatre décennies font marche arrière.
Par conséquent, nous croyons que la poursuite d’un relèvement énergique des taux est de moins en moins justifiée. La Fed a déjà augmenté les taux d’intérêt à court terme de 500 points de base depuis le début de 2022. Ainsi, bien que les taux pourraient encore augmenter légèrement, nous nous rapprochons probablement de la fin du présent cycle de resserrement.
Les banques centrales relèvent les taux directeurs pour lutter contre l'inflation
Au 22 juin 2023. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
En outre, l’augmentation constante des taux obligataires observée l’an dernier a ralenti et les investisseurs se sont habitués à un contexte de taux d’intérêt supérieurs. Lorsque l’inflation a explosé, les investisseurs ont intégré une prime d’inflation plus élevée dans les obligations. Nos modèles indiquent que l’inverse sera vrai à mesure que l’inflation se modérera.
Selon nous, compte tenu des taux élevés actuels et de la possibilité d’une réduction des taux par les banques centrales, les obligations d’État offrent leur plus grand potentiel de rendement depuis de nombreuses années. Le risque de valorisation est limité et les titres à revenu fixe devraient procurer une meilleure protection au sein des portefeuilles en cas de ralentissement du marché boursier.
Malgré plusieurs difficultés en vue, les marchés boursiers ont considérablement progressé. Quelles sont vos perspectives pour les actions ? Cette reprise pourrait-elle durer ?
La reprise a d’abord été généralisée dans l’ensemble des régions, mais ces derniers mois, les rendements ont été attribuables surtout à une poignée de sociétés américaines à mégacapitalisation du secteur technologique. En regardant au-delà du marché américain des grandes capitalisations, on constate que la plupart des principaux indices ont stagné ou reculé pendant le trimestre. Au 31 mai 2023, l’indice S&P 500 avait gagné 8,9 % en cinq mois, alors que sa version équipondérée, qui normalise la pondération des grandes sociétés technologiques, avait perdu 1,4 %. L’ampleur du marché a été plutôt faible, et nous aimerions qu’elle augmente pour confirmer la présence d’un marché haussier solide et durable.
La principale menace qui pèse sur le marché boursier est la durabilité des bénéfices des sociétés, qui ont éprouvé des difficultés et qui seront vulnérables si l’économie tombe en récession. Nous évaluons à 80 % la probabilité d’une récession. À notre avis, les économies des pays développés connaîtront une récession au cours des prochains trimestres. Cela dit, nous entrevoyons une récession légère ou modérée ainsi que relativement courte, ne durant que deux ou trois trimestres.
Indice S&P 500 et indice équipondéré S&P 500
Nota : Au 31 mai 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Comment avez-vous structuré vos portefeuilles équilibrés et en actifs multiples dans le contexte actuel ?
Notre gestion de la composition de l’actif des portefeuilles vise à établir un équilibre entre les risques et les occasions dans une diversité de scénarios pour l’économie et les marchés financiers. Par le passé, nous avons eu tendance à privilégier légèrement les actions pour profiter de la prime de risque par rapport aux obligations.
Toutefois, puisque cette prime est actuellement faible et que notre scénario de base table sur une entrée en récession de l’économie au cours de la prochaine année, nous sommes peu enclins à surpondérer les actions pour le moment par rapport à notre pondération « neutre » stratégique. D’ailleurs, nos pondérations en actions, en obligations et en liquidités correspondent maintenant à nos niveaux stratégiques neutres.
Malgré l’absence désormais d’une prise de risque tactique au sein de notre composition de l’actif, nous ne pouvons ignorer le fait que l’économie n’a pas encore trébuché et qu’il existe des scénarios d’atterrissage en douceur. Comme toujours, nous surveillons la situation de près et nous nous ajusterons au besoin.
Quel est le principal message à communiquer aux clients, selon vous, alors que nous continuons à assimiler tout ce qui s’est produit au cours des 18 derniers mois ?
Les investisseurs sont devenus inquiets au sujet des perspectives des marchés. Par conséquent, beaucoup d’entre eux se sont écartés de leurs plans de placement à long terme, choisissant plutôt de conserver leurs liquidités ou de liquider leurs placements. Bien que cette stratégie puisse convenir à certains clients, ceux qui ont un horizon de placement à long terme ou qui ont besoin de rendements plus élevés pourraient se placer dans une position où ils ne pourront atteindre leurs objectifs de placement. Je rappelle souvent aux investisseurs qu’ils devraient regarder où vont les marchés et non d’où ils viennent.
Le succès en matière de placement est moins lié aux fluctuations quotidiennes ou mensuelles des marchés qu’à la façon dont vous réagissez aux périodes de volatilité. En prenant conscience de la façon dont vos émotions peuvent influencer vos décisions de placement pendant ces périodes, vous éviterez de modifier votre portefeuille au mauvais moment.
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