Le premier trimestre de 2020 est passé à l’histoire pour de nombreuses raisons. Pour bien comment nous avons pris nos décisions de placement sur fond de volatilité extrême pendant la deuxième moitié du trimestre, commençons par revoir les conditions qui existaient avant la crise.
Aussi étrange que cela puisse paraître, le contexte macroéconomique était stable et favorable la veille de la crise. L’économie mondiale allait bon train ; la croissance était modérée, l’inflation était faible, et la réduction des taux d’intérêt portait ses fruits. D’un autre côté, les taux obligataires avaient touché des creux historiques, et les écarts étaient très serrés. Résultat, les investisseurs en titres de créance étaient mal rétribués pour le risque lié aux sociétés qu’ils prenaient. Les valorisations des actions se situaient à un niveau élevé, mais justifiable, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt. Les bénéfices étaient en hausse, et une récession semblait peu probable. Pour toutes ces raisons, nos portefeuilles privilégiaient les actions.
Du jour au lendemain, les choses ont complètement changé. Voilà que nous avions affaire à un cygne noir, le deuxième événement du genre de ma carrière.
Ampleur des marchés baissiers
Reculs du sommet au creux de l’indice S&P 500
Nota : D’après les 24 marchés baissiers ayant affiché un recul d’au moins 20 % depuis 1870. Au 9 avril 2020. Source : RBC GMA
Le marché n’a jamais chuté aussi vite que dans les jours qui ont suivi. Depuis 1870, la durée moyenne d’un marché baissier est de 639 jours du sommet au creux (c’est presque deux ans !). Supposons pour l’instant que le creux a été atteint le 23 mars ; la chute du sommet au creux n’aura alors duré que 33 jours. Mais nous ne sommes pas prêts pour autant à affirmer que le fond a été touché ce jour-là – il est encore trop tôt pour le dire. D’après une étude de Gavekal1, les marchés baissiers sont rarement constitués d’un seul déclin important. L’étude a porté sur quinze périodes baissières survenues depuis 1950. Dans un seul cas, le marché n’est pas retombé à son creux initial au cours des trois mois suivants. Dans tous les autres, il y est revenu une ou deux fois. Comme la situation actuelle va probablement se détériorer avant de s’améliorer, il se peut que le creux du 23 mars se répète, quoique les divers programmes monétaires et budgétaires d’urgence mis en place au cours des dernières semaines ont limité les menaces qui planaient sur le marché au pire de sa chute.
Durée des marchés baissiers
Jours civils entre le sommet et le creux de l’indice S&P 500
Nota : D’après les 24 marchés baissiers ayant affiché un recul d’au moins 20 % depuis 1870. Au 9 avril 2020. Source : RBC GMA
Au début de la crise, les portefeuilles sélect RBC présentaient une forte pondération en actifs à risque, comme les actions et les titres de créance de sociétés. Il n’a pas été facile de les remanier pour leur donner un positionnement plus défensif, compte tenu de l’évolution soudaine des perspectives économiques et de la vitesse et de l’ampleur du déclin des marchés (les actions ont parfois fluctué de plus de 10 % au cours d’une même journée). De plus, nous voulions structurer les portefeuilles en vue de la reprise qui finira par se produire un jour, même s’il est impossible de prédire quand exactement. C’est pourquoi nous devons profiter des occasions lorsqu’elles se présentent, tant sur le plan des prix et que sur le plan de la disponibilité (donc, de la liquidité). Comme nous ne savons pas quand le plancher absolu sera atteint ni quand la reprise se manifestera, nous avons graduellement augmenté nos placements en actions et en titres de créance, au fil de la liquidation et du creusement des écarts. À mon avis, Howard Marks a bien résumé la situation dans une récente note adressée à ses clients : « Ce serait une erreur que de ne rien acheter à des cours aussi bas. » Il a dit aussi que le processus en serait un de rajustement graduel, et non de tout ou rien2. Nous approuvons cette approche : acheter petit à petit, à mesure que les prix deviennent de plus en plus intéressants.
Bien que nous ayons accru progressivement la pondération des actions, nous avons constaté que les meilleures occasions se trouvaient sur le marché des titres de créance. Nous avons voulu en profiter tant que la liquidité était suffisante. Généralement, la liquidité augmente lorsque les investisseurs, cédant à leurs craintes, se mettent à vendre en masse. C’est là qu’une porte s’ouvre et que nous pouvons acheter à des cours attrayants.
Toutefois, nous devons aussi veiller à respecter notre budget de risque, qui est fondé sur les rendements souhaités ou attendus du portefeuille. Notre objectif est de bien répartir le risque dans le portefeuille afin qu’aucune catégorie d’actif ou position ne représente une part disproportionnée du budget de risque. Ici, nous avons ralenti notre rythme d’achat d’actions et étoffé parallèlement nos positions en titres de créance. Au final, nous avons augmenté le risque global lié aux sociétés dans le volet obligataire de nos portefeuilles, plutôt que dans celui des actions. C’est pourquoi les portefeuilles n’ont pas pleinement profité du redressement du marché, les actions ayant rebondi plus rapidement que les titres de créance de sociétés.
Rendement du marché depuis le 23 mars 2020
(normalisé = 100)
Nota : Données au 8 avril 2020. Il est impossible d’investir directement dans un indice. Le graphique ne tient pas compte des frais liés aux opérations, des frais de gestion et des taxes ou impôts. Si ces coûts et ces frais étaient pris en compte, les rendements seraient plus bas. Les rendements antérieurs ne sont pas garants des résultats futurs. Sources : RBC GMA et Bloomberg. Actions américaines : indice S&P 500 (USD) ; titres de créance mondiaux de catégorie investissement : indice global mondial de titres de sociétés Barclays (USD – Couvert) ; obligations américaines à rendement élevé : indice principal d’obligations américaines à rendement élevé ICE BofA (USD).
Dans l’ensemble, nous maintenons notre sous-pondération en titres à revenu fixe et notre surpondération en actions. À moyen et à long terme, nous prévoyons toujours que les obligations d’État produiront un rendement total inférieur à celui des actions. Nous croyons que les portefeuilles sont bien structurés en vue de la reprise et nous avons confiance en l’avenir, lorsque la crise sera derrière nous.
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