L’épidémie du virus COVID-19 représente un défi de taille pour l’activité économique mondiale, compte tenu des perturbations qu’elle provoque dans les chaînes d’approvisionnement et de son incidence négative sur les déplacements et la confiance des investisseurs. Bien que la majorité des cas confirmés se trouve en Chine, la propagation du virus en Corée du Sud, en Europe et en Amérique du Nord fait craindre des répercussions encore plus grandes (figure 1). Nous avons abaissé de 0,4 point de pourcentage nos prévisions de croissance mondiale pour 2020. Si l’épidémie continue de se répandre et n’est pas maîtrisée, les perspectives économiques se détérioreront davantage. Cependant, comme lors de crises sanitaires précédentes (p. ex., SRAS, grippe porcine, grippe aviaire, Ebola), nous nous attendons à ce que le choc économique soit temporaire. Soulignons qu’en Chine, le nombre quotidien de nouveaux cas d’infection régresse et que l’économie locale retrouve peu à peu son rythme habituel.
Même si l’épidémie focalise probablement l’attention des investisseurs, d’autres risques existent. La campagne pour l’élection présidentielle bat son plein aux États-Unis, le Brexit suit son cours et les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine se poursuivent. Or, tous ces dossiers sont susceptibles de plonger l’économie et les marchés financiers dans l’incertitude.
Politique monétaire résolument accommodante
La croissance anémique et les craintes d’une récession qui se sont manifestées vers la fin de la dernière année ont incité la plupart des grandes banques centrales à prendre d’importantes mesures de stimulation monétaire. Ainsi, la Réserve fédérale (Fed) a décrété trois baisses de taux en 2019 et acheté des effets du Trésor au rythme de 60 milliards de dollars US par mois. À l’automne 2019, la Banque centrale européenne (BCE) a réduit ses taux d’intérêt, les portant encore plus loin en territoire négatif. Elle a également redémarré son programme d’assouplissement quantitatif en achetant chaque mois l’équivalent de 20 milliards d’euros d’obligations. Les investisseurs avaient intégré dans les cours les nouvelles mesures d’assouplissement attendues à court terme. La Fed a effectivement abaissé ses taux de 50 points de base le 3 mars. Il s’agissait de la première fois depuis la crise financière qu’elle prenait une décision de ce genre en dehors des réunions prévues du comité fédéral de l’open market (figure 2). Cette intervention entre deux réunions vise à contrer les effets de l’épidémie de COVID-19 en soutenant l’économie et les marchés financiers. Sur les marchés, les cours indiquent qu’une autre diminution de 50 points de base pourrait avoir lieu aux États-Unis d’ici la fin de l’année.
Figure 1: Cas confirmés de COVID-19 dans le monde
Total cumulatif et variation quotidienne
Nota: Au 2 mars 2020. Le pic du 17 février 2020 s'explique par un changement de méthode de déclaration. Sources : OMS, RBC GMA
Figure 2: Taux des fonds fédéraux et attentes implicites
Contrat à terme de 12 mois
Nota : Au 3 mars 2020. Source : RBC GMA
Les taux des obligations d’État dégringolent
Au cours des dernières semaines, les investisseurs se sont rués sur les catégories d’actif refuges, les dommages économiques causés par la propagation du virus étant de plus en plus évidents. Le taux de l’obligation américaine à dix ans est tombé à un nouveau plancher record de moins de 1,20 %. En outre, la courbe de rendement mesurée par l’écart de taux entre les titres à trois mois et les titres à dix ans s’est de nouveau inversée, signe d’une aggravation du risque de récession. En plus des pressions à court terme exercées par l’épidémie virale, de nombreux facteurs structurels (la situation démographique, le changement des préférences pour l’épargne plutôt que les dépenses et le ralentissement de la croissance économique) continuent d’annihiler les taux d’intérêt réels. Même en tenant compte de tous ces facteurs, nos modèles montrent encore que les taux obligataires sont trop bas pour durer (figure 3). Le risque de valorisation que comportent les obligations est énorme et, en l’absence de récession économique, les perspectives de rendement pour les obligations demeurent particulièrement modestes.
Figure 3: Taux de l'obligation du Trésor américain à dix ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Au 28 février 2020. Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Les valorisations sont moins inquiétantes à la suite de la correction des marchés boursiers
Le récent recul généralisé des actions mondiales a effacé les gains qu’elles avaient inscrits depuis le début de l’année, le COVID-19 ayant eu raison de la confiance des investisseurs. De nombreux indices boursiers majeurs ont perdu jusqu’à 10 % rien que durant la dernière semaine de février. Avant cette dépréciation, les investisseurs étaient extrêmement optimistes et, selon certaines mesures, les valorisations étaient devenues assez élevées. Les actions américaines se sont maintenant rapprochées de leur juste valeur, tandis que les cours boursiers se situent à des niveaux relativement attrayants ailleurs dans le monde (figure 4).
Figure 4: Fourchettes de juste valeur normalisées du S&P 500
Nota : Au 28 février 2020. Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 5: Ventes des sociétés du S&P 500 par région
Nota : Au 31 décember 2017. Source : Deutsche Bank
Le COVID-19 devrait comprimer les bénéfices des sociétés à court terme
Le risque d’évaluation des actions s’est atténué par suite de la récente liquidation, mais les perspectives de bénéfices sont désormais grandement incertaines. Les sociétés du S&P 500 réalisent 30 % de leurs ventes et 40 % de leurs bénéfices à l’étranger (figures 5 et 6). Il est probable que le taux de croissance de leurs bénéfices en 2020 sera inférieur à celui de 8 % auquel s’attendaient les analystes au début de l’année. La ponction dépendra en définitive de la durée pendant laquelle le virus fera sentir ses effets et de l’ampleur de ceux-ci. Même si un large éventail de résultats est possible à court terme, nous nous attendons à ce que les conséquences à long terme sur les bénéfices de sociétés soient faibles.
Figure 6: Bénéfices des sociétés du S&P 500 par région
Nota : Au 31 décember 2017. Source : Deutsche Bank
Répartition de l’actif : rétablissement de la pondération antérieure en actions
À notre avis, l’impulsion négative qu’exerce le COVID-19 sur l’économie est importante, mais devrait être temporaire et insuffisante pour entraîner l’économie mondiale dans une récession. Devant la situation, les banques centrales réagissent en augmentant le degré de détente monétaire, et les gouvernements commencent aussi à venir en renfort. Avant que l’épidémie gagne du terrain, les actifs à risque se situaient à des cours qui les rendaient vulnérables aux baisses. En janvier, nous avons réduit la pondération en actions d’un point de pourcentage en raison de l’exubérance des investisseurs et du niveau élevé des valorisations, et nous avons affecté le produit des ventes aux liquidités. Depuis lors, la dégringolade des cours des actions et le plongeon des taux obligataires ont fait augmenter la prime de risque des actions. Par conséquent, même si la volatilité à court terme devrait rester intense du fait de la prolifération des gros titres entourant le COVID-19, les actions offrent un meilleur potentiel de rendement que les obligations sur une longue période, surtout à la suite de la dernière correction (figure 7). Nous avons donc utilisé le produit de la vente d’obligations pour rehausser d’un point de pourcentage la pondération en actions à la fin de février. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 59,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 55 %), 39,0 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 43 %) et 2,0 % en liquidités.
Figure 7: Ratio bénéfice/cours du S&P 500
Bénéfice des 12 derniers mois/niveau de l'indice
Nota : Au 28 février 2020. Sources : RBC GMA, RBC MC