Au quatrième trimestre de 2019, les actifs à risque ont inscrit des gains impressionnants, les problèmes s’étant atténués et l’optimisme des investisseurs étant monté en flèche. Les progrès des négociations entre les États-Unis et la Chine en vue d’un accord commercial, la diminution de la probabilité d’un Brexit brutal et les politiques très expansionnistes des banques centrales sont autant de facteurs qui ont contribué à la progression des marchés. Qui plus est, divers signaux sous-jacents à la fin de l’an dernier ont renforcé notre conviction à l’égard d’une amélioration des perspectives. Par conséquent, nous avons ajouté deux points de pourcentage à la composante en actions.
Cependant, ces tendances positives n’ont pas persisté au début de la nouvelle année. Même si la croissance économique s’est stabilisée depuis le milieu de 2019, nous ne voyons pas de signes d’une accélération marquée. Compte tenu de l’ampleur du récent redressement des actions, nous avons décidé la semaine dernière de réduire la part des actions et d’encaisser certains gains découlant de notre décision antérieure. Nous avons réduit notre pondération en actions d’un point de pourcentage et conservé le produit de la vente sous forme de liquidités. Depuis, le risque lié au nouveau coronavirus a fait son apparition et provoqué un surcroît de volatilité sur le marché. Nous surveillons donc la situation de près.
L’économie se stabilise, mais rien ne témoigne d’une accélération substantielle de la croissance
Après avoir baissé pendant près de deux années, les indicateurs avancés de la croissance économique ont cessé de reculer dans la plupart des grandes régions, mais ils demeurent relativement faibles. L’indice mondial PMI du secteur manufacturier JPMorgan a touché un creux en septembre, mais il ne dépasse maintenant que de peu ce niveau ; à 50,1, il frôle le seuil de 50 indiquant que l’activité économique progresse (figure 1). Les États-Unis ont fait figure d’exception en ce sens que l’indice PMI de l’industrie manufacturière américaine ISM a continué de fléchir et se situe maintenant à son niveau le plus bas depuis la crise financière. Le secteur manufacturier fait manifestement face à de forts vents contraires et l’un des principaux défis a été le protectionnisme. Même si les États-Unis et la Chine ont conclu un accord commercial de phase 1, de nombreux droits de douane demeurent en place et continueront sans doute de peser sur l’activité manufacturière. Les tarifs douaniers pourraient avoir des répercussions négatives plus importantes en 2020 qu’en 2019, étant donné que certains ne sont entrés en vigueur qu’au milieu de 2019 et qu’il n’y a eu qu’une légère réduction depuis. En outre, les indices des surprises sont encore plutôt contrastés, ce qui donne à penser que les données économiques n’ont pas dépassé les attentes (figure 2). D’après ces données, la croissance économique mondiale devrait rester anémique.
Figure 1 : Indices mondiaux des directeurs d’achats
Nota : Au 31 décembre 2020. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Figure 2 : États-Unis
Indices des surprises économiques
Nota : Au 20 janvier 2020. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Les banques centrales maintiennent d’importantes mesures de stimulation monétaire
Dans un contexte marqué par la lenteur de la croissance et l’absence d’inflation, les banques centrales continuent de mettre en œuvre des mesures de stimulation monétaire et laissent les taux d’intérêt à des niveaux exceptionnellement bas, voire négatifs. La Fed poursuit ses achats d’effets du Trésor à court terme au rythme de 80 milliards de dollars US par mois, tandis que la BCE achète chaque mois l’équivalent de 20 milliards d’euros en obligations, et ce, pour une durée indéterminée. Comme les banques centrales injectent des liquidités considérables pour stimuler la croissance et l’inflation, il semble peu probable qu’elles augmentent les taux d’intérêt dans un avenir proche. En fait, si elles devaient ajuster leur politique, elles opteraient sans doute pour un assouplissement accru. D’ailleurs, si l’on se fie au marché des contrats à terme, les investisseurs prévoient que la Fed abaissera ses taux au moins une fois en 2020 (figure 3).
Figure 3 : Taux implicite des fonds fédéraux
Contrats à terme sur 12 mois
Sources : Bloomberg, RBC GMA
Le marché des obligations d’État incite à la prudence
Les cours des obligations d’État mondiales ont remonté depuis la fin de 2019 et signalent que la croissance devrait rester modeste pour l’avenir prévisible. Les taux des obligations gouvernementales ont reculé dans l’ensemble des principales régions, pour s’établir à leur plus bas niveau en trois mois, bien en deçà des points d’équilibre définis par nos modèles (figure 4). En outre, selon l’indicateur indirect que constitue l’écart entre taux à trois mois et taux à dix ans, l’accentuation de la courbe de rendement aux États-Unis s’est en partie annulée depuis l’été (figure 5). Par conséquent, la courbe de rendement est de nouveau proche de l’inversion, une situation qui avait avivé les craintes de récession vers le milieu de 2019. La chute des taux obligataires et l’aplatissement de la courbe de rendement laissent entrevoir une croissance plus lente que prévu par les investisseurs à la fin de l’année dernière.
Figure 4 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Au 30 janvier 2020. Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Sources : RBC GMA, RBC MC
Figure 5 : Courbe de rendement des effets du Trésor américain
Écart de taux entre échéance à 10 ans et échéance à 3 mois
Nota : Au 30 janvier 2020. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Les écarts de taux se resserrent sur fond de quête de rendement en revenu
Au cours des derniers mois, les marchés des titres de créance ont également fait bonne figure, dans un climat caractérisé par la faiblesse des taux d’intérêt, la chute des taux des obligations d’État et la hausse des liquidités attribuable aux banques centrales. Les écarts se sont resserrés à des niveaux inégalés depuis 2018 et en valeur absolue, les taux des obligations de sociétés sont tombés au plancher des cinq dernières années (figure 6). Contrairement au marché des obligations d’État qui incite à la prudence, les marchés des titres de créance portent à l’optimisme en ce qui concerne l’expansion économique et l’augmentation des bénéfices. L’importante baisse des taux des obligations de sociétés est susceptible d’entraîner un prolongement du cycle, étant donné que les sociétés peuvent refinancer leurs dettes à des taux plus avantageux. Cependant, les valorisations plutôt élevées du marché des obligations de sociétés posent un risque pour les investisseurs, en cas de détérioration des perspectives.
Figure 6 : Indice de titres américains à rendement élevé ICE BofAML
Nota : Au 20 janvier 2020. Sources : ICE BofAML, RBC GMA
Les actions montent en flèche et le risque de valorisation s’intensifie
Les actions mondiales ont fait un bond énorme en 2019 et elles ont continué leur ascension au début de 2020. L’indice S&P 500, qui a grimpé de 29 % en 2019, a avancé de 3 % de plus au cours des trois premières semaines de 2020, pour atteindre un sommet sans précédent. La majorité de ces gains est venue de l’augmentation des valorisations, la croissance des bénéfices ayant été relativement stable (figure 7). La dernière hausse a porté l’indice S&P 500 à son niveau le plus élevé par rapport à l’estimation de sa juste valeur selon notre modèle depuis la période qui a précédé la crise financière (figure 8). Nous sommes donc d’avis que les actions américaines se vendent à une prime substantielle et qu’une autre hausse dépend de plus en plus de la croissance des bénéfices, ainsi que du maintien d’un grand appétit pour le risque.
Figure 7 : Ventilation du rendement du S&P 500
Contribution de la croissance des bénéfices et de la hausse du ratio au rendement de l’indice
Nota : Au 31 décembre. Sources : RBC GMA, RBC MC
Figure 8 : Fourchettes normalisées de juste valeur du S&P 500
Nota : Au 30 janvier 2020. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Composition de l’actif : encaisser des gains à la suite d’une puissante remontée
Notre scénario de base reste une croissance économique modérée et une inflation contenue. Les risques de baisse associés aux échanges commerciaux, au Brexit et au resserrement monétaire précédent ont diminué, mais n’ont pas disparu, et de nouveaux risques se manifestent (le coronavirus, par exemple). Les faibles taux d’intérêt ont favorisé les catégories d’actif plus risquées au cours des dernières années et nous croyons qu’il sera difficile pour les actions de continuer à progresser à cette vitesse sans un assouplissement encore plus marqué de la politique monétaire. Nous nous montrerons un peu plus prudents à l’égard des catégories d’actif risquées à court terme, étant donné l’optimisme des investisseurs, la valorisation élevée des actions américaines et le fait que de nombreuses données techniques du marché sous-jacent se sont détériorées depuis décembre. Une partie de notre discours au dernier trimestre était que le redressement du marché avait entraîné une rotation vers les actions de valeur, une accentuation de la courbe de taux et un rendement supérieur des actions internationales ; or, il s’est avéré que la rotation au profit des actions de valeur vers la fin de 2019 a été de courte durée, que la courbe s’est aplanie de nouveau et que les actions de croissance de sociétés américaines à grande capitalisation ont repris la tête du marché. Nous avons décidé d’encaisser une partie des bénéfices produits par la remontée récente des actions, ce qui réduit la pondération totale de cette catégorie d’actif d’un point de pourcentage ; et nous avons affecté le produit aux liquidités. À plus long terme, les actions devraient continuer de surpasser les obligations, nous avons ainsi conservé une légère surpondération en actions et une sous-pondération en titres à revenu fixe. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont les suivantes : 58,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 55 %), 40,0 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 43 %) et 2,0 % en liquidités.