Tous les deux ou trois ans, nous tombons sur des articles annonçant la « mort » du fonds équilibré 60/40, soit le portefeuille classique d’actions et d’obligations depuis longtemps considéré comme essentiel à la réussite d’une stratégie de placement. Ces affirmations semblent souvent apparaître après des périodes fastes, comme celle que nous avons connue en 2020. Les rendements avaient alors été amplifiés par des politiques monétaires extrêmement accommodantes visant à limiter les dommages économiques causés par la pandémie.
Ceux qui expriment des doutes estiment que les fonds équilibrés dont la répartition de l’actif est de 60/40 pourront difficilement continuer à répondre aux exigences de rendement des investisseurs dans le contexte actuel de faiblesse des taux d’intérêt et des rendements prévus. Il est vrai que les rendements prévus pour de nombreuses catégories d’actif pourraient être plus modestes à l’avenir, mais nous croyons que la détention d’un portefeuille bien diversifié continuera d’être la stratégie de placement la plus importante de l’investisseur.
Cela dit, en raison de l’évolution constante du contexte de placement, les investisseurs devront toujours évaluer la façon dont ils diversifient leur portefeuille et déterminer s’ils sont bien placés pour atteindre leurs objectifs à long terme. Il faut entre autres comprendre les puissants changements qui surviennent sur les marchés, plus particulièrement le contexte de faiblesse des taux d’intérêt et la probabilité qu’il en soit ainsi pendant longtemps.
Portefeuille équilibré 60/40 : Rendements sur périodes mobiles de 10 ans de 1900 à 2020
Nota : Données du 31 janvier 1889 au 31 janvier 2021, fondées sur l’étude de Shiller, Market Volatility, 1989 – Annual Data on U.S. Stock Market - http://www.econ.yale.edu/~shiller/data/chapt26.html. Sources : RBC GMA, Bloomberg
Le passé : Un historique de rendement solide
Les investisseurs actuels ont connu de longues périodes de rendements exceptionnels, provenant tant des actions que des obligations. Dans ce contexte, la plupart des portefeuilles classiques 60/40 ont constamment produit de solides rendements. Trois faits saillants ont contribué à ce succès. Le premier est un marché obligataire haussier de 40 ans. Pendant cette période, le taux des obligations du Trésor américain à dix ans est descendu d’un sommet de 16 % en 1981 à un peu plus de 1 % aujourd’hui. Deuxièmement, un marché boursier haussier alimenté par des politiques monétaires exceptionnellement stimulantes a fait suite à la crise financière de 2008-2009. Le dernier facteur est la stabilité invariablement assurée par les obligations pendant les périodes de volatilité des marchés boursiers, et contribuant à offrir une expérience de placement plus uniforme. Malgré ce parcours remarquable pour les obligations et les actions au cours de la dernière décennie, de nombreux investisseurs réévaluent la répartition habituelle de leur actif, compte tenu des attentes selon lesquelles les rendements seront plus modestes durant la prochaine décennie, en particulier pour les obligations.
Le présent : Remise en question de la répartition habituelle de l’actif
Le contexte actuel de faiblesse des taux d’intérêt et de baisse des rendements prévus pose plusieurs problèmes pour les portefeuilles classiques 60/40 et leurs détenteurs. Les taux obligataires ont atteint des creux historiques, avoisinant zéro dans le cas des obligations d’État de nombreux pays. Face aux répercussions économiques et financières de la pandémie, les banques centrales se sont engagées à maintenir de faibles taux d’intérêt à court terme pour stimuler l’économie et les marchés financiers, et ce, même si la reprise s’accélère. Cet engagement des banques centrales est lourd de conséquences pour les investisseurs en obligations, qui peuvent s’attendre à une diminution des rendements prévus et à un revenu moindre. Par le passé, les obligations n’ont pas seulement procuré un revenu : elles sont aussi une source de liquidité et assurent une protection contre la volatilité des marchés boursiers. Toutefois, en raison des modestes taux d’intérêt actuels, les investisseurs, en particulier ceux en quête de prudence dont les portefeuilles comprennent de fortes proportions de titres à revenu fixe, devront évaluer si leurs portefeuilles sont bien placés pour atteindre leurs objectifs de placement à long terme.
L’envolée des actions depuis plus de dix ans a propulsé les valorisations boursières à des niveaux exagérés selon certaines mesures, surtout dans le segment des actions américaines à grande capitalisation. Donc, les investisseurs devront aussi modérer leurs attentes de rendement global pour les actions. Même si nous continuons de croire que les actions surpasseront les obligations au cours de la prochaine décennie, nos prévisions de rendement pour les deux catégories d’actif, et par conséquent pour une stratégie équilibrée, sont inférieures à ce qui était la norme pour les investisseurs.
Rendement historique et rendements prévus à long terme
Nota : Au 3 février 2021. Actions : indice RG S&P 500 ; obligations : indice 1-10 ans gouv. É.-U. ICE BofA ; équilibré : 60 % indice RG S&P 500, 40 % indice 1-10 ans gouv. É.-U. ICE BofA. Les rendements prévus à long terme correspondent aux rendements prévus sur 10 ans de RBC GMA au 13 janvier 2021. Sources : RBC GMA, Bloomberg
Positionnement de votre portefeuille pour l’avenir
À RBC Gestion mondiale d’actifs, nous croyons qu’il existe différentes façons pour les investisseurs de structurer leur portefeuille de manière à favoriser les rendements, améliorer la production de revenus, limiter la volatilité et assurer la stabilité.
- Améliorer la diversification en répartissant les
placements sur les marchés mondiaux
En adoptant une approche mondiale, les investisseurs peuvent avoir accès à un éventail accru d’options de placement, ce qui leur procure une meilleure diversification et, en définitive, une expérience de placement plus harmonieuse en réduisant l’incidence des ralentissements locaux sur leur portefeuille. L’été dernier, nous avons augmenté la pondération des actions mondiales de plusieurs de nos portefeuilles. Nous avons prélevé les fonds à cette fin dans le volet des actions canadiennes. Étant donné que l’incidence économique de la COVID-19 varie d’un pays à l’autre et que la volatilité pourrait s’intensifier, nous croyons que la répartition de l’actif entre plusieurs régions demeurera un outil important pour les investisseurs.
- Revoir la pondération des actions
La diminution des attentes de rendement signifie une augmentation du risque que les rendements des portefeuilles équilibrés soient inférieurs à ceux enregistrés au cours des dernières décennies. La probabilité que les investisseurs n’atteignent pas leurs objectifs financiers serait alors plus forte. Pour de nombreux investisseurs, l’accroissement de la participation au marché boursier constitue une première étape vers l’optimisation du rendement du portefeuille ; ce résultat dépend toutefois de leur tolérance au risque, car un potentiel de rendement supérieur s’accompagne généralement d’un risque plus élevé. Notre analyse indique que les investisseurs qui acceptent de suivre un parcours un peu plus tortueux à court terme sont raisonnablement bien récompensés à long terme. Dans le courant de l’année, nous avons accru la pondération stratégique des actions dans bon nombre de nos portefeuilles, en prélevant les fonds nécessaires dans le volet des titres à revenu fixe.
- Trouver un revenu parmi les actions
En plus de présenter un meilleur potentiel de rendement que les obligations, les actions peuvent offrir un avantage supplémentaire sur le plan du revenu. Les obligations à dix ans du gouvernement américain rapportent un rendement en revenu d’environ 1,1 %, par rapport à 1,6 % pour le rendement actuel en dividendes de l’indice S&P 500. Cet écart constitue une prime qui n’avait pas été observée depuis un bon moment. Bien que le contexte économique demeure incertain, nous nous attendons à ce que le rendement en revenu des actions demeure plus avantageux que celui des obligations. Selon nos recherches, les actions américaines dégageront un rendement total de 4,4 % à long terme1, comparativement à 1,1 % pour les obligations du Trésor américain à dix ans.
- Ajouter des placements de rechange aux titres à revenu fixe
Étant donné la faiblesse actuelle des taux obligataires, il pourrait être plus difficile pour les obligations de faire contrepoids à la volatilité du marché boursier. Les investisseurs auraient intérêt à envisager d’intégrer de nouvelles catégories d’actif à leur portefeuille, et à adopter de nouvelles stratégies qui reproduisent les avantages précédents des obligations d’État ou qui sont relativement peu corrélées avec les actions traditionnelles. En novembre dernier, nous avons accru la part des placements immobiliers directs et établi une position dans les placements alternatifs liquides en ajoutant un fonds de crédit à rendement absolu à certains de nos portefeuilles équilibrés. Ces deux catégories d’actif ont par le passé procuré de meilleurs rendements en revenu comparativement aux obligations d’État, en plus de présenter l’avantage d’une faible corrélation avec les actions. Il s’agit là de deux exemples de la façon dont nous ajustons la répartition de notre actif et diversifions le risque pour nous adapter à l’évolution du contexte de placement.
- Conserver des obligations, mais diversifier les positions
Les obligations d’État ont sans contredit leur place dans un portefeuille, mais les investisseurs devraient envisager de diversifier leurs placements à revenu fixe de façon à investir dans des titres moins sensibles aux risques auxquels elles sont exposées. De tels changements peuvent contribuer à atténuer le risque de taux d’intérêt, à préserver le capital et à réduire la volatilité des portefeuilles.
Au cours des 20 dernières années, nous avons élargi nos segments de titres à revenu fixe en y incluant des titres de créance de catégorie investissement, à rendement élevé et de marchés émergents. Pour ce faire, nous avons vendu des placements en obligations d’État. L’investisseur qui ne se limite pas aux obligations émises par un gouvernement s’expose toutefois à un risque de défaillance accru. Il convient donc d’assurer une supervision rigoureuse du portefeuille pour faire en sorte qu’il ne devienne pas trop risqué, compte tenu du profil de l’investisseur.
Une évolution constante est essentielle
À RBC GMA, nous passons beaucoup de temps à réfléchir à notre composition de l’actif et à en parler. À notre avis, c’est la décision la plus importante qu’un investisseur puisse prendre ; elle est un facteur clé du rendement à long terme des placements. Toutefois, aucune combinaison unique d’actifs ne restera optimale à long terme ; de petits changements supplémentaires doivent donc être apportés à l’occasion pour que les portefeuilles restent à jour. Plus de 30 années d’expérience en création et en gestion de portefeuilles nous ont appris que le rajustement de notre composition de l’actif selon l’évolution des conditions du marché a été essentiel pour les investisseurs et continuera de l’être.
Rendements passés sur 5 ans des secteurs du marché obligataire
Nota : Période du 31 janvier 2016 au 31 janvier 2021. Ordre de risque fondé sur
la volatilité historique (à titre indicatif).
Obligations d’État américaines : indice des obligations du gouvernement des
États-Unis toutes échéances confondues ICE BofA (CAD – Couvert)
Obligations mondiales d’État : indice mondial RG d’obligations
gouvernementales FTSE 1 an et plus (CAD – Couvert)
Obligations d’État canadiennes : indice RG des obligations gouvernementales
FTSE Canada
Obligations de sociétés canadiennes : indice RG des obligations de société
FTSE Canada
Obligations de sociétés américaines : indice RG des sociétés américaines de
catégorie investissement Bloomberg Barclays (CAD – Couvert)
Obligations américaines à rendement élevé : indice RG de titres américains à
rendement élevé BB-B (CAD – Couvert)
Obligations des marchés émergents : indice mondial diversifié d’obligations
des marchés émergents J.P. Morgan (CAD – Couvert)
Source : RBC GMA
Découvrez d’autres points de vue de Sarah Riopelle, vice-présidente et première gestionnaire de portefeuille.