Regardez cette vidéo de dix minutes pour obtenir un aperçu des balbutiements de la remise en marche de l’économie dans le monde.
Aperçu
La semaine écoulée ne nous a pas incités à modifier en profondeur nos perspectives sur la COVID-19. Nous avons revu nos prévisions de croissance à la hausse, mais cette éventualité était déjà envisagée la semaine dernière ; nos projections demeurent inférieures à la moyenne et nous sommes toujours préoccupés par le risque d’un double creux. Voici les principaux points négatifs et positifs :
Points négatifs
- Le nombre quotidien de nouveaux cas de COVID-19 a recommencé à augmenter.
- Les pays émergents, en particulier, peinent à combattre le virus.
- Nous craignons de plus en plus qu’une deuxième ronde de quarantaines soit nécessaire.
Points positifs
- Les signes de reprise économique se multiplient.
- Par conséquent, nous avons revu à la hausse les prévisions de croissance de notre scénario de base.
- Les connaissances scientifiques sur la COVID-19 s’améliorent progressivement.
- Le nombre de décès recule à l’échelle mondiale, un indicateur qui pourrait s’avérer plus pertinent que la hausse du nombre d’infections.
Statistiques sur le virus
Après avoir fait du surplace depuis le début du mois d’avril, le nombre quotidien de nouvelles infections a recommencé à augmenter au cours des deux dernières semaines ; plus de 100 000 cas ont été recensés au cours de journées consécutives. Le nombre total d’infections dépasse désormais les 5,5 millions (voir graphique suivant).
Propagation de la COVID-19 à l’échelle mondiale
Nota : Données en date 25 mai 2020. La pointe du 13 février 2020 est attribuable à un changement de méthode. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
En revanche, le nombre de décès attribuables à la COVID-19 dans le monde a suivi une tendance à la baisse depuis la mi-avril (voir le graphique suivant). À l’heure actuelle, on compte environ 4 000 décès par jour, contre environ 6 000 vers le milieu du mois d’avril. Cette mesure est sans doute la plus précise des deux (ou, pour être exact, la moins imprécise). En fait, l’augmentation du nombre de cas s’explique peut-être davantage par les efforts de dépistage que par une accélération du nombre d’infections réelles.
Décès causés par la COVID-19 – Monde
Nota : Données en date 25 mai 2020. La pointe du 13 février 2020 est attribuable à un changement de méthode. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Au niveau régional, les principaux pays européens continuent de faire bonne figure, par exemple :
- L’épidémie continue de reculer en France, en Allemagne, en Espagne et en Suisse, qui n’affichent plus que quelques centaines de cas chacune.
- En Italie, la situation a cessé de s’améliorer, tout en demeurant nettement meilleure qu’à la fin du mois de mars.
- Même la Suède connaît une certaine stabilité, voire une légère baisse, en dépit de mesures de santé publique moins strictes. Son taux d’infections par habitant est toutefois plus élevé que celui de ses voisins nordiques.
Le Royaume-Uni et les États-Unis restent sur une trajectoire légèrement descendante (voir graphique), mais les progrès sont beaucoup plus importants si on tient compte des décès plutôt que des infections. Toutefois, la situation aux États-Unis varie considérablement d’une région à l’autre, comme nous le verrons plus loin.
Propagation de la COVID-19 aux États-Unis
Nota : Données en date 25 mai 2020. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Au Canada, les données sur l’épidémie font aussi état d’une amélioration dans l’ensemble, malgré une légère hausse il y a quelques jours (voir le graphique). Celle-ci marque peut-être le début d’une nouvelle tendance à la hausse. Cependant, il s’agit plus vraisemblablement d’une erreur statistique attribuable à la longue fin de semaine de mai ou encore d’une conséquence à retardement des regroupements de la fête des Mères.
Propagation de la COVID-19 au Canada
Nota : Données en date 25 mai 2020. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Difficultés des marchés émergents
Alors que les pays développés contrôlent mieux la COVID-19, les marchés émergents (ME) affichent malheureusement une tendance inverse. Nous avons comparé le nombre quotidien d’infections dans les six pays développés les plus touchés par rapport aux six pays émergents les plus touchés : alors que les pays développés comptaient environ dix fois plus d’infections au début du mois d’avril, le nombre de nouveaux cas est désormais plus bas, tandis que les ME sont frappés de plein fouet (voir graphique suivant).
La COVID-19 touche maintenant les pays émergents
Nota : Données en date 25 mai 2020. Les MD représentent le nombre total de cas de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni et des États-Unis et 50,6 % du nombre de cas dans le monde. Les ME représentent le nombre total de cas du Brésil, de l’Inde, de l’Iran, du Pérou, de la Russie et de la Turquie et 23,1 % du nombre de cas dans le monde.
Comme la plupart des ME ont des capacités de dépistage limitées, le nombre d’infections y est presque certainement sous-estimé, et ce, dans une mesure encore plus grande que dans les pays développés. Par exemple :
- L’Inde compte actuellement près de 7 000 nouveaux cas par jour.
- L’épidémie continue de progresser au Mexique, où on recense pas loin de 3 500 nouveaux cas par jour.
- Le Brésil connaît une amélioration depuis peu. Il n’en reste pas moins qu’il enregistre un nombre impressionnant de 15 000 à 20 000 nouveaux cas par jour, un niveau presque équivalent à celui des États-Unis.
- Les données officielles de la Russie se sont stabilisées autour de 9 000 cas par jour, une charge qui reste importante.
Ces pays doivent composer avec des systèmes de santé défaillants, des filets de sécurité sociale fragiles, une marge de manœuvre réduite en matière de relance budgétaire et monétaire ainsi que des moyens peu efficaces pour imposer un confinement prolongé. Cela dit, il convient de noter que la plupart des ME ont pris des mesures strictes jusqu’à présent, comme le montre un indicateur de l’Université d’Oxford sur la rigueur des quarantaines. L’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Europe de l’Est et l’Asie suivent une approche très similaire à celle des pays développés.
Données intéressantes sur le virus
Voici plusieurs données scientifiques intéressantes sur la COVID-19.
Taux d’infection réel
Comme nous l’avons longuement écrit dans le passé, le nombre réel d’infections est presque certainement beaucoup plus important que l’indiquent les données officielles. Il y a quelques semaines, un modèle statistique nous a permis d’estimer que le nombre de cas aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Canada pourrait en réalité être trois à cinq fois plus élevé que celui établi par les autorités. Diverses études sur les anticorps ont fait valoir que le taux d’infection réel pourrait bien être dix fois supérieur au taux officiel.
Une récente étude menée auprès de travailleurs de la ville de New York théoriquement plus exposés au virus (employés des transports en commun, policiers, personnel de santé, pompiers et ambulanciers) a donné des résultats plus modérés : selon les tests sérologiques, de 10 % à 17 % des personnes avaient des anticorps. C’est environ cinq à sept fois le ratio officiel pour l’ensemble de la population. Le taux serait probablement un peu plus faible si l’on incluait les professions moins vulnérables.
Une autre étude récente réalisée en Suède a révélé que 7,3 % des habitants de Stockholm possédaient des anticorps contre la COVID-19 à la fin du mois d’avril, soit 22 fois l’estimation officielle. Par contre, ce résultat montre que la Suède est loin de l’immunité collective qu’elle visait ; de 60 % à 70 % de la population devrait être infectée et immunisée pour que le virus cesse de se propager.
Malheureusement, cela prouve une fois de plus que le virus est hautement transmissible, même si bon nombre de personnes n’éprouvent aucun symptôme. Toutefois, nous nous rapprochons peu à peu de l’immunité collective (même si nous en sommes encore loin) et le taux de mortalité réel est effectivement beaucoup plus faible qu’on le pense.
Propagation rapide du virus
En ce qui concerne la capacité théorique du virus à se propager, des recherches récentes des National Institutes of Health ont montré que les gouttelettes d’eau peuvent rester en suspension dans l’air pendant plus de dix minutes. Or, cela contredit l’hypothèse selon laquelle les gouttelettes comportant le virus tombent rapidement sur le sol.
Par ailleurs, une autre étude révèle que, lorsqu’il est expulsé, le virus de la grippe peut se déplacer assez facilement de plus de 2 mètres.
Ces deux conclusions pourraient expliquer comment le virus a continué à infecter de nouveaux hôtes même après l’adoption de strictes mesures de distanciation sociale. Elles permettent peut-être aussi de comprendre pourquoi des pays qui, comme le Japon, ont largement maintenu leur économie en activité, mais ont adopté avec enthousiasme les masques faciaux, ont connu un si grand succès.
Maintien de l’immunité
Heureusement, il semble de plus en plus probable que les anticorps contre la COVID-19 permettent effectivement d’éviter une nouvelle infection. Il n’y a aucun signe de réinfection généralisée. En outre, sur le plan scientifique, la réponse immunitaire semble vigoureuse, même dans les cas asymptomatiques, et les mutations du virus sont minimes. Par conséquent, la découverte d’un vaccin est théoriquement possible, tout comme l’immunité collective.
Plein air
D’après une étude menée en Chine, la très vaste majorité des transmissions de la COVID-19 ont lieu à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. C’est un résultat prometteur, car avec l’arrivée du beau temps, les gens passent plus de temps dehors. C’est aussi une information utile pour les commerçants et les restaurateurs qui cherchent à minimiser le risque d’infection. Cependant, l’indication d’un risque réduit à l’extérieur est peut-être liée au fait qu’en Chine, l’épidémie a surtout sévi en janvier et février, une période où peu de gens passent beaucoup de temps à l’extérieur.
Effet favorable de la chaleur
Il y a plusieurs semaines, nous avons parlé de recherches préliminaires qui avançaient que la chaleur devrait émousser l’intensité de la COVID-19. Les preuves scientifiques se contredisent, mais l’idée demeure plausible, étant donné que le rhume et la grippe semblent se propager beaucoup moins rapidement en été. De nouvelles recherches menées par un groupe de scientifiques issus de six universités concluent que le temps chaud a probablement une incidence positive, sans pour autant être en mesure d’éradiquer complètement la maladie. Elles estiment que le taux d’infection pourrait chuter de plus de 40 % dans les régions les plus chaudes des États-Unis, comme Phoenix, et d’environ 25 % dans les régions plus tempérées, comme New York.
Voilà qui est de bon augure, car une diminution du taux de transmission permettra à une plus grande partie de l’économie de redémarrer pendant les mois les plus chauds. Cela pourrait également expliquer pourquoi des États plus chauds, comme la Géorgie, parviennent à relancer leur économie sans hausse marquée des cas. Évidemment, le revers de la médaille est que le temps plus froid en automne et en hiver risque d’entraîner une remontée du taux d’infection.
La résilience des enfants
On sait que chez les enfants, le taux de mortalité lié à la COVID-19 est très bas. Il semblerait qu’ils bénéficient également d’un taux d’infection plus faible. Diverses théories expliquent cette situation :
- Leur système immunitaire plus robuste éliminerait la COVID-19 avant même que la production d’anticorps soit nécessaire ;
- La capacité de la maladie à se lier aux récepteurs dans les voies nasales pourrait être réduite ;
- Certaines formes du rhume à coronavirus (qui sévissent chez les enfants) donneraient une certaine mesure d’immunité croisée contre la COVID-19.
Ces éléments laissent penser que les écoles ne sont peut-être pas le terreau de la COVID-19 que l’on craint, bien que les enfants respectent souvent mal les consignes d’hygiène et d’éloignement social. Une étude portant sur plusieurs écoles en Australie a révélé que 18 enfants infectés n’en ont infecté que deux autres sur les 863 avec lesquels ils étaient en contact étroit. D’après une autre étude, les enfants américains ont eu 7 à 20 fois plus de risques de mourir de la grippe que de la COVID-19 depuis le début de l’année.
Échéancier pour la mise au point d’un vaccin
Au moment de l’éclosion de l’épidémie, on pensait généralement que la mise au point d’un vaccin prendrait au moins 12 à 18 mois. Ce délai était même considéré comme optimiste étant donné que jusque-là, aucun vaccin n’avait été trouvé en moins de quatre ans.
Ces estimations demeurent valables, mais certains prédisent maintenant qu’une solution sera disponible plus rapidement. Les scientifiques de l’Université d’Oxford et de quelques autres laboratoires pensent élaborer un vaccin d’ici l’automne, même si beaucoup sont sceptiques. Bill Gates – dont la fondation est la plus importante source de financement au monde pour la découverte de vaccins – a indiqué qu’il serait techniquement possible de développer un traitement en seulement neuf mois. Il s’agit du scénario optimiste et non d’une prévision, mais nous espérons qu’il se réalisera.
Évolution de la conjoncture économique
Données en temps réel
Notre suivi des données économiques en temps réel montre que les nouvelles économiques sont généralement encourageantes. Les réservations de restaurants en ligne continuent d’augmenter et, à ce chapitre, l’Allemagne est presque à mi-chemin du retour à la normale ! La reprise est plus timide dans d’autres pays. Bien que le trafic aérien reste assez faible, il affiche une remontée notable.
Les entreprises américaines déclarent maintenant avoir repris 36 % de la baisse de revenus initiale (voir le graphique suivant).
Effet dévastateur de la COVID19 sur les nouvelles commandes et ventes des entreprises américaines
Nota : Données au 17 mai 2020. Estimations correspondant à la moyenne pondérée de la variation en pourcentage des nouvelles commandes ou ventes pour l’ensemble des répondants. Sources : Enquête hebdomadaire de la Réserve fédérale de Philadelphie sur les perspectives des entreprises quant à la pandémie de COVID19, RBC GMA
De même, le nombre d’heures travaillées par les employés américains à salaire horaire remonte petit à petit ; 32 % du déclin initial a été repris (voir le graphique suivant).
Évolution en pourcentage du nombre d’heures de travail des employés à salaire horaire aux États-Unis
Nota : Données en date du 21 mai 2020. Les répercussions reposent sur une comparaison du nombre d’heures travaillées en une journée par rapport à la médiane du jour de la semaine correspondant en janvier 2020. Sources : Homebase, Macrobond, RBC GMA
Par contre, les dépenses par cartes de crédit aux États-Unis ont légèrement reculé. Après avoir regagné une partie du terrain perdu pendant trois trimestres, les dépenses ont un peu fléchi la dernière semaine. Il leur reste néanmoins plus de la moitié de la distance à parcourir pour retrouver leur niveau antérieur.
Notre mesure qui combine les données de Google Mobility, d’Apple Mobility et d’Oxford sur la rigueur du confinement indique que les États-Unis ont maintenant récupéré environ 40 % de la mobilité perdue. La progression est du même ordre au Canada, mais plus ténue au Royaume-Uni. Fait remarquable, les données d’Apple Mobility indiquent que la circulation routière est revenue à la normale aux États-Unis.
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Nota : Données en date du 16 mai 2020. Écarts par rapport au niveau de référence normalisé selon le niveau des États-Unis. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, Macrobond, RBC GMA
Contradictions concernant les revenus des ménages
Dans nos deux derniers bulletins hebdomadaires, nous avons expliqué que le revenu moyen des ménages n’avait pas vraiment diminué aux États-Unis et au Canada, car l’aide des gouvernements remplace le revenu d’emploi. Évidemment, la situation varie considérablement selon les ménages. Parmi ceux qui ont été touchés par une perte d’emploi, les ménages à revenus élevés sont loin de toucher les mêmes revenus qu’avant, tandis qu’une part importante des ménages à faibles revenus gagnent plus.
Une nouvelle enquête du Census Bureau des États-Unis brosse un tableau un peu plus négatif. Près de la moitié des adultes américains déclarent que leur ménage a subi une baisse de revenus au cours des deux mois qui ont suivi l’éclosion de l’épidémie. Parmi les personnes interrogées, 15 % déclarent ne pas être en mesure de rembourser leur prêt hypothécaire et 26 % disent qu’elles ne peuvent pas payer leur loyer. Il se peut que ces chiffres surestiment la gravité de la situation, tout comme la véritable baisse des revenus des entreprises et du nombre d’heures travaillées n’est probablement pas aussi importante que celle dont fait état l’enquête en temps réel auprès des entreprises mentionnée plus haut. En fait, un ménage disposant de placements aurait techniquement raison de dire que ses revenus ont baissé, si une seule entreprise de son portefeuille avait réduit ses dividendes. L’enquête n’en demeure pas moins préoccupante.
Demandes d’assurance emploi : détérioration (et contradiction)
Les demandes hebdomadaires d’assurance emploi aux États-Unis restent le moyen le plus rapide de suivre l’activité économique à l’aide de données traditionnelles, qui ont l’avantage d’exister depuis longtemps et d’être bien comprises. Le nombre de demandes initiales continue de baisser, mais pas aussi vite qu’on aurait pu l’imaginer compte tenu de la reprise substantielle des dépenses et de l’activité. La semaine dernière, 2,4 millions de personnes de plus ont déposé une demande d’assurance emploi, soit un peu moins que les 3 millions de la semaine précédente. Près de 40 millions de demandes de ce type ont été faites depuis que l’épidémie a éclaté.
Certes, les demandes initiales nous renseignent uniquement sur les pertes d’emploi, sans nous donner d’indications sur les embauches. On pourrait s’attendre à un redressement des embauches, étant donné que les revenus des entreprises et le nombre d’heures travaillées ont rebondi d’environ un tiers par rapport à leur niveau le plus bas. Il semble que ce ne soit pas le cas, ce qui laisse perplexe. Le nombre de demandes continues d’assurance emploi est passé de 22,5 millions à 25,1 millions, mais il faut prendre en compte le fait qu’elles sont décalées d’une semaine par rapport aux demandes initiales.
Nous continuons de croire que les demandes continues commenceront à diminuer prochainement, peut-être dès cette semaine ou la semaine prochaine. En effet, les données les plus récentes sont plus proches de l’amélioration que l’indiquent les données globales. Malgré la détérioration globale, 32 États sur 50 ont enregistré un déclin du nombre de prestataires de l’assurance chômage pour la semaine. Hélas, ce progrès a été éclipsé par quelques grands États, où les données sont publiées à retardement (Floride et Texas) et par quelques autres plus prudents quant à la levée des mesures de quarantaine (Californie, Oregon et Washington).
Les indices des directeurs d’achats rebondissent
Il fut un temps où les indices des directeurs d’achats (PMI) constituaient le moyen le plus actuel et le plus efficace de mesurer l’activité économique. Leur rôle a quelque peu diminué depuis la création de nombreuses mesures en temps réel. Cependant, les indices PMI offrent toujours une perspective utile et confirment des mesures moins fiables.
À cet égard, les indices PMI pour le mois de mai ont nettement augmenté dans les principaux marchés développés, attestant de la reprise économique est en cours. Toutefois, en valeur absolue, les chiffres ne sont pas meilleurs que le creux normalement atteint lors d’une récession :
- L’indice composite Markit de la zone euro est passé d’un abominable 13,6 à un 30,5 encore anémique. En théorie, 50 représente la ligne de démarcation entre croissance et contraction. Par conséquent, bien que la hausse représente un énorme bond en avant, elle n’est pas encore synonyme de dynamisme.
- La situation est similaire au Royaume-Uni, où l’indice PMI est passé de 13,8 à 28,9.
- Aux États-Unis, l’indice composite PMI Markit a augmenté de manière moins prononcée, de 27,0 à 36,4, mais il est plus élevé que les autres en valeur absolue.
Réflexions sur la situation des entreprises
On observe une tendance fascinante : certains grands détaillants ont le vent dans les voiles, pendant que d’autres entreprises déclarent faillite. Les sociétés comme Walmart, Home Depot, Costco et Target prospèrent, car à l’ère de la distanciation sociale, les consommateurs concentrent leurs courses dans des magasins spacieux qui vendent une grande variété de marchandises et qui ne sont pas cachés dans des centres commerciaux intérieurs. Bon nombre de ces magasins ont enregistré une hausse de 10 % ou plus de leurs revenus au cours de la dernière année. Ce rythme de croissance est sans précédent pour des sociétés aussi bien établies. Ces géants sont également en mesure de répondre à la forte demande sur le Web. D’ailleurs, Walmart a annoncé un bond remarquable de 74 % de ses ventes annuelles en ligne. À l’inverse, les petites entreprises ne sont pas capables de soutenir la concurrence sur aucun de ces fronts.
Cela dit, en règle générale, les bénéfices n’ont pas augmenté au même rythme que les revenus. L’adoption de nouvelles façons de vendre les produits occasionne des coûts. La rémunération des travailleurs de première ligne augmente, la configuration des magasins change, les chaînes d’approvisionnement se complexifient et les modes d’achat évoluent (commerce électronique/ramassage en magasin). Par exemple, chez McDonald, les employés doivent maintenant désinfecter les bornes de commande après le passage de chaque client et nettoyer les toilettes toutes les demi-heures.
Certaines entreprises facturent désormais un supplément COVID-19 pour compenser ces coûts additionnels. Dans ces cas, les marges bénéficiaires sont susceptibles d’augmenter, mais l’inflation aussi.
Un aspect à propos duquel nous ne savons encore que peu de choses est la manière dont les sociétés modifient leurs programmes de dépenses en immobilisations. Il va de soi que dans le contexte actuel d’incertitude élevée et d’assombrissement des perspectives économiques, le moment est mal choisi pour entreprendre des projets d’envergure. En revanche, le réaménagement des magasins, bureaux et usines nécessitera des investissements importants, de même que tout rapatriement de chaînes d’approvisionnement. De plus, compte tenu de l’adoption massive du télétravail, pratiquement toutes les entreprises allouent sans doute des sommes quasi record à l’achat de nouveaux équipements informatiques. Habituellement, les dépenses en immobilisations s’effondrent pendant les récessions. Cette fois-ci, nous anticipons une baisse de 20 % des dépenses en immobilisations entre le sommet et le creux, et une diminution un peu plus prononcée des dépenses de consommation. Or, en temps normal, les premières fluctuent beaucoup plus que les secondes.
Résumé de la conjoncture au Canada
Les données sur l’inflation au Canada qui viennent d’être publiées sont conformes aux attentes. L’IPC global est passé de 0,9 % à -0,2 % sur 12 mois en avril. Il pourrait s’agir du plus bas niveau à court terme, les prix du pétrole ayant depuis quelque peu rebondi. L’inflation de base a pour sa part connu une baisse plus modérée, diminuant progressivement pour atteindre une fourchette de 1,6 à 2,0 %. Rien de tout cela ne devrait influencer la Banque du Canada d’une manière ou d’une autre, car les banques centrales se concentrent sur les répercussions de la COVID-19 en matière de croissance et de liquidités plutôt que sur l’ampleur de la menace déflationniste.
Le PIB du Canada au premier trimestre sera annoncé cette semaine. D’après les prévisions générales, il devrait reculer de 10 % en chiffres annualisés. Cette régression est deux fois plus importante que la baisse enregistrée aux États-Unis pendant la même période, ce qui conforte notre opinion selon laquelle le Canada est plus durement touché sur le plan économique que ses voisins du sud. Bien entendu, les données du premier trimestre ne reflètent qu’une parcelle de l’incidence de la COVID-19.
Mise à jour de nos scénarios économiques
Nous avons revu légèrement à la hausse nos prévisions de croissance pour 2020. Nous nous attendons désormais à un repli de 18 % du PIB des États-Unis du sommet au creux (comparativement à -22,5 % auparavant). Comme nous l’avons dit la semaine dernière, il semblerait que les statistiques en temps réel aient exagéré la force du coup, maintenant que les données économiques traditionnelles viennent compléter le portrait. Le tableau et le graphique suivants montrent comment la nouvelle estimation a été obtenue à partir des perspectives basées sur les dépenses et les secteurs.
Calcul grossier du PIB des États-Unis selon les dépenses
Données en mai 2020.
Scénario d’ampleur moyenne : Chute du sommet au creux du PIB des États-Unis par secteur
Nota : Données en date du 21 mai 2020. Les barres illustrent, en pourcentage, l’écart présumé du sommet au creux par rapport à la normale de la production de chaque secteur en raison de la COVID-19 advenant un scénario d’ampleur moyenne. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Autre facteur positif, la reprise économique s’est produite plus tôt et de façon plus marquée que nous l’avions prévu. Nous supposons que les statistiques en temps réel exagèrent l’ampleur du rebond, mais la reprise s’est amorcée en partie il y a un mois, alors que nous avions prévu qu’elle débuterait en juin. En conjuguant ces réflexions et les dernières nouvelles au sujet d’une nouvelle dose de relance budgétaire et monétaire, nous obtenons un scénario de base qui prévoit désormais un recul de 7,1 % du PIB des États-Unis en 2020, soit une amélioration par rapport au chiffre précédent de -10,6 %.
Ce chiffre demeure quelque peu inférieur aux prévisions générales, mais dans une mesure moins extrême. Il va sans dire que ces prévisions demeurent peu précises. Nous conservons notre approche fondée sur neuf scénarios, mais nous l’avons légèrement modifiée (voir le tableau ci-dessous). Alors que notre matrice 3 x 3 précédente comportait trois scénarios d’ampleur et trois possibilités de durée, le deuxième axe a été modifié. Nous savons déjà à quel moment la reprise économique s’est amorcée, soit vers la fin d’avril et le début de mai. Le deuxième axe porte désormais sur le rythme auquel la reprise se poursuivra.
Scénarios liés à la COVID-19 : Prévision de croissance du PIB réel des États-Unis en 2020 (variation annuelle moyenne en %)
Nota : Données en date du 21 mai 2020. Dans l’hypothèse d’un repli prononcé avant l’atteinte du creux et d’une longue période de reprise.
La série complète des neuf scénarios prévoit la possibilité d’un recul économique plutôt léger, soit -2,8 %, si ce repli est encore moins prononcé que nous l’avions prévu et si la reprise est exceptionnellement dynamique. Par ailleurs, la baisse pourrait aller jusqu’à -18,7 % si le recul entre le sommet et le creux est plus grave que nous l’avions présumé et si la reprise s’avère graduelle (peut-être en raison d’une seconde vague de mise en quarantaine). L’éventail des résultats possibles est indéniablement vaste, mais il faut dire qu’il correspond à la moitié de celui indiqué par les prévisions antérieures. Des progrès ont été réalisés. Au fil du temps et de l’accumulation des données, nous sommes en mesure non seulement de préciser nos prévisions quant à notre scénario de base, mais aussi les divers scénarios connexes.
Prévisions internationales
De même, nous avons relevé et mis à jour nos prévisions de croissance mondiale. Nous avons eu recours aux méthodes qui ont servi à les formuler, soit un vaste système de pointage allié à des données sur les secteurs, les déplacements et la relance. Le processus et les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous.
Incidence de la COVID-19 sur le PIB
Nota : Données en date du 23 mai 2020. Les estimations de la feuille de pointage reposent sur des facteurs comme le taux de transmission, le dépistage, le confinement, le système de santé, l’éducation, la démographie, la mondialisation, la souplesse du marché du travail, la dette publique et les politiques gouvernementales. Le calcul de la baisse du PIB entre le sommet et le creux résulte d’une évaluation selon une feuille de pointage, les secteurs et les déplacements. Les prévisions de croissance du PIB pour 2020 et 2021 se fondent sur un scénario de repli d’ampleur moyenne et de durée moyenne. Sources : CIA, rapport de Google sur la mobilité de la collectivité dans la période de la COVID-19, kita.org, Knoema, Our World in Data, sites Web des gouvernements et des banques centrales nationales. Bruegel, ING, UBS, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Les prévisions de croissance pour le Canada ont été ramenées de -12 % à -8,8 %. Pour sa part, la zone euro devrait connaître un recul de « seulement » 10,6 % plutôt que de 15 %.
Probabilité des scénarios
Nous n’attribuons pas de probabilités officielles à chacun des neuf scénarios de croissance présentés plus haut. Il faut toutefois reconnaître que si le scénario de base s’est amélioré, le risque d’un dénouement négatif a sans doute augmenté. Par conséquent, les perspectives de croissance pondérées ne sont probablement pas bien différentes de ce qu’elles étaient.
Ces évolutions contraires s’expliquent par une seule et même raison : les quarantaines ont pris fin beaucoup plus brusquement que prévu. Si cette situation entraîne un accroissement de l’activité économique à court terme, elle augmente aussi le risque que les gouvernements finissent par remettre les freins.
Cette mise en garde concerne principalement les États-Unis, qui comptent parmi les pays les plus enthousiastes à l’égard d’un redémarrage par rapport au nombre de cas sur leur sol. Une telle préoccupation n’est toutefois pas négligeable ailleurs, y compris au Canada, surtout en Ontario et au Québec. Ces deux provinces procèdent au redémarrage, malgré les statistiques peu convaincantes sur le virus qui y sont publiées.
Le graphique suivant donne une idée de la vulnérabilité relative de divers pays. Les pays qui se trouvent le plus à droite souffrent du plus grand nombre de cas de COVID-19 par habitant, alors que ceux qui sont le plus en haut correspondent à ceux qui imposent les mesures de confinement les moins strictes. Par conséquent, il est probable que les pays figurant dans le quadrant supérieur droit sont ceux qui courent le plus grand risque de connaître une deuxième vague d’infection. Les États-Unis et la Suède y occupent une place centrale.
Les pays où le confinement est permissif et qui présentent un nombre élevé de nouveaux cas sont plus exposés au risque d’une deuxième vague
Nota : Données en date du 16 mai 2020. Axe des y : Écarts avec le niveau de référence, normalisation par rapport aux États-Unis. Les barres d’erreur représentent le stade le plus strict du confinement. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, CEPCM, ONU, Macrobond, RBC GMA
De même, les pays qui affichent un important nombre de cas par habitant et qui ont considérablement assoupli leurs mesures de quarantaine (comme l’illustre la longueur de la ligne noire sous le cercle de chaque pays) semblent eux aussi être vulnérables. Le Canada se trouve dans cette position.
Dans certains pays, comme en Corée du Sud et au Japon, le confinement n’est pas plus strict qu’aux États-Unis, en plus d’avoir été considérablement assoupli. Cependant, le nombre de cas y est tellement faible que ces pays ont une plus grande marge de manœuvre (de plus, ils méritent qu’on leur accorde le bénéfice du doute, puisqu’ils ont mieux réussi que les autres en imposant des mesures de distanciation sociale limitées).
Réflexions sur le marché du logement au Canada
À court terme, il semble que les marchés du logement devraient être quelque peu affaiblis. Après tout, l’appétit pour le risque a diminué, le chômage a considérablement augmenté et l’immigration connaît un ralentissement temporaire. En revanche, les coûts d’emprunt demeurent très bas.
Du point de vue géographique, le Canada semble plus vulnérable que les États-Unis en raison de l’endettement plus élevé des ménages et de la piètre accessibilité dans les principaux marchés.
Au Canada, la SCHL prévoit maintenant un recul de 9 % à 18 % des prix des maisons au cours de l’année à venir. Bien qu’un tel repli ne soit certainement pas impossible, nous avons tendance à être plus optimistes et estimons qu’une baisse de 0 % à 10 % serait plus probable. Selon l’Indice de Prix de Maison Teranet – Banque Nationale, les prix des maisons auraient en fait augmenté en mars et en avril, sans doute les deux pires mois de la crise de la COVID-19. L’indice composé des prix des propriétés de l’ACI montre également une augmentation en mars, mais laisse entendre que les prix pourraient avoir diminué de 0,6 % en avril (bien qu’ils soient toujours en hausse de 6,4 % par rapport à la même date l’année dernière). Les données des banques canadiennes sur les prêts hypothécaires indiquent une augmentation normale des emprunts hypothécaires en mars, mais aucune autre donnée n’est disponible.
Évidemment, la souffrance associée à la perte de revenus, le nombre de petites entreprises en faillite, les prêts hypothécaires en souffrance et les loyers impayés d’un point de vue du propriétaire augmenteront au fil du temps, malgré les mesures prises par les banques et les gouvernements pour soulager la détresse financière. Voilà probablement pourquoi la SCHL prévoit que le ratio d’endettement des ménages canadiens passera de 176 % à plus de 200 % d’ici 2021. À notre avis, il augmentera dans une moindre mesure, notamment parce que les ménages sont naturellement portés à économiser davantage durant les crises économiques. Mais comme toujours, la vulnérabilité découle davantage des données plus détaillées qui font état de la souffrance individuelle que des moyennes nationales. Même avant l’épisode en cours, le pourcentage d’emprunteurs vulnérables était inhabituellement élevé.
Toutefois, à long terme, nous ne croyons pas que le marché du logement sera profondément perturbé. À coup sûr, les préférences sont sujettes à changement : les consommateurs peuvent délaisser les tours d’habitation à forte densité en faveur de logements situés en banlieue, du moins pendant un certain temps. Cela dit, une reprise de l’immigration (le véritable moteur du marché du logement) est probable, le taux de chômage devrait commencer à diminuer sous peu, l’appétit pour le risque a déjà amorcé une remontée et les taux d’intérêt devraient rester très bas.
Points importants sur les mesures de relance
La dose de relance monétaire et budgétaire injectée par les autorités de la planète demeure à bien des égards remarquable. Les efforts entrepris dépassent largement ceux qui ont été déployés durant la crise financière mondiale, les politiques ont été adoptées plus rapidement et ont sans doute été mieux ciblées. Le tableau qui suit présente nos plus récentes estimations par pays.
Programmes de relance liés à la COVID-19 à l’échelle mondiale
Nota : Données en date du 8 mai 2020. La Reserve Bank of Australia (RBA) a mis en place une politique de contrôle de la courbe des taux au lieu de procéder à des achats d’actifs. Achats d’actifs estimatifs pour la Banque du Canada, la Banque du Japon et la Réserve fédérale, qui ont mis en œuvre des programmes illimités d’assouplissement quantitatif, fondés sur l’hypothèse d’une duration d’un an. Les mesures de stimulation monétaire entreprises par la BCE sont indiquées pour les pays membres de la zone euro. Les mesures de relance budgétaire comprennent uniquement les dépenses, les baisses d’impôt et la partie non remboursable des prêts, et ne tiennent pas compte des mesures d’allégement comme les reports d’impôts et de frais, les prêts remboursables, les garanties de prêts, les prises de participation, etc. Sources : Banques centrales nationales, sites Web des gouvernements nationaux, Bruegel, FMI, ING, UBS, RBC GMA
Cette semaine, nous souhaitons aborder quatre questions précises.
- Changement de cap vers une reprise ?
Les gouvernements parlent beaucoup de la possibilité d’adopter des mesures qui permettraient de relancer l’économie au lieu de simplement l’aider à traverser l’épidémie de COVID-19. Au départ, les décideurs politiques devaient travailler à un rythme effréné pour mettre en place des mesures générales aussi rapidement que possible. À l’heure actuelle, ils commencent à constater l’étendue des dommages et peuvent concentrer leurs efforts sur certains secteurs. Nous sommes d’avis que leurs interventions sont toujours de nature à limiter les dommages initiaux de la COVID-19, mais ne représentent pas en soi une stratégie de relance de l’économie. Ces efforts sont certes importants, mais ils ne constituent pas réellement un changement de cap.
Une grande partie de ce changement surviendra automatiquement. Le soutien offert par le gouvernement diminuera naturellement à mesure que les contribuables retourneront travailler et cesseront d’être admissibles aux programmes spéciaux. Le principal défi que les gouvernements devront maintenant relever consistera peut-être à les encourager à retourner au travail, puisqu’il pourrait être aussi avantageux pour eux de rester à la maison.
- Vers des taux négatifs en Amérique du Nord ?
Malgré l’attention que les médias portent au sujet, nous demeurons convaincus que la stimulation monétaire en Amérique du Nord ne se fera pas sous forme de taux négatifs. Le président de la Réserve fédérale, M. Powell, a été clair à ce propos, et la Banque du Canada avait déjà formulé des commentaires en ce sens. Quant à la Banque d’Angleterre, elle a apparemment hésité, son économiste en chef ayant indiqué qu’elle étudiait des avenues moins conventionnelles comme les taux d’intérêt négatifs, mais là encore, un changement de cap semble peu probable. À notre avis, tout avantage sur le plan économique serait annulé par les distorsions qu’une telle décision entraînerait.
Précisons par ailleurs que les taux d’intérêt demeureront très bas et certains pourraient même ajouter qu’ils sont négatifs depuis un moment déjà, compte tenu de l’inflation et des impôts. Néanmoins, des taux nominaux véritablement négatifs sont à la fois peu probables et indésirables, pas tellement parce que l’Amérique du Nord et le Royaume-Uni sont des régions particulières et qu’ils résistent en quelque sorte à la japonisation que l’on observe ailleurs, mais parce que leurs banques centrales y sont philosophiquement opposées.
- Contrôle de la courbe des taux ?
À l’évidence, le principal problème auquel l’économie fait face n’est pas le fait que les taux d’intérêt sont trop élevés. Par conséquent, les dirigeants politiques se sont surtout efforcés d’assurer une bonne liquidité sur les marchés des titres de créance des gouvernements et des sociétés, plutôt que de baisser encore plus les taux d’intérêt.
Dans la mesure où les préoccupations liées à la liquidité s’estompent, on imagine toutefois sans peine les banques centrales se tourner vers une approche axée sur le contrôle de la courbe et menacer ainsi les marchés d’intervenir si les taux devaient dépasser un certain seuil. Une telle stratégie a été employée de manière efficace aux États-Unis pendant et après la Deuxième Guerre mondiale et, récemment, au Japon. Au final, aucun des deux pays n’a eu à acheter un grand nombre d’obligations, car les marchés ont estimé la menace crédible.
- Mutualisation de la dette en Europe ?
Depuis longtemps, la zone euro se fait reprocher d’être une union monétaire (dotée d’une monnaie unique et d’une seule banque centrale), mais pas une union budgétaire. Par conséquent, chaque fois que l’Europe est aux prises avec une crise financière ou une récession, une part disproportionnée du fardeau incombe à la Banque centrale européenne (BCE). Cette situation semble avoir atteint son point de rupture le mois passé, au cours duquel un tribunal allemand a contesté la légalité du vaste programme d’assouplissement quantitatif de la BCE. Ce n’est pas la première fois qu’un tribunal allemand tente de limiter les pouvoirs de la banque centrale, et il est fort possible que la BCE parvienne à invalider ou infirmer la décision. La situation n’est toutefois pas idéale.
Dans un geste remarquable qui semble être une réponse directe à la décision récente du tribunal, la chancelière allemande Angela Merkel a surpris presque tout le monde en adhérant récemment à une proposition avancée par la France pour la mise sur pied d’un « plan de relance » de 500 milliards d’euros visant à venir en aide aux pays éprouvés. Il s’agit d’un projet important à plusieurs égards. L’argent serait distribué sous forme de subvention, et non pas de prêt, de sorte que les versements seraient permanents, contrairement à ce qui était le cas lors d’initiatives précédentes. La zone euro mobiliserait ces sommes au moyen d’une certaine forme de mutualisation de la dette, soit par l’émission d’euro-obligations qui profiteraient du poids économique et de la note de crédit des pays les plus riches de la région, tout en venant en aide aux pays moins riches et plus durement touchés.
Le projet n’a toujours pas franchi la ligne d’arrivée, car il doit être approuvé par l’ensemble des pays du bloc, mais le soutien de l’Allemagne représente un grand pas en avant. Ce projet pourrait bien entraîner un changement fondamental de la façon dont la zone euro se perçoit, son mode de fonctionnement, voire sa survie.
Va-et-vient du marché financier
En ce qui a trait aux perspectives des actifs risqués, l’éventail de résultats possibles est exceptionnellement large. Le tableau suivant illustre les principaux arguments, tant pessimistes qu’optimistes.
Données en mai 2020. Source : RBC GMA
On ne peut dire quels arguments se révéleront les plus pertinents à court terme, mais en tant qu’entreprise, nous avons penché du côté de l’optimisme au cours du dernier mois, car les arguments les plus pertinents à long terme (ainsi, le fait que la valorisation des actions est plus intéressante que celle des obligations) semblent appuyer cette opinion.
– Avec la contribution de Vivien Lee et Graeme Saunders