Aperçu
La dernière semaine a été marquée par des développements aussi bien positifs que négatifs sur le front de la pandémie mondiale. Du côté positif, la reprise économique se poursuit, les derniers chiffres de l’emploi en Amérique du Nord ont été étonnamment bons et les marchés financiers sont plutôt satisfaits.
En revanche, on observe d’importants développements négatifs dont la progression est toutefois graduelle. Le nombre de nouveaux cas quotidiens de COVID-19 augmente à l’échelle mondiale. Plusieurs pays émergents sont particulièrement touchés et de nombreux États américains subissent actuellement une augmentation du nombre de cas.
Données sur la pandémie
Le nombre quotidien de nouveaux cas de COVID-19 dans le monde a encore augmenté et s’élève à 130 000 par jour. La tendance est nettement à la hausse, puisqu’on comptait environ 80 000 nouveaux cas par jour entre début avril et la mi-mai (voir graphique). Au total, le nombre d’infections s’élève désormais à près de 7 millions.
Propagation de la COVID-19 à l’échelle mondiale
Nota : Au 8 juin 2020. La pointe du 13 février 2020 est attribuable à un changement de méthode. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA.
Le nombre de décès liés à la COVID-19 a atteint récemment le chiffre inquiétant de 400 000, mais on compte heureusement moitié moins de décès quotidiens qu’à la mi-avril. Nous avions tendance à soutenir que les chiffres de l’évolution du nombre de décès sont plus précis que ceux du nombre d’infections. Toutefois, le taux de mortalité s’est maintenant stabilisé au niveau mondial et il ne diminue plus de manière importante. En fait, nous avons reproduit notre calcul standard du taux de transmission en échangeant les infections contre les décès. Le concept est imparfait – les personnes décédées ne causent pas la mort d’autres personnes comme le font les personnes infectées qui transmettent le virus. Mais le calcul sous-jacent permet essentiellement de déterminer si le virus est susceptible de se propager ou de reculer. Pour le moment, c’est de nouveau la première tendance qu’on observe (voir le tableau suivant).
Le taux de transmission dans le monde tourne autour du seuil critique de 1 (en utilisant le nombre de décès)
Nota : Au 5 juin 2020. Le taux de transmission correspond à la variation en pourcentage sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux décès par jour. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA.
Pour en revenir à l’usage plus traditionnel du taux de transmission, la Suède semble confrontée maintenant à un sérieux problème, les États-Unis sont au bord du précipice et la majeure partie du monde développé bénéficie d’un taux de transmission inférieur à un (voir le graphique suivant).
Un taux de transmission inférieur à 1 donne à penser que la COVID-19 recule
Nota : Au 8 juin 2020. Le taux de transmission correspond à la variation en pourcentage sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour. Sources : CEPCM, Macrobond, RBC GMA
Parmi les principaux pays, le Royaume-Uni est aujourd’hui celui qui applique les règles de distanciation sociale les plus strictes, de sorte qu’il est parvenu à réduire son taux d’infection quotidien à un peu plus de 1 000, contre environ 5 000 au plus fort de la pandémie.
L’évolution au Canada demeure bien connue : une tendance à la baisse du nombre de cas, qui est passé de 1 500 cas par jour au plus fort de la pandémie à environ 500 aujourd’hui. Toutefois, l’Ontario reste bloqué avec une tendance latérale et est responsable de la majorité des cas au pays.
Les États-Unis enregistrent un plafonnement au niveau national, avec plus de 20 000 nouvelles infections par jour. Mais comme nous le verrons plus loin, on observe des variations considérables selon les États.
La Nouvelle-Zélande a droit à une mention spéciale car elle n’a enregistré aucun nouveau cas de COVID-19 en l’espace de 17 jours, ce qui lui permet d’abolir toutes les règles de distanciation sociales qui demeuraient en place. Le pays a la chance d’avoir une faible densité de population et d’être isolé du reste du monde, mais il récolte aujourd’hui les fruits de ses efforts et il mérite pour cela des éloges.
Les pays émergents subissent une hausse considérable du nombre d’infections et demeurent par conséquent des zones de plus en plus à risque. Les six pays émergents les plus touchés par la pandémie enregistrent actuellement environ deux fois plus de nouveaux cas par jour que les six premiers pays développés (voir le graphique suivant).
Les pays émergents sont maintenant aux prises avec la COVID-19
Nota : Au 5 juin 2020. Les chiffres des marchés développés correspondent au nombre de cas en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis et représentent 45,4 % des cas dans le monde. Les chiffres des marchés émergents correspondent au nombre de cas au Brésil, en Inde, en Iran, au Pérou, en Russie et en Turquie et représentent 26,9 % des cas dans le monde.
Des pays émergents à risque
Même si les pays émergents deviennent le nouvel épicentre de la COVID-19, tous ne peuvent pas se permettre de maintenir la quarantaine qui est en place depuis mars et porte préjudice à leurs économies. Au Pakistan, une décision de justice a entraîné récemment la réouverture de l’économie du pays malgré une hausse du nombre de cas. L’Inde a également assoupli les restrictions alors même que le nombre quotidien d’infections augmente.
Il est donc évident que la propagation du virus continuera de s’accélérer dans certains pays émergents. Seuls un médicament efficace, un vaccin ou une immunité collective pourraient mettre un frein au virus dans ces pays, mais rien de tout cela n’est envisageable à court terme.
Toutefois, il y a plusieurs facteurs dont on doit tenir compte :
- Le comportement humain joue également un rôle déterminant dans la propagation du virus. Ainsi, avant même que les gouvernements ne décrètent la fermeture des restaurants dans les pays développés, les réservations avaient chuté à un niveau proche de zéro. À cet égard, même si les gouvernements des pays émergents permettent à leurs économies de redémarrer, les particuliers et les entreprises continueront probablement à faire preuve d’une grande prudence. Par exemple, bien que les règles en Inde aient été assouplies, les mesures réelles de mobilité demeurent à un faible niveau.
- Même s’ils n’ont pas la capacité de mettre en place d’importantes mesures de relance ou des solutions globales en matière de soins de santé, les pays émergents ne sont pas dépourvus d’options au moment de la réouverture. Cela ne coûte pas cher de garder une distance de deux mètres avec les autres personnes. De plus, les masques sont de plus en plus accessibles et ils sont apparemment efficaces. Le Kenya a désormais rendu obligatoire le port du masque en public et toute infraction est passible d’une peine d’emprisonnement.
- Les pays en développement les plus pauvres disposent d’énormes avantages naturels du fait de la jeunesse relative de leur population et de leur faible niveau d’obésité, qui sont parmi les principaux prédicteurs de décès liés à la COVID-19. Certains affirment également que la vaccination contre la tuberculose, qui est très répandue dans les pays en développement, pourrait conférer une certaine immunité croisée contre la COVID-19. Enfin, plusieurs chercheurs suggèrent que les températures plus chaudes pourraient limiter la propagation du virus, ce qui représente un point positif pour les nombreux pays pauvres tropicaux et subtropicaux.
- Pour de nombreux pays africains, la COVID-19 demeure un problème moins important que le paludisme. Un quart de million de personnes sont mortes du paludisme depuis le début de 2020, principalement en Afrique, soit bien plus que le nombre de décès causés par la COVID-19 sur ce continent. Il est difficile de faire des parallèles. Mais dans la mesure où ces pays ont trouvé un moyen de continuer à fonctionner alors qu’ils sont frappés par le paludisme, ils pourraient réussir à faire de même avec la COVID-19.
- Certains pays émergents se prévalent effectivement d’un succès spectaculaire dans le contrôle de la COVID-19, notamment le Vietnam. Et la Chine, bien sûr, a réussi à éradiquer en grande partie le virus sur son territoire. Les pays émergents sont loin d’être tous aux prises avec des difficultés et de faire face à une explosion de nouveaux cas.
- L’expansion du virus ne laisse pas nécessairement présager une catastrophe économique. Dans la mesure où la majeure partie des dommages économiques proviennent des ordres des gouvernements de rester à la maison et de fermer les entreprises, la propagation du virus pourrait même être associée à une relance de l’économie. Les deux sont en effet liées à l’assouplissement des restrictions. Bien entendu, ces pays pourraient devoir prendre de nouvelles mesures de confinement si le virus pose encore un problème. Mais le seuil serait vraisemblablement assez élevé.
Divergences entre États américains
Les États américains ont adopté différentes approches pour endiguer la COVID-19 et connaissent donc des situations et des résultats variés. Fait inquiétant, une part assez importante des États présente actuellement un taux de transmission supérieur à un (voir le graphique suivant).
Taux de transmission, États américains
Nota : Données en date du 7 juin 2020. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour. Dans les États situés en dessous de la ligne pointillée signalant un taux de un, le nombre quotidien de nouveaux cas est en baisse. Comprend D.C. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond, RBC GMA
En fait, 22 États affichent maintenant une augmentation du nombre de cas (voir le graphique suivant), dont la Floride, le Texas, la Caroline du Nord et la Caroline du Sud. La Californie semble aussi sur le point de basculer. Étant donné le grand nombre d’États, il n’est pas surprenant que certains d’entre eux passent en territoire positif de manière aléatoire et temporaire. Par contre, on ne s’attendait pas à ce qu’ils soient si nombreux à suivre une trajectoire résolument haussière. À l’inverse, l’Illinois, le Massachusetts, New York, le New Jersey et l’Ohio figurent parmi les grands États où la situation s’est nettement améliorée.
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de 1
Nota : Données en date du 7 juin 2020. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour. Un taux de transmission supérieur à un signale une augmentation du nombre quotidien de nouveaux cas. Comprend D.C. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond, RBC GMA
Au cours des dernières semaines, nous avons eu tendance à considérer la Géorgie comme le canari dans la mine de charbon. Comme il souhaitait rouvrir son économie rapidement, cet État était plus à risque de subir une hausse du taux d’infection. Or, cette théorie vient d’être démentie. Les dernières données sur la mobilité en Géorgie ont été fortement revues à la baisse. L’État qui se montrait parmi les plus déterminés à rouvrir leur économie a finalement modéré son enthousiasme. Cela pourrait expliquer pourquoi la Géorgie n’a pas connu de pic d’infections au cours du mois dernier.
Il est intéressant de noter que l’épidémie de COVID-19 semble être marquée par le clivage politique entre républicains et démocrates. Au départ, ce sont les États côtiers démocrates qui ont été frappés de plein fouet, sans doute parce qu’ils comptent plusieurs grandes villes très peuplées et accueillent de nombreux voyageurs internationaux. Plus récemment, cependant, la tendance a commencé à s’inverser (à quelques exceptions près). Ces États ont affiché une baisse du nombre de cas après avoir pris des mesures de confinement particulièrement strictes.
De leur côté, les États républicains moins touchés au départ ont mis en œuvre des politiques plus souples et se sont montrés plus pressés de redémarrer leur économie. Du coup, ils semblent maintenant pâtir d’une augmentation du nombre de cas. Certes, il existe des exceptions notables des deux côtés, la Californie étant la plus remarquable. En outre, les manifestations contre le racisme qui secouent les grandes villes pourraient de nouveau inverser la tendance, en raison de la proximité des personnes qui y participent.
En ce qui concerne les pays émergents et une minorité non négligeable d’États américains, la principale question n’est plus de savoir quand le virus reviendra en force, mais plutôt ce que feront ces pays et États maintenant que cela se produit. Les chiffres sur la maladie ne sont guère encourageants. Ils tendent vers une croissance exponentielle assez rapidement.
Les habitants de ces endroits adapteront peut-être leur comportement, si bien que les gouvernements n’auront pas à durcir leurs règles.
Toutefois, si cela ne suffit pas, les autorités seront-elles prêtes à imposer de nouveau des quarantaines ? La classe politique sera extrêmement réticente à reconnaître ses erreurs, en particulier si elles ont nui à l’économie. Aux États-Unis, la politisation de la pandémie est telle qu’elle constitue une contrainte additionnelle dont la classe politique doit tenir compte si elle veut faire marche arrière. On pourrait être tenté de laisser le virus se propager, d’autant plus que les capacités de soins de santé se sont accrues depuis le mois de mars.
Autre facteur d’incertitude : comment devrait-on considérer les pays ou États en difficulté ? Est-ce qu’ils présentent le meilleur potentiel de croissance économique, puisque la plupart des mesures de confinement y ont été levées ? Ou bien affichent-ils les pires perspectives économiques, puisqu’ils seront peut-être obligés de revenir au confinement ?
Risques pour la reprise économique
Nous nous sommes efforcés d’élaborer une méthodologie en vue de déterminer quels États ou territoires sont les plus susceptibles d’imposer de nouvelles mesures de confinement. Voici quelques variables pertinentes :
- Le taux de transmission : si le virus prend de l’expansion active ou recule
- Le nombre quotidien de nouveaux cas par habitant : la propagation du virus au sein d’un territoire
- Le degré de distanciation sociale : les efforts déployés par les autorités pour maîtriser l’épidémie
- Le déclin de la distanciation sociale depuis le pic des efforts : dans quelle mesure les pays sont revenus à la normale
En utilisant une carte de pointage, nous avons combiné ces données pour repérer les pays les plus à risque (voir le graphique suivant). Cette analyse ne vise pas les États américains pour le moment.
Probabilité que la propagation continue en fonction de la rigueur du confinement et des taux de transmission actuels de la COVID-19
Nota : Données en date du 29 mai 2020. Les facteurs de probabilité liés à la rigueur du confinement et au nombre de restrictions assouplies, les taux de transmission et la prévalence de la COVID-19 ajustée à la population ont été indexés sur le niveau maximum des pays présentés. Sources : Google, Université d’Oxford, Apple, CEPCM, ONU, Macrobond, RBC GMA
Certains résultats sont surprenants. La France et la Corée du Sud font partie des pays les plus à risque. Toutefois, cela s’explique en grande partie par des rebonds modérés de l’épidémie qui, à notre avis, seront de courte durée. Il est aussi étonnant que l’Inde se classe au dernier rang. En fait, malgré la croissance du nombre de cas, celui-ci est faible par rapport à la population et les mesures de quarantaine y demeurent plus strictes que dans la plupart des autres pays.
D’autres pays se conforment aux attentes. La Suède et les États-Unis figurent dans le peloton de tête, tandis que le Japon présente un risque assez faible. Le Canada et le Royaume-Uni se situent à peu près au milieu.
Évolution de la conjoncture économique
Les dernières données économiques révèlent toute une série de choses intéressantes.
Données non traditionnelles
La plupart de nos mesures en temps réel continuent de signaler une reprise de l’économie, bien que les heures travaillées par les employés à salaire horaire aux États-Unis montrent que le rythme de cette reprise a probablement ralenti. En effet, les données relatives aux heures travaillées n’ont guère progressé par rapport à la semaine précédente (voir le graphique suivant).
Évolution en pourcentage du nombre d’heures de travail des employés à salaire horaire aux États-Unis
Nota : Données au 6 juin 2020. Les répercussions reposent sur une comparaison du nombre d’heures travaillées en une journée par rapport à la médiane du jour de la semaine correspondant en janvier 2020. Sources : Homebase, Macrobond, RBC GMA
Autre indicateur non traditionnel, le taux d’occupation des hôtels a rebondi aux États-Unis, passant d’un creux de 21 % à 32 %. Le plus étonnant n’est peut-être pas ce redressement prometteur, mais plutôt le fait que le taux d’occupation n’est jamais tombé en deçà de 21 % malgré l’effondrement des voyages d’affaires et du tourisme.
Au Canada, un reportage fascinant sur le secteur des prêts sur gage et des prêts sur salaire corrobore les données préliminaires selon lesquelles les ménages à faible revenu ont souvent gagné plus d’argent grâce aux généreux transferts gouvernementaux. Les prêteurs sur gage ont indiqué que la quantité de biens mis en gage a considérablement diminué, que beaucoup gens ont racheté leurs biens et qu’une grande partie des produits restants ont été vendus à des personnes ayant des fonds disponibles.
De même, l’activité du secteur des prêts sur salaire au Canada a chuté de 84 % au cours des premières semaines de la crise. Ce déclin s’explique probablement en grande partie par le fait que moins de personnes pouvaient mettre leur salaire en garantie et que les occasions de dépenses avaient diminué. Cependant, on peut aussi penser que l’aide du gouvernement a permis d’accroître les revenus des ménages.
Pour combler l’écart entre données non traditionnelles et traditionnelles sur l’économie, le Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) est mis à jour toutes les deux semaines. Il mesure l’ampleur de la reprise au sein des petites entreprises canadiennes au cours des dernières semaines. L’indice est déjà à environ deux tiers du retour à la normale (voir le graphique suivant).
La confiance des entreprises canadiennes a chuté, avant de se redresser avec vigueur
Nota : Indice de la FCEI en mai 2020 ; PIB au premier trimestre de 2020. Sources : FCEI, Statistique Canada, Haver Analytics, RBC GMA
Données sur l’emploi
Les données sur l’emploi aux États-Unis pour le mois de mai ont constitué une très bonne surprise, puisque 2,2 millions d’emplois ont été créés. Elles ont déjoué les prévisions moyennes tablant sur 8 millions d’emplois additionnels supprimés. Une telle surprise positive de 10 millions d’emplois est plutôt rare lorsque les prévisions visent la prochaine décennie, et encore plus le prochain mois.
Certes, le retour à la création d’emplois ne signifie pas que les licenciements ont cessé. Au contraire, l’économie subit une deuxième ronde de dommages. Pas moins de 7,7 millions de chômeurs ont retrouvé un emploi et 5,4 millions de personnes qui n’étaient même pas sur le marché du travail officiel ont également été embauchées. Par contre, 9,3 millions de personnes ont perdu leur emploi. Ces chiffres ne correspondent pas tout à fait au relevé total officiel de l’emploi, car ils proviennent de l’enquête auprès des ménages, qui estime que 3,8 millions d’emplois ont été créés en mai.
Le taux de chômage officiel est passé de 14,7 % à 13,3 %, mais selon le bureau de la statistique, il aurait en fait diminué de manière plus importante, soit de 19,7 % à 16,3 %. Rappelons que 21 millions de postes ont été supprimés en mars et avril. Il faudra créer beaucoup plus d’emplois avant que le taux de chômage revienne à la normale.
La reprise des embauches est tout à fait logique, étant donné que la production économique a considérablement augmenté en mai ; il serait impossible de produire plus sans ajout de main-d’œuvre. Cette amélioration était néanmoins inattendue et reste quelque mystérieuse. En effet, au cours de la période de référence, les demandes continues d’assurance-emploi ont encore augmenté, de sorte que 13 millions de personnes supplémentaires ont touché des prestations de chômage. Ces résultats sont difficiles à rapprocher. Ce n’est que par la suite que les demandes continues d’assurance-emploi ont commencé à régresser (voir le graphique suivant).
Le chômage faisant l’objet de prestations a légèrement augmenté aux États-Unis au cours de la dernière semaine
Nota : Données pour la semaine se terminant le 23 mai 2020. Sources : département du Travail, Haver Analytics, RBC GMA
Au Canada aussi, les chiffres sur l’emploi se sont révélés étonnamment bons en mai, faisant état d’un bond de 290 000. La quasi-totalité des gains a été enregistrée au Québec, où la baisse avait été particulièrement forte auparavant. Toutefois, contrairement aux États-Unis, le taux de chômage a quand même augmenté, de 0,7 pp à 13,7 %. Cette hausse s’explique par le fait que le nombre de personnes qui sont revenues sur le marché du travail (à la recherche d’un emploi) a été supérieur au nombre de celles qui ont été embauchées.
Données traditionnelles montrant l’ampleur du déclin économique
En attendant de nouvelles données sur l’importance de la reprise économique en mai, nous pouvons analyser divers graphiques qui donnent une idée de l’ampleur de la contraction. Le premier graphique illustre la chute des ventes au détail et de la production industrielle aux États-Unis ; le second présente la baisse des dépenses de consommation en parallèle avec la hausse remarquable des revenus des ménages.
La COVID-19 a dévasté l’économie américaine
Nota : Données en avril 2020. Sources : U.S. Census Bureau, Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
Les dépenses de consommation aux États-Unis ont fortement diminué malgré l’aide du gouvernement
Nota : Données en avril 2020. Les zones ombrées représentent des récessions. Sources : BEA, Macrobond, RBC GMA
La dernière décision de la Banque du Canada – et la première prise sous la direction du gouverneur Macklem – s’est avérée largement conforme aux attentes : aucun changement notable n’a été apporté à la politique monétaire. Étant donné que l’économie reprend peu à peu de la vigueur et que les marchés financiers demeurent raisonnablement calmes, il s’agit d’une position prudente.
Enfin, la production industrielle de l’Allemagne a chuté de 25 % sur un an en avril, ce qui montre bien que les dommages économiques initiaux seront probablement plus importants dans la zone euro qu’aux États-Unis.
Perspectives du PIB à moyen terme
Il existe de nombreuses façons d’établir des prévisions pour le PIB. Au départ, nous avons mis l’accent sur les effets à court terme de la COVID-19, de sorte que nous nous sommes naturellement tournés vers les méthodes fondées sur les dépenses (consommation, investissements, etc.) et les secteurs.
Par contre, pour formuler nos perspectives à moyen terme, c’est-à-dire la période de 2022 à 2025, au lieu de nous limiter à l’horizon 2020-2021, il nous semble plus judicieux de prendre en compte une autre variable : la quantité de travail et la productivité des travailleurs doivent également se refléter dans le PIB.
Population
La première de ces variables est simplifiable en croissance de la population. La COVID-19 pourrait, dans le pire des cas, faire disparaître 0,4 % de la population mondiale et réduire légèrement le taux de fécondité pendant une brève période. L’effet réel sur les heures travaillées devrait même être moindre, puisque la pandémie touche de façon disproportionnée les retraités. Au total, il est peu probable qu’elle entraîne à moyen terme une diminution sensiblement supérieure à 0,5 % des heures potentielles travaillées. De plus, il s’agit d’un effet ponctuel : la population décroît une seule fois dans cette proportion, plutôt que de connaître un ralentissement de croissance annuelle équivalent.
Sans contredit, à l’échelle nationale, l’immigration joue également un rôle important. À court terme, la baisse de l’immigration entraîne une nouvelle réduction de la taille de la population nationale, qui atteindrait 1 % dans les pays tributaires de l’immigration, comme le Canada, et serait moindre ailleurs. Nous ne supposons pas que la croissance de l’immigration sera sensiblement réduite à moyen ou à long terme, ce qui reste cependant à vérifier dans des endroits comme les États-Unis qui pourraient être encore plus enclins à l’isolationnisme.
Productivité
Si la récente reconfiguration mondiale offre sans aucun doute de nouvelles possibilités d’innovation et de profit, l’effet dominant sera probablement une réduction de la croissance de la productivité. L’analyse de diverses chaînes peut s’avérer pertinente.
En économie, le terme « hystérésis » désigne la destruction économique permanente ou quasi permanente qui résulte parfois d’une récession ou d’une crise. Dans la situation actuelle, il semble raisonnable d’imaginer que certains emplois et secteurs ne reprendront pas de sitôt. Une part importante des avions de passagers du monde, par exemple, restera probablement inutilisée pendant un certain temps. Cependant, nous constatons qu’il était généralement supposé que la crise financière mondiale serait suivie d’une profonde hystérésis. Pourtant, l’activité économique a finalement repris dans son ensemble, et les taux de chômage ont atteint de nouveaux creux en cette ère moderne.
De façon plus générale, la croissance de la productivité est habituellement réduite durant plusieurs années après un choc majeur, en raison de facteurs tels que l’excès de stock de capital, la diminution de la richesse et l’aversion élevée pour le risque.
Dans le contexte actuel, la distanciation sociale risque de défavoriser la collaboration. Le recul de la mondialisation présente aussi une difficulté. D’ailleurs, il suffirait que la productivité de l’employé moyen maintenant en télétravail connaisse une baisse presque imperceptible de 5 % pour que le gain de productivité enregistré dans le monde sur un an soit effacé (bien que certaines recherches montrent que les employés en télétravail sont, en moyenne, plus productifs).
Rappelons également qu’il faudra assumer l’augmentation du service de la dette publique, soit peut-être de l’ordre de 0,3 % du PIB. La croissance du PIB ne sera pas nécessairement amputée pour autant de 0,3 %, car les prêteurs peuvent faire circuler les fonds touchés dans l’économie. Néanmoins, comme l’ont conclu Reinhart et Rogoff dans l’étude qu’ils ont menée il y a plus de dix ans, la hausse du niveau d’endettement semble être associée à un ralentissement de la croissance de la productivité.
Tout compte fait, il est encore tôt pour estimer l’ampleur de la baisse potentielle de croissance de la productivité à moyen terme attribuable à la COVID-19. Pendant près d’une décennie après la crise financière mondiale, la croissance de la productivité a été amputée de près d’un point de pourcentage. Nous espérons que les dommages que la crise actuelle laisse dans son sillage ne seront pas aussi importants cette fois-ci, dans la mesure où elle pourrait s’avérer de courte durée. Nous supposons provisoirement que la croissance annuelle serait amputée d’environ 0,5 % de 2022 à 2025, ce qui est compatible avec un taux de croissance potentiel éventuellement en deçà de 2,0 % aux États-Unis.
Accroissement de l’épargne
Il est mathématiquement évident que le recul brutal des dépenses des ménages et l’augmentation de leurs revenus (grâce aux mesures de relance gouvernementales) doivent se traduire par un accroissement du taux d’épargne des particuliers. C’est un phénomène étonnamment courant en période de récession, même quand le gouvernement ne prend pas de mesures de relance aussi généreuses. L’instinct qui pousse à réduire les dépenses est très fort en période de récession en raison de l’augmentation de l’aversion pour le risque.
Avant l’éclosion de la COVID-19, le taux d’épargne des particuliers aux États-Unis, qui était déjà exceptionnellement élevé, s’élevait à près de 8 %. Pour mettre les choses en contexte, ce taux n’était que de 2 % en 2005. La progression au cours des 15 années qui ont suivi est attribuable à divers facteurs, notamment :
- la moins grande accessibilité du crédit ;
- la fin connexe du boom immobilier ;
- le vieillissement de la population qui se trouve maintenant dans la tranche d’âges dont les taux d’épargne sont les plus élevés.
Mais la hausse du taux d’épargne depuis février est tout à fait inédite. La publication des données de mars, qui indiquent que le taux d’épargne est passé à 13 %, nous en a donné un premier aperçu. Ce taux a ensuite anéanti toute comparaison avec les précédents récents, en progressant de nouveau pour atteindre 33 % en avril (voir le graphique suivant), ce qui est presque aussi élevé qu’en Chine.
Le taux d’épargne des particuliers aux États-Unis atteint un sommet record durant la pandémie de COVID-19
Nota : Données en avril 2020. Les zones ombrées représentent des récessions. Sources : BEA, Macrobond, RBC GMA
Reconnaissons qu’une bonne partie de cette envolée du taux d’épargne est probablement involontaire : il est actuellement difficile de partir en vacances, et les gens hésitent encore à magasiner. Le taux d’épargne repartira manifestement à la baisse lorsque l’aversion pour le risque diminuera et que les mesures de relance gouvernementales commenceront à s’estomper au cours de l’été. Il ne serait cependant pas surprenant qu’il reste supérieur à la normale antérieure pendant encore quelques années.
En passant, si vous vous demandez auprès de qui les États et les entreprises empruntent au cours de cette crise, la réponse semble être les ménages.
Ajoutons que la hausse du taux d’épargne donne non seulement à penser que les gouvernements ont probablement dépassé un peu la mesure quant à l’ampleur des mesures de relance, mais aussi que le multiplicateur budgétaire est probablement légèrement inférieur à ce que l’on avait imaginé au départ, puisque les fonds supplémentaires ne sont pas entièrement dépensés.
Manifestations contre le racisme
Pour la première fois depuis l’éclosion de la COVID-19, un autre sujet que l’épidémie virale fait les manchettes : la mort de George Floyd aux mains de la police de Minneapolis, et les vastes manifestations contre le racisme qui en ont résulté.
Il est concevable que ces événements aient quatre conséquences :
- La plus notable sur le plan social est la perspective de la diminution du racisme et de l’amélioration de la conduite des services de police. Compte tenu du nombre de manifestations, de l’expression de personnalités en vue et du manque exceptionnel de distractions alors que le monde est encore en grande partie confiné, cette perspective est tout à fait possible. N’oublions pas, toutefois, qu’il y a eu des points d’inflexion potentiels dans le passé – notamment le passage à tabac de Rodney King ainsi que le procès et les émeutes auxquels il a donné lieu – qui ont finalement échoué à changer fondamentalement la société. D’une certaine manière, il semble y avoir une meilleure perspective cette fois-ci, quoiqu’elle soit loin d’être certaine.
- Pour revenir aux conséquences terre à terre de nature économique, nous ne pensons pas que les dommages causés aux infrastructures lors des manifestations aient été suffisants pour avoir un effet tangible sur la croissance économique au-delà de la sphère municipale.
- Le grand nombre de personnes qui manifestent à proximité les unes des autres sans le port généralisé du masque laisse croire que certaines régions des États-Unis pourraient connaître une augmentation des infections à la COVID-19 au cours des deux prochaines semaines.
- Il pourrait y avoir des conséquences pour les élections cet automne. En général, dans la mesure où elles sont le reflet d’une prise de conscience généralisée, les manifestations peuvent faire pencher les électeurs un peu plus à gauche, ce qui favoriserait Joe Biden plutôt que Donald Trump. Cependant, cette idée est loin de faire l’unanimité : les manifestations pourraient simplement dynamiser la clientèle respective de chaque parti, tout comme la mise en accusation de M. Trump n’a pas réussi à faire sensiblement pencher la balance politique en faveur des démocrates. Autre conséquence sur le plan politique, on s’attend de plus en plus à ce que le candidat démocrate, Joe Biden, choisisse un colistier noir. Dans l’ensemble, les marchés des paris sont de plus en plus d’avis que M. Biden a de meilleures chances que M. Trump de prendre la Maison-Blanche, quoique les jeux ne soient pas encore faits.
Les erreurs des autorités
En général, nous avons félicité les autorités pour leur bon travail : leurs mesures de soutien à l’économie ont été vigoureuses, rapides et assez bien ciblées. D’importantes leçons ont été clairement tirées de la crise financière.
Cependant, l’élaboration des politiques est loin d’être parfaite. Plusieurs points nous mécontentent.
Préparation : Certains pays, comme le Canada, se sont empressés de faire savoir, non sans vantardise, que leur expérience du SRAS les avait particulièrement bien préparés à de futures pandémies. Le Canada a sans doute bénéficié d’un avantage par rapport à d’autres pays, mais en fin de compte, son expérience s’est avérée assez semblable à celle d’autres pays, théoriquement moins préparés.
Masques : Certains affirment qu’on n’a pas assez insisté sur l’importance du port du masque, qui constitue en quelque sorte un cheval de bataille personnel. En fait, le port du masque a été activement découragé dans certains pays. On peut certainement comprendre qu’il y ait eu initialement une pénurie de masques et la demande des travailleurs de la santé était plus pressante, mais il a fallu attendre la semaine dernière pour que l’Organisation mondiale de la Santé commence à recommander les masques. Pourtant, les pays qui ont le mieux réussi à contrôler la COVID-19 ont été, dans une mesure disproportionnée, ceux qui ont exigé le port du masque.
Frontières internationales : Si les frontières internationales avaient été fermées avec plus d’empressement, de nombreux pays auraient pu éviter une importante épidémie de COVID-19. Malheureusement, la crainte d’offenser d’autres pays a ralenti le processus, de telle sorte que le virus a eu le temps de se répandre un peu partout.
Mise en quarantaine tardive : Dès qu’il est devenu clair que la Chine devait lutter assez durement pour endiguer le virus et que celui-ci commençait à se propager dans le monde, d’autres pays auraient dû mettre en place une quarantaine obligatoire. Cependant, on a hésité à nuire aux économies jusqu’à ce qu’il ne fasse aucun doute que le virus était un problème national. À ce stade, il était trop tard.
Stimulation excessive : Cette affirmation est provocante, car bon nombre de ménages et d’entreprises peinent à s’en sortir, malgré toutes les mesures de relance mises en place. On peut toutefois affirmer que certains d’entre eux ont eu droit à une stimulation excessive, étant donné que les revenus des ménages américains ont atteint un sommet en avril et qu’environ un tiers de tous les revenus est maintenant épargné. Il reste encore à savoir s’il était vraiment possible de bien distinguer, en temps réel, ceux qui avaient besoin d’aide de ceux qui n’en avaient pas besoin. En outre, les gouvernements ont pu être réticents à l’idée de verser plus d’argent à une personne ayant perdu un emploi bien rémunéré qu’à une personne ayant perdu un emploi moins bien rémunéré.
Stimulation mal ciblée : Il aurait peut-être été préférable que l’aide aux ménages passe principalement par des subventions salariales plutôt que par des prestations de chômage. La première option aurait maintenu un lien entre le travailleur et l’entreprise, tandis que la deuxième endommage ce lien et rend plus difficile la relance de l’économie.
Réouverture précoce : Comme nous l’avons vu précédemment, un certain nombre d’États américains semblent avoir relancé leur économie prématurément. Cela pourrait s’avérer un problème grave qui entraînera d’autres décès et des dommages économiques supplémentaires.
Démocratie : Alors que les gouvernements se sont empressés de mettre en œuvre des mesures d’urgence de relance et de santé, les partis d’opposition et le processus législatif habituel ont parfois été relégués à l’arrière-plan. Dans une certaine mesure, on pourrait défendre cette situation, compte tenu des circonstances exceptionnelles. Néanmoins, dans certains cas, elle est allée trop loin et a créé un dangereux précédent.
Resserrement de la réglementation : Au Canada, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a considérablement resserré ses critères d’admissibilité à l’assurance hypothécaire. Cette décision est tout à fait légitime pour protéger le bilan de la société d’État et, par extension, l’argent du contribuable, étant donné la possibilité d’un ralentissement marqué du secteur du logement au Canada dans les prochaines années. En outre, dans la mesure où les prix des logements canadiens restent élevés, elle peut également être souhaitable sur le plan structurel. Cependant, la SCHL étant un moyen d’action du gouvernement, le moment n’est pas propice à l’imposition de mesures néfastes à un secteur de l’économie en mauvaise posture.
Fermeture des espaces publics : La fermeture des parcs et des espaces publics a probablement été une erreur. En effet, les personnes en quête d’air frais et d’exercice se sont retrouvées sur des trottoirs étroits. La demande accumulée qui en a découlé a mené plus tard à des encombrements. L’Allemagne semble avoir mieux fait à ce chapitre, grâce à des agents qui ont veillé au respect de distances sociales suffisantes dans les parcs au lieu d’empêcher les gens d’y entrer.
Suède : La Suède a opté pour une stratégie très différente de celle de la plupart des autres pays, en imposant des exigences minimales en matière de distanciation sociale. Cependant, le pays souffre aujourd’hui d’un taux d’infection parmi les plus élevés au monde et son médecin en chef a maintenant exprimé son regret d’avoir misé sur cette stratégie.
Soyons clairs : les gouvernements et leurs agents méritent surtout d’être félicités pour la force, la rapidité et la précision de leurs efforts. La situation aurait pu être bien pire. Mais il n’en reste pas moins qu’elle est loin d’être parfaite.
– Avec la contribution de Vivien Lee et Graeme Saunders.
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