Aperçu
La dernière semaine a donné lieu à des événements macroéconomiques neutres ou en légère amélioration.
Principaux points positifs :
- Le nombre de nouvelles infections à la COVID-19 semble diminuer dans de nombreuses parties du monde.
- Le rythme de la vaccination continue de s’accélérer.
- Aux États-Unis, le nouveau gouvernement devrait apporter une meilleure stabilité politique et accroîtra probablement la relance budgétaire.
- Les données sur l’économie chinoise sont très robustes.
À l’inverse, voici certains points négatifs :
- Le nouveau variant du virus continue de se propager et pourrait être plus mortel que ce qu’on croyait de prime abord.
- Le nationalisme en matière de vaccin devient de plus en plus manifeste et laisse entrevoir un rythme inégal de vaccination entre les pays développés.
- Nous abaissons actuellement nos prévisions économiques pour de nombreux pays ; elles devraient toutefois demeurer supérieures à la moyenne dans la plupart des cas.
Statistiques sur le virus
Le nombre des nouvelles infections à la COVID-19 dans le monde a sensiblement ralenti au cours des dernières semaines, ce qui représente une excellente nouvelle (voir le graphique suivant). Après plusieurs faux départs depuis l’été dernier, l’amélioration actuelle semble plus stable et plus durable.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Étant donné que cette amélioration est généralisée – elle concerne tant les pays développés qu’émergents – et qu’elle se produit dans la foulée de mesures strictes de confinement, il est possible que le nombre de nouveaux cas continue de diminuer (voir le graphique suivant).
Nombre de cas de COVID-19 dans les pays émergents et dans les pays développés
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien d’infections. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Cependant, nous ne savons toujours pas si ce déclin sera déterminant. En effet, le nouveau variant, plus contagieux, continue de se propager. Il pourrait faire remonter le nombre de cas dans des pays où il n’est pas encore apparu.
Pleins feux sur le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud et Israël
Il est toutefois très encourageant de constater que les deux pays qui, à ce jour, ont été les plus touchés par les variants plus contagieux parviennent à faire fléchir sensiblement le nombre de cas. Au Royaume-Uni, le nombre quotidien de nouveaux cas a diminué de moitié en seulement trois semaines (voir le graphique suivant). Le nombre des décès devrait faire de même, après un certain temps. Évidemment, le coût économique pour arriver à ce résultat a été considérable : les perspectives économiques du Royaume-Uni pour 2021 sont abaissées, plus que celles de tout autre pays.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Royaume-Uni
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Pour sa part, l’Afrique du Sud réussit actuellement à freiner la plus récente vague d’infections (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Afrique du Sud
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Israël retient également l’attention, non pas à cause d’un variant du virus, mais parce qu’il continue de devancer les autres dans la distribution des vaccins. Par conséquent, Israël sert de baromètre en ce qui concerne la façon dont la vaccination peut enrayer l’épidémie. Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que l’amélioration récente dans ce pays est attribuable à l’immunisation d’une plus grande partie de sa population, mais cela pourrait être un facteur (voir le graphique suivant). Ce pays méritera qu’on s’y intéresse de près au cours des prochaines semaines.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Israël
Au 21 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Amélioration en Amérique du Nord
La situation commence à s’améliorer modestement au Canada et aux États-Unis. En effet, aux États-Unis, le nombre quotidien de nouveaux cas est passé de 250 000 à 175 000 environ et il continue de diminuer (voir le graphique suivant). Ce déclin est visible partout. Dans la grande majorité des États, la tendance à la détérioration s’est inversée, presque du jour au lendemain (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de 1
Au 24 janvier 2021. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour, en tenant compte d’une moyenne mobile de sept jours. Un taux de transmission supérieur à un signale une augmentation du nombre quotidien de nouveaux cas. Comprend Washington DC. Sources : The COVID Tracking Project, Macrobond et RBC GMA
La situation du Canada ressemble à celle des États-Unis. Le rythme des infections a considérablement ralenti, de quelque 8 000 cas par jour à environ 6 000 (voir le graphique suivant). Ce recul est aussi généralisé et s’étend aux provinces les plus peuplées du pays ; l’Ontario et le Québec ont connu, tout comme la Colombie-Britannique et l’Alberta, une diminution du nombre de cas (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
Au 24 janvier 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Propagation de la COVID-19 en Ontario
Au 24 janvier 2021. Calculé selon une moyenne mobile sur sept jours du nombre quotidien et du nombre total de cas. Sources : Gouvernement du Canada, Macrobond, RBC GMA
Un mot sur l’effet saisonnier
L’hiver est bien installé dans l’hémisphère Nord, mais les premiers signes du printemps arriveront dans les régions les plus chanceuses au cours des prochaines semaines. Le réchauffement se fera sentir même là où le climat est le plus rude. Comme le temps froid et sec semble favoriser substantiellement la propagation de la COVID-19, le changement de saison pourrait contribuer à ralentir la pandémie. En fait, ce facteur pourrait s’avérer assez efficace pour contrebalancer l’incidence négative que le nouveau variant aura durant la même période.
Nouveau variant
Le virus de la COVID-19 a muté à plusieurs reprises depuis son apparition chez les humains vers la fin de 2019. La plupart de ces mutations n’ont pas modifié considérablement la nature du virus. Toutefois, au moins deux mutations distinctes observées vers la fin de 2020 au Royaume-Uni et en Afrique du Sud ont engendré des variants dont le taux de contagion est plus élevé de 56 %.
Ainsi que nous l’avons écrit dans une chronique antérieure, on peut s’attendre à ce que le variant devienne prépondérant à l’échelle mondiale, tout comme il l’est rapidement devenu au Royaume-Uni. Les épidémiologistes soutiennent que ce changement devrait prendre de trois à quatre mois. Dans ce cas, en mars, le variant serait le plus répandu dans le monde. Il a déjà été démontré qu’il est de plus en plus présent dans de nombreux pays développés, dont le Canada.
De manière inattendue, une étude récente avance maintenant que le nouveau variant aurait un taux de mortalité plus élevé d’environ 30 % comparativement à la version précédente. Cette affirmation contredit les recherches antérieures et elle pourrait subir des modifications à mesure que se poursuivent les recherches. Il s’agit néanmoins d’une mauvaise nouvelle. En général, les virus deviennent plus transmissibles avec le temps, mais moins mortels. Ce n’est pas toujours le cas cependant. On peut comparer le nombre élevé de personnes infectées dans le monde à des millions de boîtes de Petri, chacune pouvant produire des mutations aléatoires.
Une nouvelle étude a découvert que les personnes ayant déjà été infectées par la COVID-19 sont encore vulnérables au nouveau variant. Des chercheurs ont toutefois conclu que les vaccins actuels de Pfizer et de Moderna devraient offrir une protection contre les deux souches.
La nouvelle variante a de nombreuses conséquences et l’une d’elles, subtile, est que la définition d’immunité collective a changé. Jusqu’ici, le taux de transmission naturelle du virus était suffisamment bas pour qu’il faille vacciner « seulement » 60 à 70 % de la population pour stopper la propagation. Or, la nouvelle variante, plus contagieuse, pourrait en fin de compte obliger les autorités à vacciner plus de 75 % des gens pour parvenir à l’immunité. C’est beaucoup, si bien que le virus pourrait ne pas être entièrement éradiqué.
Par ailleurs, on ignore encore l’ampleur des dommages que cette nouvelle variante causera à l’économie. La principale source de difficultés sera l’obligation de limiter encore davantage l’activité économique pour freiner cette version plus transmissible du virus.
Les plus optimistes s’accrochent à un modèle économétrique à grande échelle, selon lequel la croissance mondiale pourrait ne perdre que 0,2 point de pourcentage en 2021 à cause de la nouvelle variante. En revanche, les pertes pourraient être deux fois plus importantes dans les pays développés.
À notre avis, cette estimation ne tient pas compte de toute la portée des dommages. En effet, les pays ne seront pas en mesure de rouvrir leur économie aussi largement qu’ils l’auraient pu au cours des prochains mois. Les perspectives économiques du Royaume-Uni ont d’ailleurs été abaissées de nombreux points de pourcentage, et le pays fait assurément office de cas type relativement à la nouvelle variante. Il ne faut cependant pas oublier que son économie était parmi les plus durement touchées par la COVID-19 avant même l’apparition de la nouvelle variante. Ajoutons que le pays doit aussi gérer les conséquences du Brexit. En somme, toutes les difficultés économiques du Royaume-Uni ne peuvent pas être attribuées à la nouvelle variante.
Des nouvelles de la vaccination
Qui est en tête ?
À l’échelle mondiale, Israël demeure en tête des efforts de vaccination contre la COVID-19. Plus du quart de sa population a maintenant reçu au moins une dose (voir le graphique suivant). Quant au Royaume-Uni, il accuse un retard notable par rapport à Israël, mais il devance néanmoins les principaux pays développés, puisqu’environ 7 % de sa population a été inoculée. À peu près 5 % des Américains ont été vaccinés, une proportion là aussi bien supérieure à celle de la plupart des pays. À ce titre, le Canada est loin derrière, n’étant parvenu à vacciner que 2 % de sa population. Les pays de l’Europe continentale sont dans une position similaire.
Proportion de personnes ayant reçu au moins une dose du vaccin
En date du 2021-01-24. Proportion de personnes ayant reçu au moins une dose du vaccin contre la COVID-19, en pourcentage de la population. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Heureusement, le rythme de la vaccination continue de s’accélérer dans la plupart des pays, comme en témoignent les lignes ascendantes du graphique ci-dessous. Le Canada est une exception, car il fait face à une pénurie de doses. Nous y reviendrons sous peu.
Nombre de doses de vaccin contre le coronavirus qui ont été administrées
En date du 2021-01-24. Moyenne mobile sur sept jours du nombre quotidien de doses de vaccin administrées, par million de personnes. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Goulots d’étranglement
La demande publique de vaccins dépasse largement l’offre. Par conséquent, un goulot d’étranglement freine l’approvisionnement et empêche l’inoculation d’un plus grand nombre de personnes.
Dans la deuxième moitié de décembre et les premières semaines de janvier, le principal frein à la vaccination était le rythme auquel les pays pouvaient administrer les doses. Aujourd’hui, l’aspect logistique de l’exercice étant bien rodé, le problème vient de l’offre de vaccins des manufacturiers.
L’approvisionnement demeurera sans doute la principale contrainte au cours des prochains mois. D’ici l’été, par contre, l’offre aura augmenté et probablement rejoint la demande fondamentale (qui pourrait s’estomper). Les gouvernements devront peut-être alors commencer à promouvoir la vaccination auprès des gens les plus réfractaires.
La production de vaccins demeure inférieure aux attentes initiales. C’était peut-être inévitable, sachant qu’il est rare qu’une entreprise d’une telle ampleur soit menée à bien dans le respect des budgets et des échéanciers. Tandis que seuls les fabricants des vaccins et les dirigeants politiques connaissent le calendrier d’approvisionnement, les États-Unis avaient initialement prévu atteindre les 50 millions d’inoculations d’ici la fin de janvier. Or, ils sont en voie d’administrer moins de 30 millions de doses.
L’usine belge de Pfizer est en train d’être réaménagée, ce qui a des conséquences pour l’Europe et le Canada. Même si cette opération devrait aboutir ultimement à un rythme de production plus rapide, elle a entraîné des perturbations de l’approvisionnement à court terme.
On a récemment signalé que l’Europe ne recevrait que 30 millions de doses d’AstraZeneca d’ici mars. Ce chiffre tranche avec les 80 millions de doses prévues auparavant.
Par conséquent, le taux de vaccination est inférieur aux attentes initiales. On peut considérer qu’il s’agit là, en majeure partie, de difficultés de croissance qui pourraient bien être compensées par une production plus rapide par la suite. Cependant, le marché des paris Good Judgment s’est tout de même réorienté : alors qu’à la mi-décembre, environ 60 % des répondants estimaient que les deux tiers des Américains seraient vaccinés d’ici le deuxième trimestre de 2021, ils ne sont plus que 32 % de cet avis aujourd’hui. À l’heure actuelle, 64 % des répondants s’attendent à ce que cette cible soit atteinte au troisième trimestre, entre juillet et septembre.
Nouvelles sur la mise au point des vaccins
Les résultats tant attendus de l’essai de phase III de Johnson & Johnson devraient être annoncés sous peu. Le vaccin expérimental présente de nombreuses caractéristiques potentiellement attrayantes, dont les suivantes :
- Il ne nécessitera qu’une dose plutôt que deux.
- Il n’a pas à être conservé à des températures extrêmes comme certains autres.
- Il devrait être moins cher.
- La société prévoit être en mesure de produire un milliard de doses d’ici la fin de l’année.
Les États-Unis ont précommandé 100 millions de doses. Le Canada en a commandé 38 millions.
Parmi les aspects négatifs, le géant pharmaceutique Merck a renoncé à ses deux vaccins expérimentaux après qu’ils ont généré une réponse immunitaire décevante lors d’essais de phase I. C’est dommage, car il aurait été utile d’avoir la capacité de fabrication d’une autre grande société pharmaceutique distribuant des vaccins. Cependant, aucun pays ne comptait sur ces vaccins potentiels. Ils ne faisaient pas partie de ceux commandés à l’avance par les pays, et n’ont jamais atteint les essais de phase II, sans parler de ceux de phase III.
On craint qu’un important vaccin chinois, le Sinovac, ait obtenu un taux d’efficacité de seulement 50 % lors d’essais réalisés au Brésil. Il s’agit du seuil d’efficacité minimum pour qu’un vaccin soit considéré comme viable. Toutefois, une incertitude subsiste quant à ce chiffre, puisque certains ont laissé entendre que les résultats de l’étude menée au Brésil pourraient avoir été interprétés trop sévèrement. De plus, le vaccin aurait connu un taux d’efficacité plus respectable de 78 % en Chine.
En ce qui concerne les traitements non vaccinaux :
- Les chercheurs canadiens constatent que l’utilisation de comprimés de colchicine réduit les hospitalisations liées à la COVID-19 d’un quart, la nécessité de recourir à des ventilateurs de moitié et la probabilité de décès de 44 %, ce qui est considérable.
- Le médicament à base d’anticorps d’Eli Lilly aurait réduit le risque de contracter la COVID-19 d’environ 57 %, et de 80 % chez les résidents de centres d’hébergement de soins.
- Ces résultats constitueront de grands pas en avant s’ils peuvent être reproduits avec succès. Et ces traitements, en fonction de leur capacité évolutive, pourraient compenser de manière importante des évolutions pernicieuses comme la nouvelle souche virale plus contagieuse.
Nouvelles sur l’adoption des vaccins
Comme nous l’avions prédit depuis longtemps, les entreprises et les gouvernements ne laissent pas la vaccination au hasard. Bien que la demande soit actuellement largement suffisante, il n’en sera pas toujours ainsi. En outre, il est très important que certains groupes soient vaccinés tôt. Il s’agit notamment de ceux qui se trouvent dans des situations où le risque de transmission est élevé.
Au moins trois entreprises ont déclaré qu’elles paieraient leurs travailleurs pour qu’ils se fassent vacciner – ou du moins comme s’ils travaillaient pendant qu’ils se font vacciner. Par ailleurs, le gouvernement de Hong Kong paie les gens pour qu’ils reçoivent le vaccin, et une collectivité dans le nord du Canada encourage les gens à se faire vacciner en offrant des prix lors de tirages au sort. Il y aura sans doute beaucoup plus d’initiatives de ce genre au cours de la prochaine année.
Stratégie de vaccination
Les premiers rapports d’Israël révèlent que les vaccins fonctionnent, produisant des taux d’anticorps élevés et une baisse de 60 % des infections chez les personnes âgées de 60 ans et plus qui ont reçu un vaccin. Des données plus détaillées seront vraisemblablement fournies au fil du temps. On s’attendrait idéalement à une baisse de 95 % des infections si le taux d’efficacité réel du vaccin de Pfizer est aussi élevé que ce qui a été signalé lors des essais de phase III. On ne sait pas si le déclin de 60 % comprend les personnes qui n’ont été vaccinées qu’une fois plutôt que deux.
Au début, les gros titres faisaient état d’un nombre étonnamment élevé d’Israéliens vaccinés déclarés positifs à la COVID-19. Par contre, il semble que la grande majorité d’entre eux étaient déjà infectés avant d’avoir reçu le vaccin.
Le fait que certains pays ont apparemment étiré leur approvisionnement en vaccins de manière non conventionnelle a été sous-déclaré. Selon les directives de Pfizer, les fioles contiennent cinq doses, mais de nombreux pays ont décidé d’en extraire six, essentiellement parce qu’un surplus de substance était auparavant gaspillé.
Ainsi, cette décision ne signifie pas qu’on administre une quantité moindre de liquide vaccinal. Il faut toutefois des aiguilles spéciales pour extraire les gouttes restantes, et on s’attend à ce qu’elles viennent à manquer – un nouveau problème.
Dans la lutte pour protéger le plus grand nombre possible de personnes, les stratégies varient d’un pays à l’autre. L’approche classique consiste à inoculer une personne et à lui réserver une deuxième dose pour le rappel plusieurs semaines plus tard.
Cependant, certains pays ont choisi d’utiliser toutes les doses disponibles dès leur arrivée, en espérant que des livraisons supplémentaires seraient effectuées à temps pour la deuxième inoculation. Cette façon de faire comporte des risques, compte tenu des récents soubresauts de l’offre, bien qu’en théorie, il s’agisse d’une bonne stratégie, puisque l’approvisionnement devrait augmenter au fil du temps.
D’autres pays choisissent d’administrer une seule dose au plus de personnes possible, retardant la seconde inoculation jusqu’à plusieurs fois le délai recommandé par les fabricants de vaccins. S’agit-il d’une stratégie efficace ? La réponse est étonnamment floue. Elle se résume essentiellement à deux choses :
- Quelle protection perd-on lorsque la deuxième dose est retardée ? Le taux d’efficacité de 95 % tombe-t-il simplement à 94 % ? Ou jusqu’à 60 % ? On ne le sait pas.
- Pour que la stratégie axée sur la première dose fonctionne, il faut que celle-ci offre une protection d’au moins 47,5 % (la moitié de 95 %). D’après ce que dit Pfizer, le taux d’efficacité de la première dose est de 50 % après deux semaines, puis de 89 % après trois semaines. Par conséquent, la deuxième dose ne fait qu’en principe augmenter la protection de 89 % à 95 %. Néanmoins, jusqu’à présent, des études israéliennes ont révélé que l’efficacité de la première dose se situe entre 33 % et 60 % seulement. Ces résultats pourraient changer avec le temps et à mesure que d’autres études seront menées.
En théorie, la stratégie axée sur la première dose peut être sensée si une seule dose procure une protection réelle de 89 %. Toutefois, dans la pratique à ce jour, il n’est pas certain qu’elle soit logique, même après avoir écarté la possibilité d’une diminution de l’efficacité par suite de l’administration tardive de la deuxième dose.
Nationalisme vaccinal
Le rythme de distribution des vaccins varie encore beaucoup parmi les pays développés. Est-ce juste ? On ne peut pas vraiment parler d’équité ici, car de nombreux pays en développement n’ont pratiquement pas accès aux vaccins. Quels facteurs sont pris en compte dans la distribution ? Ce n’est pas clair. S’agit-il des pays ayant la plus grande population, des pays ayant commandé le plus de doses, des pays ayant commandé en premier ou même des pays abritant les installations où les vaccins sont fabriqués ?
Certaines de ces variables fournissent assurément une explication. Par exemple, la distribution semble être fortement influencée par la population et le nombre de doses commandées, et dans une moindre mesure, par le lieu de fabrication. Cependant, Israël a reçu dix fois plus de vaccins par habitant que la moyenne des pays développés, et trois fois plus que le pays qui arrive au deuxième rang en termes de vaccination, et ce, sans abriter d’installations de fabrication.
Des échos sur les considérations entrées en ligne de compte quand la France a distribué son vaccin contre la grippe H1N1 à la fin des années 2000 laissent entrevoir un potentiel de calcul politique.
Le réoutillage de l’usine belge qui produit le vaccin de Pfizer pour l’Europe et le Canada a entraîné une interruption de trois semaines de l’approvisionnement du Canada, comparativement à seulement une semaine pour les pays européens. Et, comme nous l’avons mentionné plus tôt, AstraZeneca a fortement réduit son approvisionnement prévu en Europe sans qu’aucune diminution similaire ne soit signalée ailleurs.
Tout cela pour dire que nous ne croyons plus que les pays développés atteindront l’immunité collective presque simultanément. Il y aura probablement des écarts de plusieurs mois. Les États-Unis et le Royaume-Uni seront sans doute les premiers, suivis quelque temps plus tard par la zone euro, le Canada et le Japon.
Étonnamment, et même si le Canada semble être à la traîne d’autres pays, le gouvernement fédéral vient de mettre à jour ses objectifs de vaccination. Il aspire à vacciner seulement trois millions de personnes d’ici mars, puis 23 millions d’ici juin, et enfin, l’ensemble des Canadiens d’ici la fin de septembre. Cette première cible semble peu élevée par rapport aux progrès déjà réalisés dans d’autres pays. En revanche, l’objectif de 23 millions semble audacieux, dans la mesure où cela représente 60 % de la population, à un moment où les marchés des paris pensent que les États-Unis devront attendre jusqu’au troisième trimestre pour atteindre ce seuil approximatif.
En fait, le gouvernement a rehaussé ses attentes au cours des dernières semaines, les prévisions étant auparavant de 20 millions de Canadiens d’ici juin. Il apparaît que le gouvernement canadien croit que les difficultés de production et d’approvisionnement s’estomperont. Le Canada a indéniablement commandé plus de vaccins par habitant que tout autre pays, mais il semble également probable que les fabricants rationneront l’approvisionnement du Canada en conséquence, de sorte que l’offre excédentaire arrivera une fois que les besoins urgents ailleurs dans le monde auront été comblés.
Offre mondiale de vaccins en 2021
Au début de janvier, le magazine The Economist prévoyait la production de 12,4 milliards de doses en 2021. Bien que ce chiffre dépasse la population mondiale de 7,7 milliards de personnes, il est à noter que la plupart des vaccins nécessitent deux doses. Par conséquent, de façon réaliste, toute la population mondiale ne sera pas vaccinée cette année, même en faisant abstraction des problèmes logistiques liés à l’accès aux régions les plus pauvres et les plus éloignées.
À quand la réouverture des économies ?
Avec le déploiement des campagnes de vaccination, une question brûle toutes les lèvres : quand les économies rouvriront-elles à grande échelle ? Il n’y a pas de réponse définitive. Pour une normalisation économique quasi totale, il faudra probablement attendre d’atteindre l’immunité collective, si c’est chose possible. Or, cela ne se produira vraisemblablement pas avant le deuxième semestre de 2021.
Toutefois, comme nous l’avons expliqué au cours des dernières semaines, les données relatives aux décès devraient commencer à s’améliorer de façon marquée dans les prochains mois. Puis, les chiffres concernant le nombre de cas deviendront plus encourageants, la deuxième phase de vaccination englobant les personnes en situation de contact élevé.
Certes, les décès et les infections sont des considérations pertinentes, mais ce sont les taux d’hospitalisation qui ont plausiblement influencé les décideurs politiques à imposer des mesures de confinement. Quand les hôpitaux ont atteint leur seuil de capacité, les gouvernements ont fermé à contrecœur leur économie par nécessité. Par extension, si le nombre d’hospitalisations commence à diminuer, il semble raisonnable de s’attendre à ce que les gouvernements assouplissent certaines de leurs règles. Dans la pratique, le pic des hospitalisations survient peu de temps après celui des nouvelles infections, soit seulement cinq jours plus tard, d’après notre étude sur les États américains (voir le graphique suivant).
Comprendre la relation entre le nombre de nouveaux cas, le nombre total d’hospitalisations et le nombre de nouveaux décès
Au 10 décembre 2020. Calculé à l’aide des pics de la première et de la deuxième vague dans quatre États américains. Les courbes sont stylisées. Source : RBC GMA
Il serait imprudent de fournir une date précise quant au moment où les infections et donc les hospitalisations pourraient commencer à diminuer. Après tout, le nombre de nouveaux cas est déjà en baisse pour des raisons sans doute liées aux vaccins dans de nombreux pays. De plus, outre le taux de vaccination, il y aura beaucoup d’autres facteurs à considérer à l’avenir, y compris l’amélioration des conditions météorologiques et l’évolution des nouveaux variants du virus.
Mais, toutes choses étant égales par ailleurs, on peut s’attendre à ce que les hospitalisations commencent à reculer grâce à la vaccination au cours du mois prochain et à fléchir de manière stable tout au long du printemps. En retour, il ne serait pas surprenant d’assister à la réouverture provisoire de certaines économies ce mois-ci, bien qu’on soit encore loin d’une reprise complète.
Il semble raisonnable de s’attendre à ce que les États-Unis fassent preuve de plus d’audace que la plupart des autres pays dans le redémarrage de leur économie, étant donné que les pertes de vies humaines y sont davantage tolérées que les dommages économiques auxquels on a assisté l’an dernier. Bien que le président Biden ait adopté une approche plus proactive que celle de son prédécesseur à l’égard de la pandémie, le contrôle qu’il exerce sur l’ouverture et la fermeture de chaque secteur économique n’est, en fin de compte, pas plus grand.
Évolution de la conjoncture économique
Le rétablissement économique de la Chine
Le rétablissement économique de la Chine est presque achevé. La progression de l’économie au quatrième trimestre de 2020 y a été supérieure de 6,5 % par rapport à l’an passé, ce qui est remarquable. D’une manière ou d’une autre, ce taux de croissance est plus élevé que celui que le pays connaissait avant la pandémie (voir le graphique suivant). Parmi les grandes économies, l’économie chinoise est la seule qui ne s’est pas contractée en 2020.
L’économie chinoise se redresse rapidement
Au quatrième trimestre de 2020. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA
Ceci est très étonnant pour un pays qui dépend largement de la demande extérieure pour stimuler son économie. En fait, plutôt que de constituer une faiblesse pour l’économie, les exportations chinoises en décembre ont augmenté de 18 % par rapport à l’an dernier. Cela est attribuable, en partie, à la demande d’équipements médicaux et de produits liés au confinement, qui a été plus forte que la normale.
C’est une bonne nouvelle à bien des égards. C’est certainement bon pour la Chine, et la croissance du pays a contribué de façon très positive à l’économie du monde dans son ensemble. En temps normal, la Chine est responsable d’un tiers de la croissance mondiale et sa contribution a été nettement plus importante en 2020.
La performance de la Chine montre également que les dommages pourraient être plus limités lorsque d’autres pays auront tourné la page de la pandémie. Toutefois, la durée des restrictions économiques a été plus longue à l’extérieur de la Chine, ce qui augmente le risque d’une issue différente.
Données américaines
Les données de l’économie américaine pour décembre ont été mitigées. La production industrielle et les mises en chantier étaient en hausse, alors que les ventes au détail et l’optimisme des petites entreprises étaient en baisse. En fait, nous pensons que l’économie du pays s’est légèrement contractée au cours du mois en raison de la mise en place de restrictions plus sévères contre la COVID-19.
Il est intéressant de noter que les premières données dont nous disposons pour janvier brossent un tableau légèrement plus positif de la situation. L’indice Markit des directeurs d’achats du secteur manufacturier américain est passé de 57,1 à 59,1 en janvier, tandis que l’indice PMI des services, qui est particulièrement tributaire de la pandémie, a progressé de 54,8 à 57,5. Cela permet d’entrevoir un retour de la croissance de l’économie, mais la poursuite de l’augmentation du nombre de demandes de prestation d’assurance chômage aux États-Unis en janvier laisse supposer le contraire. Toutefois, une partie de la détérioration sur le front de l’emploi est probablement artificielle. Il se pourrait qu’elle soit attribuable au retard accumulé dans les déclarations des travailleurs pendant les Fêtes, ainsi qu’à l’attrait exercé par la prestation de chômage additionnelle de 300 $ qui a été introduite au début de l’année.
Signes d’inflation
Bien que de nombreux indicateurs signalent une augmentation de l’inflation au cours des derniers mois, la hausse des prix est demeurée relativement faible. L’inflation de base aux États-Unis et au Canada n’est que de 1,6 % dans chaque pays. L’inflation globale aux États-Unis est de seulement 1,4 %, tandis qu’elle est encore moins élevée au Canada.
Nous nous attendons à ce que l’inflation augmente au fil du temps, mais pas au point de poser des problèmes.
Cependant, les observateurs doivent être conscients qu’il existe un risque de distraction : à cause de la chute des prix du pétrole au printemps dernier, suivie d’un rebond partiel, les données de l’IPC (indice des prix à la consommation) sur 12 mois paraîtront temporairement et artificiellement élevées ce printemps puisque les baisses précédentes sont exclues de l’équation. Il se peut qu’en avril et en mai l’IPC grimpe de 3,0 % à 3,5 % aux États-Unis, et de 2,5 % à 3,0 % au Canada. Mais ces indices devraient reculer de nouveau par la suite, pour revenir à un peu plus de 2 % d’ici la fin de 2021. Cela signifie qu’on n’assiste pas à une brusque explosion de l’inflation.
Décision de la Banque du Canada
Malgré les indications de certains porte-parole de la Banque du Canada à la fin de l’année dernière, la banque centrale du pays a décidé lors de sa réunion de janvier de ne pas procéder à une micro-réduction de taux. Au lieu de cela, le taux de financement à un jour demeure inchangé à 0,25 %, et la relance économique a été décrite comme étant « bien amorcée ». Parmi les principaux points du Rapport sur la politique monétaire qui accompagnait l’annonce, mentionnons que la Banque a légèrement abaissé de 4,2 % à 4,0 % ses prévisions de croissance du PIB pour 2021. Cela est largement attribuable à la nouvelle prévision selon laquelle l’économie devrait reculer à un rythme annualisé de 2,5 % au cours du premier trimestre de l’année. À mesure que nous révisons nos propres prévisions, nous sommes d’avis qu’une baisse est probable au premier trimestre, même si nous prévoyons qu’elle sera moins importante que ce à quoi on s’attend.
Excès d’optimisme au sujet du rebond en Europe
En décembre, nous avons été surpris de voir que l’indice PMI des services en Europe avait déjà commencé à rebondir. Les chiffres de janvier ont été maintenant publiés et on observe un léger recul. Par conséquent, il semble qu’on assiste à une poursuite du malaise économique européen à la suite des sévères restrictions mises en place en réponse à la deuxième vague de la pandémie (voir le graphique suivant). La situation est encore plus difficile au Royaume-Uni, où l’indice PMI des services, qui était de seulement 49,4, est tombé à 38,8 en janvier. De toute évidence, l’économie du pays est grandement affectée.
L’activité du secteur des services de la zone euro a de nouveau diminué à la suite du resserrement des restrictions
En date de janvier 2021. Sources : HIS Markit, Haver Analytics, RBC GMA
Révisions des prévisions
Un certain nombre d’événements peut entraîner une révision de nos prévisions économiques. Parmi ceux-ci, plusieurs des risques baissiers que nous avions cités lors de nos dernières perspectives trimestrielles se sont matérialisés :
- Le taux d’infection s’est avéré étonnamment pernicieux et pourrait bien demeurer problématique à la suite de l’apparition de la nouvelle variante. Le problème est particulièrement aigu sur le plan économique en Europe et au Royaume-Uni, mais le ralentissement au début de 2021 touche presque tout le monde.
- Les attentes à l’égard des vaccins étaient en effet un peu trop optimistes. De nouvelles inquiétudes sont apparues quant au rythme de l’inoculation, aux critères de distribution internationale des vaccins et au taux d’efficacité réel.
- Il y a indéniablement de plus grandes inquiétudes au sujet de l’inflation qu’il y a quelques mois (bien que cela ne porte pas tant sur la hausse de l’inflation elle-même).
À l’inverse, on observe certains signaux positifs :
- Les États-Unis devraient adopter une deuxième série de mesures de relance budgétaire à court terme.
- Les pays pourraient choisir de relancer leur économie à un rythme étonnamment rapide une fois que l’effet des vaccins se fera sentir.
Somme toute, les perspectives économiques générales des marchés sont négatives, notamment pour le Royaume-Uni, la zone euro et le Canada. À l’inverse, on observe un plus grand consensus au sujet des États-Unis à la suite des plans budgétaires, du bon déroulement de la vaccination et de la probabilité que le pays soit parmi les premiers à redémarrer son économie à mesure que la pandémie s’essouffle (voir le graphique suivant).
Prévisions du PIB pour 2021
En date de déc. 2020. Sources : Consensus Economics, RBC GMA
Nous affinons encore nos projections, mais nos rajustements provisoires semblent jusqu’à présent aller dans le même sens que les prévisions générales. Nous sommes en voie de réduire d’environ deux points de pourcentage nos prévisions concernant la croissance du PIB du Royaume-Uni en 2021, d’abaisser d’environ un point de pourcentage celles visant la zone euro et le Japon, et de retrancher quelques dixièmes de points de pourcentage à celles du Canada. En revanche, les perspectives économiques des États-Unis pourraient être relevées d’un point de pourcentage.
Que les choses soient claires, tous ces pays devraient afficher une croissance de l’ordre de 2,5 % à 5,0 %, ce qui est bon à tout point de vue. Simplement, les prévisions sont légèrement revues à la baisse par rapport au trimestre précédent.
Par ailleurs, dans la plupart des cas, nos nouvelles prévisions devraient rester au-dessus des prévisions générales, et ce, pour trois raisons principales :
- Tout au long de la pandémie, la stratégie de prévision gagnante pour la grande majorité des pays a été de présenter un point de vue plus optimiste que la moyenne. La résilience des humains ne doit pas être sous-estimée.
- Nous ne nous attendons pas à ce que les séquelles de la pandémie se fassent sentir longtemps et nous entrevoyons des signes d’une possible demande accumulée.
- Les vaccins changent complètement la donne et le début cahoteux de leur déploiement ne doit pas être interprété comme un échec.
Situation politique et budgétaire aux États-Unis
Le président Donald Trump a quitté la Maison-Blanche comme prévu, mais pas avant d’être mis en accusation pour une deuxième fois (du jamais vu) par la Chambre des représentants. Au cours des prochaines semaines, la procédure de destitution passera au Sénat, lequel décidera si le président sortant doit être condamné. Même si certains représentants républicains appuient l’initiative démocrate, il est hautement improbable que la supermajorité de 67 voix (sur 100) soit atteinte.
Reste à savoir si le Sénat décidera d’interdire à M. Trump de briguer tout poste électif dans l’avenir. Une telle décision pourrait être lourde de conséquences, car selon les rumeurs, M. Trump envisagerait de se présenter aux élections de 2024. Pour que cette interdiction s’applique, une mince majorité suffirait, ce qui est loin d’être inconcevable, avec un Sénat sous contrôle démocrate... N’empêche qu’il serait vraiment étonnant et inédit qu’un président soit déclaré non coupable à l’issue d’un procès en destitution, mais qu’il se voit imposer une sanction par la suite. Même si cela est techniquement faisable, un tel effort de la part des démocrates pourrait bien se retourner contre eux en créant un profond ressentiment parmi les partisans de Donald Trump, qui pourrait se manifester de bien des façons.
Contrairement à ce qui a été dit, M. Trump ne s’est gracié d’aucun crime de façon préventive, peut-être parce qu’il aurait d’abord fallu qu’il reconnaisse ses torts. Il faut donc s’attendre à ce que sa conduite passée fasse l’objet de nombreuses enquêtes au cours des prochaines années.
Décrets présidentiels
Lors de son investiture le 20 janvier dernier, le président Joe Biden a prononcé un discours empreint d’espoir, d’harmonie et d’optimisme, accentuant ainsi le contraste avec son prédécesseur. Le président s’est mis au travail sans tarder, signant un certain nombre de décrets. Les États-Unis ont ainsi réintégré l’Accord de Paris sur le climat et l’Organisation mondiale de la santé, en plus d’annuler le projet de pipeline Keystone XL.
Cette dernière décision est assurément une mauvaise nouvelle pour le secteur canadien du pétrole, qui comptait exporter jusqu’à 830 000 barils par jour au moyen de ce réseau. Le projet avait été annulé sous la présidence de Barack Obama, mais Donald Trump l’avait remis en marche. Il subsiste donc une petite chance qu’il soit remis à l’ordre du jour par un futur président. Comme l’acheminement du pétrole au moyen d’oléoducs coûte environ 10 $ de moins par baril que le transport ferroviaire, l’arrêt du projet ampute donc le pays d’environ 3 milliards de dollars de profits par an.
Projets de loi attendus
Entre autres idées, l’administration Biden prévoit proposer une loi sur l’immigration qui donnera aux immigrants illégaux le moyen d’obtenir la citoyenneté. Elle souhaite également offrir de façon permanente des prestations pour la garde d’enfants de l’ordre de 250 $ par mois par enfant. La nouvelle administration entend aussi renforcer le protectionnisme américain, ce qui n’est guère original dans la mesure où presque tous les nouveaux présidents au cours des 20 dernières années avaient annoncé la même chose. Nous verrons bien comment celui-ci entend se distinguer de ses prédécesseurs à cet égard.
Compte tenu de la faible majorité démocrate au Sénat, les projets de loi n’aboutiront pas tous.
À court terme, le point le plus important et le plus pertinent sur le plan économique concerne certainement la stimulation budgétaire que souhaite mettre en place l’administration Biden. L’encre est à peine sèche sur le plan de relance de 900 milliards de dollars approuvé le 27 décembre dernier, et voilà que le nouveau gouvernement envisage de lancer des mesures supplémentaires à hauteur de 1 900 milliards de dollars. Nous pensons toutefois qu’un plan un peu moins ambitieux sera finalement adopté, peut-être de mille milliards de dollars.
L’objectif principal est de verser pas moins de 2 000 $ à chaque Américain, et cela explique en grande partie pourquoi l’économie américaine semble se préparer à connaître une excellente année 2021. Cela dit, les paiements forfaitaires sont reconnus comme étant inefficaces du point de vue du multiplicateur budgétaire, en plus d’alourdir la dette publique.
Réflexions sur la politique antitrust
Il est bien connu que, pendant plusieurs décennies, les plus grandes entreprises ont capté une part toujours croissante du gâteau économique. C’est surtout le cas dans le secteur de la technologie, mais aussi ailleurs.
La concentration grandissante des entreprises est une question complexe pour les investisseurs. D’une part, nous cherchons activement des marges bénéficiaires substantielles, souvent une caractéristique des monopoles et des oligopoles. D’autre part, nous voulons des entreprises hautement innovantes affichant une croissance rapide. Or, ces attributs se voient moins dans les entreprises dominantes qui cèdent souvent à la complaisance. Bien que la concentration croissante des entreprises ait indéniablement fait monter les gains boursiers à court terme, le contraire pourrait se produire à long terme.
En théorie, les monopoles nuisent sur le plan sociétal. Ces entreprises ont tendance à demander trop cher pour leurs produits et à innover moins. L’ascension de nombreux géants de la technologie au cours des dernières décennies, dont beaucoup ont peu de concurrents naturels, remet toutefois en question ces préjugés (voir le graphique suivant).
En bref, les entreprises de technologie ont tendance à être très innovantes et bon nombre d’entre elles semblent ne facturer aucuns frais pour leurs services (p. ex., Facebook et Google), ce qui contredit la critique habituelle des monopoles. De plus, nombre de ces monopoles semblent s’être constitués « naturellement », contrairement à ceux bâtis au fil de transactions plus ou moins transparentes.
Raisons pour lesquelles les monopoles technologiques sont peut-être différents
Au 14 janvier 2021. Source : RBC GMA
D’un point de vue politique, l’Europe ne change pas d’idée : les monopoles sont néfastes, sans égard aux considérations particulières. L’Europe a d’ailleurs imposé de lourdes amendes aux géants de la technologie (principalement américains). L’approche américaine, en revanche, a tendance à être plus nuancée, reconnaissant que ces monopoles sortent de l’ordinaire (voir le graphique suivant).
Les autorités américaines mènent néanmoins leurs enquêtes antitrust de façon de plus en plus énergique. La tendance s’est en fait amorcée sous l’ère Trump, mais elle semble vouloir se maintenir avec l’arrivée de M. Biden (même si ce point n’était pas un élément majeur de sa campagne). À certains égards, les efforts antitrust déployés au cours des deux dernières années ont été plus assidus que durant l’ensemble des 20 dernières années.
Analyse des politiques antitrust
Au 19 janvier 2021. Source : RBC GMA
En fin de compte, il est peu probable que les organismes de réglementation américains démantèlent les géants de la technologie, en partie parce que les monopoles du secteur de la technologie sont incontestablement assez différents de ceux d’autres secteurs. N’oublions pas aussi que cela donnerait l’avantage aux géants de la technologie chinois. Par contre, les organismes de réglementation en Chine semblent de plus en plus critiques à l’égard de leurs propres entreprises de technologie, en expansion constante.
Il est clair que les pressions antitrust aux États-Unis se sont relevées d’un cran, après une longue période d’indifférence. Il ne serait pas étonnant d’assister à une série de corrections intermédiaires (voir la discussion dans le graphique suivant). Par exemple :
- les propositions de fusion pourraient être examinées avec un plus grand esprit critique à l’avenir ;
- ces entreprises pourraient être forcées de payer plus d’impôts ;
- la confidentialité des renseignements personnels des clients gagnera en importance ;
- les entreprises pourraient se voir interdire de mettre en valeur leurs produits par rapport à ceux de leurs concurrents.
Solutions antitrust
Au 19 janvier 2021. Source : RBC GMA
- Avec la contribution de Vivien Lee, de Kiki Oyerinde et de Sean Swift
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