Aperçu
Dans l’ensemble, les événements récents ont été plutôt contrastés. On relève plusieurs petits facteurs positifs, contre un facteur négatif important.
Au nombre des petits facteurs positifs figurent les suivants :
- La deuxième vague en Europe se résorbe plus rapidement que ce qui avait été prévu au départ.
- Les données économiques pour les États-Unis et le Canada ont été étonnamment vigoureuses en novembre.
- Les nouvelles concernant les vaccins demeurent généralement positives.
- Des mesures de relance budgétaire aux États-Unis semblent un peu plus probables.
Par contre, le grand facteur négatif est que le nombre d’infections aux États-Unis et au Canada ne cesse de s’accroître. Cet élément ne doit pas être sous-estimé.
Évolution de l’épidémie
La COVID-19 continue de se répandre à un rythme élevé à travers le monde. On compte un nombre saisissant de 11 000 décès par jour à l’échelle mondiale, un nouveau sommet (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA
Les pays développés restent responsables de plus de la moitié de toutes les infections, mais les marchés émergents n’ont pas été épargnés. Parmi ceux où la situation s’est récemment détériorée, le Brésil mérite une attention particulière (voir le graphique suivant). Le Mexique, la Russie et l’Afrique du Sud sont d’autres exemples notables.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Brésil
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA
Cela dit, la détérioration n’est pas universelle. L’Iran, la Pologne, l’Inde et le Pérou connaissent tous des améliorations considérables.
La situation en Europe continue de s’améliorer
Les dernières données sur les infections en Europe continuent de fléchir. Le rythme d’amélioration est particulièrement remarquable en France, même s’il a récemment stagné (voir le graphique suivant). Les progrès en Allemagne n’ont été que légers, mais le pays n’a jamais été aussi mal en point que ses pairs. Heureusement, l’Italie et l’Espagne connaissent encore une embellie considérable.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en France
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA
Bien sûr, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, cette amélioration a nécessité de sévères mesures de distanciation sociale. Ces dernières pèseront sur l’activité économique européenne au cours des derniers mois de l’année.
Le Royaume-Uni peut également faire état d’une nette embellie, le nombre de cas quotidien au pays étant passé d’environ 25 000 à 15 000. Toutefois, comme en France, ce chiffre a cessé de diminuer de façon substantielle (voir le graphique suivant). Ce fait est inquiétant, car le Royaume-Uni prévoit maintenant lever certaines restrictions dans un avenir rapproché, ce qui pourrait annuler les gains récents.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Royaume-Uni
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA
Frustrations au Canada
La plupart des provinces canadiennes ont adopté des règles de distanciation sociale beaucoup plus rigoureuses au cours du dernier mois. Il a donc été très décevant de voir le nombre d’infections au pays continuer de croître (voir le graphique suivant). Le nombre de cas a crû de façon particulièrement rapide en Alberta (voir le graphique suivant). À l’échelle nationale, le nombre de décès quotidiens équivaut encore à seulement la moitié du niveau enregistré au printemps, mais il reste en hausse.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA
Propagation de la COVID-19 en Alberta
Au 6 décembre 2020. Calculé selon une moyenne mobile sur sept jours du nombre quotidien et du nombre total de cas. Sources : Gouvernement du Canada, Macrobond, RBC GMA
Il est frustrant que le pic de cette deuxième vague soit si difficile à prédire. Après que les États-Unis eurent maîtrisé leur deuxième vague estivale en resserrant à peine les règles de distanciation sociale, il a été tentant de conclure qu’il serait facile de gérer les vagues à venir au moyen de modestes rajustements de politique. Toutefois, l’expérience européenne a montré que des restrictions strictes étaient en fin de compte nécessaires.
Il demeure envisageable qu’en raison des règles de distanciation sociale modérées au Canada, le nombre de cas au pays commence à diminuer au cours de la prochaine semaine – réagissant ainsi au resserrement précédent. Toutefois, nous avons formulé cette affirmation trop souvent pour être particulièrement confiants à cet égard. Il se peut simplement que le Canada ait besoin de règles plus strictes pour maîtriser le virus.
Fausse amélioration aux États-Unis
La semaine dernière, la situation semblait se stabiliser miraculeusement aux États-Unis, même si les mesures de distanciation sociale n’y avaient été resserrées que légèrement. Nous avions pensé à deux explications possibles. Selon la version optimiste, les Américains ne faisant guère confiance à leur gouvernement et estimant que le risque augmentait, ils ont été nombreux à pratiquer la distanciation sociale de leur propre chef, sans que le gouvernement les y incite.
Selon la vision pessimiste, les gens n’ont tout simplement pas passé de test de dépistage pendant le congé de l’Action de grâces. Il semble malheureusement que cette interprétation soit la bonne. Maintenant que l’Action de grâces est passée, le nombre quotidien des nouveaux cas aux États-Unis a recommencé à grimper. On peut encore espérer que cette hausse soit surestimée, puisqu’elle prend aussi en compte tous les nouveaux cas qui n’avaient pas été signalés auparavant (de plus, l’intensification des interactions sociales pendant le congé a pu provoquer une hausse forte, mais brève).
Les décideurs américains réagissent enfin, en particulier en Californie, où un confinement est actuellement en vigueur. Toutefois, dans l’ensemble, les mesures mises en place aux États-Unis sont beaucoup moins strictes que celles adoptées en Europe et même au Canada. Par ailleurs, le nombre de cas aux États-Unis n’a probablement pas encore atteint son sommet (voir graphique suivant). À l’heure actuelle, le pays enregistre chaque jour 200 000 nouveaux cas et environ 2 250 décès. Le nombre quotidien de décès continue de monter et frôle maintenant le sommet d’environ 2 750 atteint le printemps dernier.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Au 7 décembre 2020. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : CDC, Macrobond, RBC GMA.
La deuxième vague suit un rythme différent
L’Europe se remet actuellement d’une deuxième vague. Dans un rapport précédent, nous avancions que les vagues d’une épidémie mettaient habituellement deux fois plus de temps à refluer qu’à déferler, ce qui donnait à entendre que le processus pourrait prendre un certain temps.
Cependant, de nouvelles études viennent nuancer ces observations. En fait, elles s’appliquent uniquement aux deux premières vagues qui ont frappé les États-Unis. Dans d’autres pays, la situation s’est améliorée assez rapidement après la première vague et les pays européens semblent se sortir encore plus rapidement de la deuxième. Reportez-vous au précédent graphique sur la France – la courbe de la deuxième vague est moins accentuée dans la phase ascendante que dans la phase descendante.
Par conséquent, nous ne devrions pas supposer qu’il faudra six mois pour effacer trois mois de détérioration. En fait, pour ce qui est du nombre quotidien d’infections, le rétablissement peut s’effectuer en quelques mois. Évidemment, il faut reconnaître que la vitesse de l’amélioration est en grande partie attribuable aux mesures de distanciation sociale plutôt qu’à une autre variable.
Connaissances scientifiques sur le virus
Échéancier
En raison des bonnes nouvelles concernant les vaccins, les prévisionnistes se montrent plus optimistes quant au moment où ils seront largement disponibles. Un sondage que nous suivons de près demande aux participants d’estimer à quel moment 25 millions d’Américains seront vaccinés. Il y a deux semaines, 72 % des répondants tablaient sur la fin mai. Ils sont maintenant 95 % de cet avis.
Bien que certains craignent que le Canada reçoive les vaccins plus tard que d’autres pays, le premier ministre a récemment indiqué que la majorité de la population sera vaccinée d’ici l’automne prochain – ce qui correspond à peu près à nos prévisions pour les autres pays développés.
En ce qui concerne le moment où la vie reprendra son cours normal, n’oublions pas que dans la plupart des cas, une deuxième dose devra être injectée un mois après la première, et qu’une protection complète ne sera vraiment atteinte que deux semaines plus tard. Par conséquent, le processus intégral – de la première dose à la protection – durera environ six semaines.
Approbations
Le Royaume-Uni a maintenant accordé une autorisation d’utilisation d’urgence aux vaccins de Pfizer et de BioNTech. Le premier lot de doses devrait arriver cette semaine et leur administration débutera immédiatement après.
On s’attend à ce que les États-Unis et le Canada approuvent les vaccins dès cette semaine et commencent à les recevoir la semaine prochaine.
Ordre de priorité
Initialement, compte tenu de l’approvisionnement limité, la vaccination s’effectuera suivant un ordre préétabli.
Selon toute logique, la priorité sera accordée aux professionnels de la santé, aux premiers répondants, aux personnes atteintes d’une affection à risque élevé et aux aînés.
La deuxième cohorte devrait comprendre les travailleurs essentiels qui ne font pas partie du réseau de la santé, les personnes qui travaillent dans des milieux où leur capacité de se protéger est réduite, les collectivités ayant un accès restreint aux soins de santé et les personnes les plus susceptibles d’infecter des groupes à risque élevé (comme les familles intergénérationnelles).
Viendra finalement le tour de tout le reste de la population : les jeunes, les personnes en bonne santé et celles qui travaillent à domicile. On peut penser que ce dernier groupe ne sera pas vacciné avant le milieu de l’année, voire après.
Évolution de la conjoncture économique
Docteur Cuivre
On donne parfois au cuivre le surnom de « Docteur Cuivre », en référence au doctorat en économie qu’il est réputé posséder. En effet, les prix du cuivre se sont souvent révélés un bon outil de prédiction de la trajectoire de l’économie mondiale. Lorsqu’ils sont en hausse, cela indique généralement que l’économie se raffermit, le cuivre étant une composante essentielle d’activités cycliques comme les dépenses en immobilisations, les projets de construction, ainsi que les achats d’appareils électroménagers et de voitures.
En ce moment, les prix du cuivre se situent à leur sommet en sept ans, après avoir augmenté de 66 % par rapport à leur creux atteint lors de la récession. Cette progression s’explique par plusieurs facteurs :
- L’économie chinoise connaît une croissance vigoureuse ; or, la Chine utilise plus de la moitié des métaux de base dans le monde.
- Les perspectives économiques mondiales s’améliorent vraisemblablement.
- Dans la même veine, la demande d’électroménagers et de voitures est en augmentation.
- Au fil du temps, les gouvernements devraient réorienter leurs efforts budgétaires, passant des mesures de soutien du revenu à court terme à des projets d’infrastructure à plus long terme.
- La demande relative aux voitures électriques s’accroît ; or, celles-ci contiennent trois fois plus de cuivre que les véhicules à combustion interne.
- Par ailleurs, l’offre de cuivre est limitée ; il n’y a eu qu’une découverte majeure depuis 2015, et il faut de sept à dix ans pour développer de nouveaux projets.
Il semble donc y avoir de bonnes raisons à la montée des prix du cuivre. Toutefois, ce dont nous nous soucions le plus, c’est de la causalité dans la direction opposée. La hausse des prix du cuivre constitue un vote de confiance à l’égard de la poursuite de la relance économique.
Une pandémie, deux économies
Les effets de la pandémie ont énormément varié d’un secteur à l’autre. Les deux graphiques suivants illustrent bien cette affirmation au moyen de données récentes. Le premier montre un indice que nous avons créé et qui suit l’activité industrielle aux États-Unis. Il révèle une reprise soutenue et l’imminence d’un retour complet à la normale. Il inclut des mesures telles que le trafic ferroviaire, la fabrication d’acier et la production d’électricité.
L’activité industrielle aux États-Unis se rapproche de la normale
Au 6 novembre 2020. Mesure composite de la variation annuelle du trafic ferroviaire, de la fabrication d’acier, de l’offre de produits pétroliers et de la production des services publics d’électricité. Sources : Goldman Sachs Global Investment Research, Haver Analytics, RBC GMA
À l’opposé, le deuxième graphique porte sur les secteurs sensibles à la COVID-19, comme ceux de l’hôtellerie, des salles de cinéma et du transport aérien. Sans surprise, on y a été témoin d’une débâcle initiale beaucoup plus marquée (-65 % contre -20 %, approximativement) et d’un rebond considérablement moins important. D’ailleurs, l’activité y est toujours inférieure de 50 % à la normale. En outre, le récent resserrement des règles de distanciation sociale devrait se répercuter à nouveau sur ces secteurs.
Les activités sensibles à la COVID-19 aux États-Unis ont fléchi la semaine dernière
Au 7 novembre 2020. Mesure composite de la variation annuelle du taux d’occupation des hôtels, des recettes des salles de cinéma, de l’indice Redbook sur les ventes au détail et du nombre de voyageurs aux points de contrôle de la TSA. Sources : STR, BoxOfficeMojo, TSA, Goldman Sachs Global Investment Research, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Ventes du Vendredi fou
Par rapport à l’année passée, le nombre de clients ayant visité les magasins américains le jour du Vendredi fou a diminué de moitié. En revanche, les dépenses en ligne ont augmenté de 22 %, ce qui a partiellement compensé la baisse. En définitive, toutefois, du Vendredi fou au Cyberlundi, les consommateurs américains ont dépensé environ 14 % de moins qu’en 2019.
S’il semble tout à fait raisonnable que moins de gens se soient pressés dans les centres commerciaux en période de pandémie, les chiffres demeurent surprenants. Globalement, les ventes au détail dépassent les niveaux d’il y a un an et l’utilisation des cartes de crédit est à peu près normale. On aurait pu imaginer un Vendredi fou ordinaire. D’abord, cette année, contrairement à l’habitude, les magasins ont sans doute imposé des limites de capacité plus strictes, ce qui a pu répartir les dépenses sur un plus grand nombre de jours. Ensuite, les nombreux télétravailleurs peuvent choisir de faire leurs achats du lundi au vendredi, au lieu de se ruer dans les magasins au cours de la fin de semaine ou d’une journée fériée. Enfin, l’aide financière arrivant à échéance, certains ménages américains sont maintenant à court d’argent.
En conclusion, nous croyons que les dépenses globales des Fêtes seront plutôt normales, malgré les faibles ventes de l’Action de grâce. Néanmoins, nous restons à l’affût de toute autre preuve plaidant en faveur d’un résultat moindre.
L’économie nord-américaine a progressé en novembre
Aux États-Unis, le revenu personnel disponible a baissé de 0,8 % en octobre. Il s’agissait d’un deuxième recul mensuel en trois mois. Malgré tout, les revenus personnels demeurent plusieurs points de pourcentage supérieurs à la normale et les dépenses ont continué d’augmenter. L’épargne des ménages américains diminue graduellement, mais n’a pas complètement disparu.
Les données de novembre pour les États-Unis ont constitué une belle surprise :
- Les deux indices ISM, celui du secteur manufacturier et celui du secteur des services, ont reculé au cours du mois, mais sont demeurés robustes, à 57,5 et 55,9, respectivement.
- Après deux semaines consécutives d’augmentation, le nombre d’inscriptions au chômage hebdomadaires a considérablement baissé.
- Le nombre d’emplois rémunérés est en hausse de 245 000, un chiffre inférieur aux attentes, mais conforme à une reprise continue. Le taux de chômage a fléchi en conséquence, passant de 6,9 % à 6,7 %.
Toutefois, trois facteurs ont fait craindre pour l’économie américaine, en novembre :
- Selon les résultats de la partie du dernier sondage sur l’emploi menée auprès des ménages, il y aurait plutôt eu 74 000 pertes d’emploi au pays. Les résultats des deux volets du sondage correspondent rarement et l’écart observé dans le plus récent est loin d’être le plus important, mais nous constatons néanmoins que novembre est le premier mois négatif depuis avril.
- La demande de meubles a commencé à osciller, peut-être un indicateur de l’enthousiasme concernant les achats importants et le marché du logement. 3.
- Selon le livre beige, qui fournit des données empiriques, quatre des douze districts de la Fed ont constaté que la croissance commençait à ralentir au début de novembre (bien que l’évaluation globale indiquait plutôt que la croissance au cours du mois était d’une certaine manière plus soutenue qu’elle l’était au début de l’automne).
Dans l’ensemble, il semble encore probable que l’économie américaine se soit redressée en novembre, mais certains signes de faiblesse sont visibles.
Au Canada, les données de novembre publiées jusqu’à présent sont étonnamment bonnes. L’indice de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui mesure l’humeur des petites entreprises, est passé de 53,3 à 55,7, un niveau aussi raisonnable que surprenant. Quant à l’indice PMI Markit de l’industrie manufacturière canadienne, il a lui aussi progressé, passant de 55,5 à 55,8. Le pays a par ailleurs créé 52 000 emplois au cours du mois – soit plus du double de ce qui avait été prévu –, de sorte que le taux de chômage a baissé de 0,4 % pour s’établir à 8,5 %.
Nous continuons de penser que le Canada et les États-Unis pourraient bien subir un léger repli sur un ou deux mois en raison du resserrement des règles de distanciation sociale. Pour autant, rien n’indique que les deux économies aient reculé en novembre.
Célébrons les conditions financières favorables
La pandémie a créé un bouleversement économique sans précédent. Soulignons particulièrement le caractère extrême de la chute initiale, la rapidité du rebond subséquent et le rôle qu’ont joué les décideurs à ces deux chapitres, à la fois sur le plan des mises à l’arrêt que des programmes de soutien des revenus.
Malgré tout, il a régné un calme inhabituel. En temps normal, les conditions financières se resserrent fortement en période de récession à mesure que les écarts de crédit s’élargissent et que le marché boursier baisse. La situation a été toute autre durant ce cycle (voir le graphique suivant). Les conditions financières se sont en fait améliorées, à un point tel qu’elles n’ont jamais été aussi souples. En période de récession ou de crise, les banques centrales visent toujours la détente des conditions financières, mais ils atteignent rarement l’objectif.
Le contraste avec la crise financière mondiale d’il y a dix ans est manifeste ; à cette époque, les conditions s’étaient resserrées à un niveau sans précédent. De plus, un problème qui touchait au départ le secteur du logement et le secteur financier s’est transformé en un problème économique, puisque tous les secteurs étaient aux prises avec des marchés de l’emprunt illiquides et coûteux ainsi qu’à des marchés boursiers défavorables. Cette fois-ci, la bonne tenue des conditions financières a grandement limité les dommages aux secteurs axés sur la présence de clients, qui ont frappé de plein fouet par la COVID-19.
L’indice des conditions financières mondiales atteint un plancher record
Au 3 décembre 2020 pour les États-Unis et au 2 décembre 2020 pour le monde. Sources : Goldman Sachs, Bloomberg, RBC GMA
Le point sur la politique américaine
Le résultat des élections présidentielles n’a pas été sérieusement remis en question depuis un certain temps, et un nombre grandissant d’États certifient leurs résultats. L’annonce récente des résultats en Californie signifie que le président élu Joe Biden a officiellement remporté assez d’États pour gagner le vote du Collège électoral, qui aura lieu le 14 décembre. Les résultats de ce vote seront compilés le 6 janvier.
Les efforts pour discréditer le processus électoral continuent de s’essouffler. Le procureur général Barr a d’ailleurs indiqué qu’il n’y avait aucune preuve étayant la thèse d’une fraude généralisée. En outre, le président Trump semble maintenant prêt à quitter la Maison-Blanche, si l’on en croit le fait qu’il a approuvé le financement de la transition qu’attendait l’équipe de M. Biden. Il a également indiqué qu’il reconnaîtrait sa défaite si le Collège électoral confirme la victoire de son opposant.
Biden a commencé à proposer des candidats à des postes clés de son administration. Sous réserve de l’approbation du Congrès, Janet Yellen, qui été présidente de la Réserve fédérale de 2014 à 2018, sera nommée au poste de secrétaire du Trésor. Elle a la réputation d’être très compétente et pragmatique, et de prendre ses décisions en s’appuyant sur des données probantes. L’économie des États-Unis sera donc entre de bonnes mains.
La seule petite inquiétude, peut-être, c’est que cette nomination pourrait atténuer encore davantage la différence entre les politiques monétaire et budgétaire. Or, si la politique monétaire venait à être influencée par les politiciens, ceux-ci pourraient avoir tendance à tolérer un niveau d’inflation trop élevé dans le but de maximiser la croissance à court terme. Les banques centrales ont d’ailleurs fait l’objet de critiques ces dix dernières années parce qu’elles travaillent en collaboration de plus en plus étroite avec les responsables des politiques budgétaires. Elles ont en effet radicalement étendu leurs bilans au cours de cette période. Étrangement, la dernière fois qu’une même personne a occupé les deux postes, c’était à la fin des années 1970, une période de forte inflation. Le risque que présente cette situation est tout de même faible. Mme Yellen a d’abord dirigé la Fed, puis le Secrétariat du Trésor – l’inverse aurait été plus dérangeant – et elle n’est pas considérée comme une radicale.
Géopolitique iranienne
Ce souvenir semble maintenant déjà loin, mais avant que la pandémie ne frappe au début de 2020, c’est l’Iran qui était au centre des préoccupations des investisseurs et des économistes. Le pays se livrait alors à des affrontements avec ses ennemis du Moyen-Orient et les États-Unis, y allant de frappes de drones, et se servant de bombes, de missiles et de navires pour faire des ravages en Arabie saoudite et en Irak.
Le conflit s’est ensuite apaisé pour la majeure partie de l’année qui vient de passer, avant de renaître à la suite d’une récente attaque lors de laquelle a été tué un scientifique iranien de haut rang spécialisé dans le nucléaire. Le moment de l’attaque n’a probablement pas été choisi au hasard. Bon nombre d’adversaires de l’Iran craignent que l’Iran arrive à conclure un accord de paix avec les États-Unis une fois que Joe Biden aura été investi, comme ça a été le cas lorsque Barack Obama était en fonction. Ainsi, tout effort visant à déstabiliser l’Iran ou à contrecarrer ses aspirations nucléaires devrait naturellement être déployé avant l’arrivée au pouvoir de M. Biden. Tandis que la dernière attaque est attribuée à Israël, il ne faut pas oublier que Donald Trump aurait récemment demandé à ses dirigeants militaires des options pour attaquer un site nucléaire iranien.
L’Iran n’a pas encore réagi. Il est d’ailleurs peu probable qu’il le fasse, par crainte d’affaiblir son pouvoir de négociation avec M. Biden dans six semaines, une fois ce dernier au pouvoir. Néanmoins, le risque de nouvelles attaques de la part des adversaires du pays au cours du prochain mois et demi n’est pas nul. Par conséquent, le Moyen-Orient est à nouveau le théâtre d’importantes tensions géopolitiques, une situation qui revêt une importance particulière pour l’économie et les marchés financiers mondiaux étant donné l’énorme production de pétrole de la région ainsi que la capacité de l’Iran à contrôler le détroit d’Hormuz, une zone de coincement pour le transport du pétrole.
Le point sur les mesures de relance budgétaire des États-Unis
Le temps presse pour un nouveau plan de relance budgétaire aux États-Unis. Dans le sillage des précédents murs budgétaires à la fin d’avril et de juillet, d’autres programmes d’aide dans le contexte de la pandémie expirent à la fin du mois de décembre. À tout le moins, les États-Unis doivent adopter une résolution de continuité à court terme pour éviter une paralysie du gouvernement qui commencerait le 11 décembre. Il ne reste que quelques jours pour résoudre ces problèmes, puisque les travaux de la Chambre des représentants seront suspendus après le 10 décembre et ceux du Sénat, après le 18 décembre.
En octobre, les démocrates ont proposé un important plan de relance de 2,4 billions de dollars. Le 1er décembre, les républicains ont déposé une proposition visant un montant beaucoup moins élevé (quoique tout de même considérable) de 553 milliards de dollars. Un groupe bipartisan de politiciens démocrates et républicains du Sénat et de la Chambre des représentants a dévoilé un accord de 908 milliards de dollars. Celui-ci prévoit :
- 288 milliards de dollars supplémentaires pour les petites entreprises ;
- 180 milliards de dollars en prestations de chômage supplémentaires ;
- des fonds considérables pour la distribution des vaccins et le soutien des écoles, des garderies, du service postal, des locataires, des fournisseurs de soins de santé et des fournisseurs de services de transport.
Il est tout à fait possible que ce plan soit adopté au cours des prochains jours. Cependant, nous croyons plutôt que sera adoptée une résolution de continuité permettant au gouvernement de continuer à fonctionner, et que l’adoption d’un important plan de relance budgétaire sera reportée en attendant que M. Biden s’installe dans le Bureau ovale. Tandis que le nouveau Congrès entrera en poste le 3 janvier, Biden ne deviendra président que le 20 janvier. Les États-Unis connaîtront ainsi des difficultés économiques dans l’intervalle.
La date butoir pour le Brexit approche
Il ne reste maintenant que très peu de temps pour la conclusion d’une entente de dernière minute entre le Royaume-Uni et la zone euro sur le Brexit. Bien que le premier ministre de l’Irlande, qui s’est révélé visionnaire à ce sujet par le passé, ait récemment exprimé un certain optimisme à l’égard d’un accord, une telle issue est loin d’être certaine.
Malgré certains progrès réalisés dans la rédaction du texte de l’accord au cours des derniers mois, des désaccords importants subsistent en ce qui concerne les droits de pêche, la gouvernance et les règles de subventions aux entreprises. Le Royaume-Uni continue également d’aller de l’avant avec son projet de loi sur le marché intérieur, qui semble incompatible avec les accords déjà conclus avec l’Union européenne à l’égard d’une frontière sans friction entre l’Irlande et l’Irlande du Nord.
Plus grave encore, la France menace désormais de mettre son veto à tout accord qui ne lui donnerait pas accès aux eaux britanniques pour la pêche. Un sentiment similaire règne dans les autres pays voisins du Royaume-Uni. Entretemps, le premier ministre britannique Boris Johnson est en route vers Bruxelles pour participer à des négociations de dernière minute avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Chose sûre, la perspective d’un accord s’atténue continuellement à mesure que le temps passe, surtout dans un contexte où les deux parties font preuve d’entêtement. Cependant, nous sommes toujours d’avis que la probabilité de conclusion d’un accord de libre-échange superficiel est supérieure à 50 %, étant donné qu’une telle entente serait dans l’intérêt des deux parties.
La Grande Réinitialisation
Récemment, l’idée d’une « Grande Réinitialisation » a reçu une attention considérable. Bien que le sens de ce terme varie d’une personne à une autre, l’usage conventionnel correspond à une réflexion approfondie au sujet de ce à quoi les humains devraient aspirer collectivement en tant qu’espèce, en partant du principe que les priorités doivent comprendre la résolution des problèmes mondiaux comme la pauvreté, les inégalités et les changements climatiques.
La pandémie montre certainement que la société est capable de réaliser de grandes choses, comme offrir des mesures musclées d’aide au revenu à de nombreuses personnes sans emploi et mettre au point un vaccin en un temps record. La pandémie a également offert quelques surprises sur ce front, comme une importance accrue accordée à la lutte pour l’égalité raciale. On peut supposer qu’à l’avenir, il y aura une plus grande volonté d’allouer des ressources collectives à des risques à faible probabilité et à conséquences élevées (comme la lutte contre les pandémies à venir ou la gestion des dangers que représentent les astéroïdes) ainsi qu’à la réalisation de grands progrès scientifiques dans des domaines comme l’exploration spatiale, la physique des particules et la fusion nucléaire.
Deux raisons expliquent toutefois pourquoi il est tout de même peu probable qu’une réelle grande réinitialisation soit réalisée.
- Rien n’indique que les électeurs ou les politiciens épousent universellement les points de vue adoptés par l’initiative de la Grande Réinitialisation. La fracture partisane semble plus profonde que jamais, comme l’ont montré les récentes élections américaines. Au bout du compte, ce facteur limite tout écart radical par rapport aux politiques centristes.
Même si l’on s’entendait sur le fait qu’il vaudrait la peine de viser l’atteinte de « résultats plus équitables », certains seraient d’avis qu’il faut pour ce faire donner plus aux pauvres, tandis que d’autres diraient qu’il faut plutôt aller chercher moins chez les gens qui ont travaillé pour leur argent. De plus, pour compliquer les efforts, d’autres soutiennent maintenant que l’initiative la plus importante d’une Grande Réinitialisation serait plutôt de maîtriser la dette, qui augmente depuis des décennies. Cette approche est à l’opposé d’un plan d’envergure visant à allouer de l’argent aux pauvres ou au sauvetage de l’environnement.
Bien que les mesures de lutte contre les changements climatiques semblent s’intensifier, cette tendance était déjà observable avant la pandémie. Il ne s’agit donc sans doute pas d’une réorientation soudaine des objectifs de la société à la suite de la pandémie.
- Dans la foulée de la pire récession de toute une vie, les gouvernements sont maintenant à court d’argent et ont désespérément besoin de croissance. Même si certaines des initiatives de la Grande Réinitialisation ne sont pas totalement incompatibles avec les contraintes imposées par la situation actuelle, la plupart le sont. Au cours des prochaines années, la priorité absolue sera probablement accordée au rétablissement de l’emploi et de la production. Le désir pressant de reconstruire la société commencera alors peut-être à s’estomper.
– Avec la contribution de Vivien Lee et de Kiki Oyerinde
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