Laurence Bensafi, cheffe déléguée, Actions, Marchés émergents, RBC Global Asset Management (UK) Limited, expose les facteurs à l’origine du rendement supérieur de la catégorie d’actif depuis le début de l’année et examine si cette tendance se poursuivra.
Principaux points à retenir
Les actions des marchés émergents sont celles qui affichent le meilleur rendement depuis début 2025, stimulées par le recul du dollar américain et par le fait que les investisseurs recherchent des sources de croissance à l’extérieur des États-Unis.
La Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite remettent en question le statut de « superpuissance » des États-Unis.
Les actions de ME se négocient à un niveau historiquement bas par rapport aux actions de MD, malgré leurs meilleures perspectives de croissance.
Les actions des marchés émergents (ME) sont à la traîne de leurs homologues des marchés développés (MD) depuis 2011, après avoir produit des rendements supérieurs au cours de la première décennie du siècle. La vigueur du dollar durant cette période a nui aux actions de ME, au même titre que le ralentissement de la croissance des bénéfices des ME par rapport à de nombreux pays des MD, en particulier pour les actions technologiques américaines. Toutefois, un revirement a eu lieu en 2025, l’indice MSCI EM ayant surpassé les autres indices boursiers régionaux au cours des six premiers mois de l’année.
Trump a marqué un tournant
Souvenons-nous que selon les anticipations à la fin de 2024, la réélection de Donald Trump devait prolonger l’ère de l’exceptionnalisme américain. Il était prévu que son programme favorable aux affaires ait un effet positif sur l’économie américaine et les bénéfices des sociétés. Mais au contraire, sa présidence a mis en lumière les faiblesses de l’économie américaine.
Les droits de douane réciproques proposés par le président Trump et les négociations commerciales qui ont suivi ont montré que le pouvoir de négociation des États-Unis n’était peut-être pas aussi solide que le président l’avait espéré. Le monde a changé. D’autres superpuissances, dont la Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite font leur entrée sur le devant de la scène. La Chine, en particulier, a gardé son sang-froid pendant toute une série de hausses de droits de douane de représailles. Le pays a abordé les pourparlers commerciaux avec un certain calme, après avoir compris que la Chine pouvait infliger aux États-Unis plus de dommages que ces derniers pouvaient infliger à la Chine – surtout en ce qui a trait à la fourniture de minéraux de terres rares, essentiels dans la chaîne logistique du secteur technologique américain.
Un autre problème lié à l’administration Trump a été son « Big, Beautiful Bill », un projet de loi qui devrait ajouter au moins 3 000 milliards de dollars américains au déficit budgétaire des États-Unis au cours de la prochaine décennie1. La hausse des emprunts du gouvernement entraîne une augmentation des émissions d’obligations du Trésor. Dans le passé, les pays émergents, dont la Chine, ont toujours été des acheteurs d’obligations du Trésor américain. Toutefois, la situation est en train de changer : les pays en question sont conscients qu’il existe des moyens de réagir à la hausse des droits de douane américains sans pour autant s’engager dans une guerre commerciale.
Les choses tournent autour du dollar
Le dollar est à la baisse depuis que les taux d’intérêt américains ont atteint leur sommet en octobre 2023, mais son déclin s’est accéléré depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Les craintes de récession, les attaques répétées du président américain contre le président de la Réserve fédérale, Jay Powell, qui refuse de réduire les taux d’intérêt, les préoccupations quant à l’ampleur du déficit budgétaire des États-Unis et la stabilité des politiques ont contribué à affaiblir le billet vert.
Bien qu’il soit généralement admis que les politiques de Donald Trump ne peuvent pas être fructueuses sans un affaiblissement du dollar, la rapidité de cette dépréciation est un facteur essentiel. Un déclin progressif au cours des prochaines années renforcerait la compétitivité des exportations américaines et persuaderait les pays émergents d’importer davantage de produits américains, ce qui contribuerait à rééquilibrer l’économie mondiale. Depuis le début de l’année, l’indice du dollar américain, qui mesure la valeur du dollar par rapport à un panier de devises des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, a chuté d’environ 10 %.
Les pays émergents offrent des occasions de croissance de qualité élevée
L’incertitude aux États-Unis a suscité un intérêt pour les occasions de croissance dans d’autres régions du monde. Les actions des marchés émergents, tout comme celles de l’Europe, ont attiré l’attention des investisseurs. En plus de leurs perspectives de croissance démographique, les pays émergents offrent les meilleures occasions de gains de productivité et de croissance économique et disposent de sociétés de qualité élevée, capables de saisir ces occasions et de les transformer en croissance des bénéfices.
Malgré ces tendances favorables, les actions de ME se négocient avec un escompte historiquement élevé d’environ 50 % par rapport aux actions américaines, comme le montre le graphique ci-dessous. Cet escompte est comparable à la prime de 10 % de 2011.
Valorisations relatives favorables : les actions de ME se négocient à des prix historiquement avantageux par rapport aux actions de MD
Ratios C/CV absolus du MSCI EM et du MSCI DM
Sources: Bloomberg, MSCI en date de juin 2025
Nous ne nous attendons pas à ce que le titre profite d’une prime à court terme, mais nous estimons que la juste valeur serait inférieure d’environ 20 %, compte tenu de l’incertitude géopolitique actuelle. Cela laisse encore un potentiel de hausse important pour les actions des ME par rapport aux actions américaines.