À première vue, la vie en Chine renoue avec une forme de normalité. Depuis avril, toutes les interdictions de déplacements à l’intérieur du pays ont été levées, y compris à Wuhan, la ville à l’origine de l’épidémie ; les restrictions touchant les restaurants ont été assouplies et les clients s’y sont rendus en grand nombre. En mai, durant le congé de la semaine d’or, la période la plus populaire de l’année pour les voyages, 115 millions de Chinois se sont déplacés selon le ministère de la Culture et du Tourisme1. Cependant, la plupart d’entre eux ont choisi des destinations situées dans leur province de résidence. Les touristes qui ont voyagé plus loin couraient le risque d’être placés en quarantaine à leur retour en fonction des résultats d’un système de codes de couleur géré par une application pour téléphone intelligent2. Bien que les usines soient de nouveau opérationnelles, bon nombre d’entre elles font face à une baisse de leurs commandes en raison de la diminution de la demande dans le monde ; Foxconn, le plus important sous-traitant d’Apple dans la région, illustre bien cette situation, puisque l’entreprise aurait demandé à certains de ses employés de Shenzhen de prendre un congé prolongé de mai à septembre3. En réalité, pour les entreprises, cette « nouvelle normalité » se traduit par de nouveaux défis engendrés par une chute de la demande et une réduction de la consommation.
La pandémie fait également resurgir de vieux problèmes. Ceux-ci se manifestent de façon particulièrement évidente dans la relation toujours plus tendue entre la Chine et les États-Unis. Cette tension était sous-jacente depuis plusieurs années, mais les retombées de la COVID-19 mettent en relief l’urgence de réévaluer les relations entre les deux pays. Après des années de questionnements idéologiques entre les deux plus grands partenaires commerciaux du monde, les décideurs et les sociétés chinoises doivent rapidement s’adapter alors que l’on constate un fléchissement des relations commerciales et géopolitiques.
Mais le plus grand défi de tous est sans doute le modèle de croissance chinois lui-même. La croissance axée sur l’investissement n’a plus le même rythme qu’après la crise financière de 2008 : la part de l’économie mondiale de la Chine avait triplé, passant de 6 % avant la crise financière mondiale à 18 % en 2017, alors que la demande globale a chuté4. L’endettement intérieur a aussi considérablement augmenté : on estime que le ratio dette-PIB de la Chine atteindra 298 % à la fin de l’année 2020, contre 154 % avant la crise financière mondiale, tandis que le crédit est aujourd’hui moitié moins efficace à stimuler la croissance. Les décideurs chinois doivent concevoir un nouveau cadre de placement pour continuer de réaliser des gains de productivité sans augmenter la dette dans les mêmes proportions.
Néanmoins, en observant de près les changements entrepris par les sociétés et les décideurs chinois, il est permis d’être optimistes. Dans un scénario où un certain « découplage » est inévitable, la croissance de la demande intérieure, à 11 %, devrait servir de zone-tampon6. Sur le plan commercial, même parmi les secteurs d’exportation les plus durement éprouvés, certaines sociétés et certains secteurs sont bien placés pour résister à la crise. Plus actif et plus important que jamais, le secteur des services est galvanisé par le secteur technologique et offre des perspectives attrayantes pour la croissance économique du pays.
Cet article tentera d’identifier les quatre grandes tendances qui, espérons-le, permettront à la Chine de relever ces défis structurels.
Premièrement, les entreprises relocalisent activement leurs activités à l’étranger afin de réduire leurs coûts et de rester proches des consommateurs. Deuxièmement, celles qui sont en mesure de progresser dans la chaîne de valeur sont mieux placées pour surmonter la crise, quoique certaines demeurent vulnérables. En parallèle, des secteurs d’activité traditionnels comme la logistique et l’immobilier, peuvent encore stimuler la croissance intérieure. Enfin, le gouvernement chinois est prêt à réorienter ses investissements dans certains secteurs pour assurer la prochaine phase de croissance, comme il l’a fait il y a de cela une dizaine d’années. Nous examinerons ensuite la façon dont ces changements influencent les placements en Chine. Comme la croissance économique devrait fléchir dans l’avenir, passant de taux d’un peu plus de 10 % dans la dernière décennie à des taux de 1 à 5 % dans les prochaines années, le rendement des actions chinoises ne suivra pas nécessairement la même courbe7. En fait, des changements structurels sur les marchés pourraient stimuler le rendement de certains secteurs, même dans un contexte de ralentissement de la croissance, mais les bénéfices ne seront pas répartis de façon uniforme, rendant particulièrement importante une approche sélective en matière de placements.
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