Siguo Chen, gestionnaire de portefeuille, équipe Actions asiatiques RBC, RBC Global Asset Management (Asia) Limited, fait part de ses réflexions sur l’économie chinoise, les perspectives du marché boursier de la Chine et les occasions structurelles pour les investisseurs.
Transcription
Comment voyez-vous l’économie chinoise à l’heure actuelle ?
Si nous décomposons l’économie en différents secteurs, nous voyons que ceux-ci affichent des tendances différentes. En ce qui concerne l’immobilier, qui est un pilier très important de l’économie, nous constatons une stabilisation, mais des tendances encore faibles.
Le bon côté des choses, je dirais, c’est que maintenant, nous sommes convaincus que le décideur politique aura quelque chose en main. Et il s’agit là de politiques plus expansives pour donner un élan plus vigoureux dans ce secteur. Voilà pour ce qui est de l’immobilier.
La consommation est un autre secteur important de l’économie. Nous constatons des tendances faibles en matière de consommation et même quelques signes de déflation, mais nous observons en fait des tendances en évolution depuis le déconfinement lié à la pandémie de COVID-19. Par exemple, juste après le déconfinement, nous avons assisté à une énorme croissance, tous les secteurs étant en plein essor en raison de la demande accumulée.
Par la suite, nous avons observé des tendances divergentes : par exemple, le haut de gamme et le très bas de gamme se portent bien, mais le milieu de gamme est en fait en perte de vitesse. Puis, un peu plus de six mois après, nous constatons que les secteurs du luxe s’essoufflent. Une chose très intéressante est la résilience du bas de gamme au fil du temps, et nous nous apercevons que le segment de l’expérience de consommation a plutôt bien résisté.
D’autres secteurs comme l’exportation ... eh bien, en fait, l’exportation a très bien résisté. En janvier et en février, la croissance a été de 7 %. Je pense que pour l’ensemble de l’année 2024, nous verrons une croissance des exportations de l’ordre de 3 à 4 %1, ce qui est acceptable. Un autre secteur qui est encore très robuste est la production manufacturière.
C’est également sur ce secteur que portera le soutien politique. Il s’agit d’un segment dans lequel nous avons un peu plus confiance à long terme et dans lequel nous sommes plus à l’aise pour investir.
Quelles sont vos perspectives pour le marché boursier en Chine ?
Tout d’abord, les données fondamentales ne sont pas mauvaises, pas aussi mauvaises que certains le pensent. Par exemple, la croissance des bénéfices cette année devrait être de 14 à 15 % pour l’indice MSCI Chine, 2, mais la comparaison se fait à partir d’un faible niveau observé l’an dernier. Néanmoins, il s’agit d’une très forte tendance à la reprise. Voilà ce qui en est des données fondamentales.
Nous examinons les valorisations, qui sont plus qu’attrayantes. Les ratios cours-bénéfice sont actuellement de huit ou neuf, alors que la moyenne historique est de 12 fois. Il n’est pas possible d’argumenter uniquement sur la base de l’évaluation, et il est également un peu malavisé de dire qu’elle est incluse dans le prix. Mais je pense que nous avons vu un exode d’investisseurs étrangers qui se sont retirés de la catégorie d’actifs. Avec cette valorisation combinée à la croissance des bénéfices, un autre facteur très important est qu’à l’instar d’autres catégories d’actifs, nous constatons également que les entreprises chinoises font des efforts considérables en matière de rendement pour les investisseurs.
Maintenant, nous constatons que les sociétés d’État et les sociétés fermées augmentent le rendement des actionnaires, ce qui est une bonne chose que vous voulez voir sur le marché boursier. Je pense que c’est une excellente configuration pour cette catégorie d’actifs.
Quels sont les principaux obstacles pour les investisseurs actifs dans la région ?
Les 4 D, c’est-à-dire la dette, la démographie, la déflation, ainsi que le découplage. Le problème des 4 D auquel l’économie et les marchés chinois sont confrontés. Il s’agit peut-être là d’une affirmation ou d’une réflexion peu conventionnelle. Je pense qu’en tant qu’investisseurs, en fait, les questions macroéconomiques sont un peu plus faciles à gérer pour nous. Il est très difficile d’y faire face dans le contexte de l’économie globale, mais en tant qu’investisseurs, parce que nous pouvons choisir, il est en fait plus facile de naviguer, par exemple, dans le domaine de la dette. Tout d’abord, ce n’est pas un problème propre à la Chine. De nombreuses économies majeures sont aujourd’hui confrontées à ce problème d’endettement élevé. La Chine est plus touchée par la dette des gouvernements locaux, mais nous croyons qu’il n’y aura pas d’effet de contagion. Il suffit d’éviter certains secteurs qui y sont fortement exposés : certaines banques régionales, certains secteurs immobiliers, ce qui est très facile. En ce qui concerne la démographie, il s’agit là encore d’un problème omniprésent dans l’ensemble des pays d’Asie du Nord-Est.
En tant qu’investisseurs, nous pouvons miser sur cette tendance au lieu de miser contre elle. Par exemple, nous pouvons investir dans des hôpitaux ou dans certaines entreprises de soins de santé qui profiteront de cette tendance. Je dirais qu’il est également plus facile pour les investisseurs de s’y retrouver de cette manière. Et il en va de même pour la déflation. Nous avons de très bons choix d’entreprises grâce à notre thématique de rationalisation des dépenses. Par exemple, certaines entreprises qui offrent un très bon rapport qualité-prix, et dont les résultats ont été excellents au cours des derniers trimestres et de l’année écoulée.
Ce sont de très bonnes options de placement pour nous. Je dirais que le découplage ou les questions géographiques sont un peu difficiles à comprendre pour les investisseurs. Même dans ce cas, je pense que nous devons simplement être disciplinés et rester à l’écart des zones d’ombre.
Existe-t-il des occasions structurelles intéressantes dans le secteur des actions chinoises ?
J’envisagerais maintenant cette question, purement et simplement, selon deux approches. L’une d’entre elles est descendante. Je sais qu’il y a eu beaucoup de pessimisme à propos de la Chine, de son économie, de sa situation politique et de son marché.
Il ne faut pas oublier qu’il s’agit toujours de la deuxième plus grande économie mondiale, dont la croissance se maintient à un rythme respectable. Si l’on considère le placement en actions, nous avons plus de 6 000 entreprises dans lesquelles vous pouvez investir, soit le deuxième plus grand nombre après les États-Unis. Vous avez ainsi le choix entre de nombreuses options. Sans parler du fait que nous examinons aussi l’avantage de la diversification en investissant, disons, en Chine plutôt que sur les marchés développés, n’est-ce pas ? C’est un angle descendant. Pour ce qui est de l’angle ascendant, je vous dirais simplement qu’il y a de nombreuses entreprises qui afficheront une croissance de 20 à 30 %3 d’une année sur l’autre pour les deux ou trois prochaines années. Avec un bilan robuste, un flux de trésorerie disponible très solide et un rendement des capitaux propres d’environ 20 %, et se négociant à 20 fois, voire moins.