David Lambert, chef, Actions européennes RBC et premier gestionnaire de portefeuille, RBC Global Asset Management (UK) Limited, nous fait part de ses réflexions sur 2024 et l’année à venir.
Transcription
David Lambert
Premier gestionnaire de portefeuille et chef, Actions européennes
RBC Global Asset Management (UK) Limited
David Lambert : L’année 2024 a été mitigée : les actions européennes ont connu une très forte croissance à partir d’octobre 2023, enregistrant une hausse de 20 % jusqu’en mai, avant de faire du surplace. L’année s’est donc déroulée en deux temps. Il s’est passé beaucoup de choses en Europe, notamment en ce qui concerne la politique française.
L’extrême droite a gagné du terrain, avant que l’extrême gauche finisse par l’emporter pour former le gouvernement. L’Allemagne a également connu des turbulences politiques à l’approche de nouvelles élections, qui pourraient être tenues en février prochain. Et au Royaume-Uni, des élections ont eu lieu. Beaucoup de choses se sont déroulées en arrière-plan. Cette situation n’a pas constitué une toile de fond idéale pour la demande intérieure en tant que telle. Toutefois, nous devons toujours garder à l’esprit qu’en ce qui concerne les actions des sociétés européennes, c’est la portée mondiale de ces dernières qui retient notre attention.
L’Europe ne représente qu’un tiers des revenus des sociétés européennes. En fait, ce qui se passe en Europe n’est pas forcément aussi important que ce qui se passe dans le reste du monde. L’autre facteur clé qui a eu un impact sur les actions européennes est l’évolution de la situation en Chine et de la demande intérieure dans ce pays. La Chine est l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Europe. Le ralentissement que nous avons observé dans ce pays n’a pas été particulièrement favorable à la région.
Malgré cela, les bénéfices ont augmenté d’environ 3 %. La croissance des bénéfices a été plutôt modeste cette année, car certains secteurs cycliques, la technologie en particulier, ont exercé une pression sur les bénéfices. Nous prévoyons que cette pression se dissipera et que les bénéfices s’amélioreront. Je qualifierais l’année de mitigée. Nous avons vu les marchés enregistrer une croissance positive, mais ils stagnent depuis un bon moment.
Toutefois, les pays périphériques européens ont représenté un point fort. L’Espagne et l’Italie, en particulier, ont affiché une excellente croissance du PIB, mais les résultats de leurs marchés boursiers ont également été très impressionnants. Il s’agit d’un aspect encourageant au sein de l’Europe. En Espagne, par exemple, la croissance du PIB devrait selon nous s’établir bien au-dessus de 2,5 % cette année. Les banques espagnoles, les sociétés financières espagnoles et les sociétés financières italiennes ont toutes fait preuve d’un grand dynamisme. Cette vigueur a été un point fort en Europe et nous nous attendons à ce qu’il en demeure ainsi.
En 2025, nous devrions dépasser la croissance modeste des bénéfices de 3 % observée cette année et atteindre une croissance à deux chiffres. Je pense qu’il y a quelques aspects intéressants. De toute évidence, la situation est claire au Royaume-Uni du point de vue du gouvernement et du budget, qui a maintenant été dévoilé. En Allemagne, nous obtiendrons plus de précisions à la suite des élections qui auront lieu au début de février prochain, et la France pourrait aussi réussir à résoudre ses difficultés. Ces éclaircissements pourraient renforcer quelque peu notre confiance à l’égard des sociétés axées sur le marché intérieur européen.
Malgré cela, il est évident que beaucoup de choses se profilent à l’horizon. La Chine, nous l’espérons, se redressera depuis un point de départ très bas. Nous ne savons pas encore ce qui se passera aux États-Unis dans la foulée des élections, notamment en matière de tarifs. En fin de compte, nous devons revenir à ce qui retient notre attention concernant les sociétés européennes, à savoir leur capacité, grâce à leur présence généralement mondiale, d’affecter des capitaux n’importe où dans le monde, ce qui leur permet d’obtenir des rendements plus élevés à un taux de croissance raisonnable et d’exploiter les secteurs de croissance à l’échelle mondiale. En Europe, nous voyons de nombreuses occasions de tirer parti de cet atout et de profiter d’une croissance des bénéfices à deux chiffres. Si l’on tient compte également des valorisations, tant d’un point de vue absolu que relatif, l’Europe semble bon marché dans les deux cas.
Par conséquent, nous estimons que les valorisations bénéficient d’un soutien. Si nous observons une décélération des bénéfices, nous sommes assez convaincus qu’il pourrait y avoir une croissance des bénéfices à deux chiffres et peut-être aussi une réévaluation, puisque l’écart entre les valorisations américaines et européennes pourrait se rétrécir quelque peu. Nous ne nous attendons pas à ce que les actions de l’Europe se négocient sur un pied d’égalité avec celles des États-Unis, étant donné le rendement et la croissance plus élevés de ces derniers. Mais en fait, comme la croissance des bénéfices s’accélère et que la disparité actuelle des bénéfices, soit la croissance des États-Unis moins celle de l’Europe, commence à diminuer, nous pourrions voir cet écart de valorisation se réduire. C’est de bon augure pour l’Europe dans son ensemble.
Il ne faut pas oublier que les entreprises européennes, ainsi que les consommateurs, sont probablement plus sensibles aux taux que celles des autres régions du monde. Si nous nous attendons à ce que la BCE continue de réduire ses taux considérablement, voire plus que la Fed, le marché des actions européennes pourrait également être avantagé.