Les changements climatiques constituent un problème pressant qui peut rejaillir sur l’économie mondiale, les marchés et la société. Pour les atténuer, il faudra réduire considérablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES)1.L’un des moyens les plus rentables d’encourager ces réductions est de fixer un prix du carbone, ce qui peut être réalisé soit par une taxe sur le carbone, soit par un programme de plafonnement et d’échange.
En donnant un prix aux émissions, on modifie les incitations économiques, car on rend la pollution plus coûteuse. Le présent article portera sur l’établissement d’une tarification du carbone au moyen de programmes gouvernementaux et réglementaires de plafonnement et d’échange. Ces systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) plafonnent la quantité d’émissions des entreprises réglementées et permettent ensuite un « échange » de quotas entre celles qui ont dépassé leur plafond autorisé et celles qui ont réduit leurs émissions en dessous de celui-ci. De cette façon, un programme de plafonnement et d’échange encourage les réductions d’émissions au coût le plus bas possible.
Le premier SEQE a été créé par l’Union européenne (UE) en 2005 ; à l’heure actuelle, 45 administrations nationales et 35 administrations infranationales ont mis en œuvre une forme ou une autre de SEQE ; elles représentent 21 % des émissions annuelles mondiales et plus de 50 % du PIB mondial2. Ces systèmes d’échange de quotas d’émission sont à la base des marchés du carbone et permettent l’établissement du carbone.
Fonctionnement des marchés du carbone
Les marchés du carbone existent dans le cadre de programmes obligatoires (de conformité) et de programmes volontaires. Les programmes de conformité sont créés et réglementés par les lois et les gouvernements nationaux, régionaux ou sous-régionaux. Les marchés volontaires sont distincts des marchés de conformité et permettent aux entreprises d’acheter et de vendre des titres compensatoires en carbone pour atteindre leurs propres objectifs. Les règles régissant le fonctionnement des marchés volontaires du carbone ont été établies lors de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) de 2021 et orienteront leur mise en œuvre à l’avenir.
Les marchés réglementaires du carbone fonctionnent comme des programmes de plafonnement et d’échange (voir le diagramme3) avec des règles et des exigences établies par les systèmes d’échange de quotas d’émission, qui sont à leur tour régis par des organismes gouvernementaux et des lois.
On trouve notamment des systèmes d’échange de quotas d’émission réglementés et des marchés du carbone dans l’UE, en Chine (lancement en juillet 2021), en Corée du Sud, au Kazakhstan, en Nouvelle-Zélande, dans 10 États américains (dont la Californie et New York), au Québec et à Tokyo. Il y a aussi des systèmes en cours de développement ou à l’étude au Mexique, en Turquie, en Ukraine, au Brésil, à Taïwan et en Thaïlande, entre autres4. En mai 2021, le Canada a annoncé qu’il entendait créer un marché national d’échange de droits d’émission de carbone. Bien que les règles varient d’un pays à l’autre, les secteurs ou groupes habituellement soumis à un SEQE comprennent la production d’énergie, le raffinage du pétrole et du gaz, la fabrication de produits chimiques, la production minière et la sidérurgie, la transformation des pâtes et papiers, la cimenterie et les transports.
Les marchés du carbone se composent de marchés primaires et secondaires, et les échanges de carbone représentent aujourd’hui environ 1 milliard de dollars US par jour (quotas d’émission de carbone, contrats à terme et options)5.
- Dans le marché primaire, les quotas d’émission de carbone sont achetés et vendus par des sociétés réglementées. Les gouvernements ou les organismes de réglementation établissent des « plafonds » d’émission pour les secteurs et allouent des quotas d’émissions à chaque entreprise participante, qui peut ainsi émettre légalement 1 tonne de CO2. Les entreprises qui dépassent leur quota et celles qui ne l’utilisent pas totalement peuvent se livrer à des échanges sur le marché du carbone. Dans certaines régions, comme l’Asie de l’Est et l’Amérique du Nord, les entités réglementées peuvent acheter des titres compensatoires en carbone (ou des crédits carbone) pour s’acquitter de leurs obligations (voir l’encadré).
- Dans le marché secondaire, les acteurs du marché (notamment les banques et les négociateurs) sont en mesure de fournir des liquidités aux sociétés réglementées par des programmes de plafonnement et d’échange. Les sociétés réglementées peuvent également se protéger contre de futures hausses de prix. Tous les systèmes d’échange de quotas d’émission établis de longue date comportent des marchés de contrats à terme standardisés pour améliorer la liquidité et la détermination des prix, ce qui favorise à la fois une plus grande efficience du marché et une demande sur le marché6.
Définition des titres compensatoires en carbone
Les titres compensatoires en carbone sont des crédits accordés à un projet ou à un organisme en échange de l’élimination ou de la réduction de leurs émissions. Les régimes réglementés et volontaires comportent des mécanismes de vérification dont la rigueur et la qualité varient d’un programme à l’autre. Le programme de compensation des émissions de carbone, ainsi que d’autres facteurs tels que l’emplacement géographique, l’orientation et l’échelle du projet, contribuent à l’écart de prix entre les titres compensatoires en carbone achetés et vendus sur le marché du carbone (p. ex., les titres compensatoires en carbone de meilleure qualité pouvant être vendus sur le marché réglementé valent plus).
Parmi les projets susceptibles de donner droit à des titres compensatoires, on peut citer la production d’énergie à partir de sources renouvelables, la foresterie, le captage et stockage du carbone, les améliorations écoénergétiques, le captage des gaz sur les lieux d’enfouissement, l’élimination des substances qui appauvrissent la couche d’ozone et le captage du méthane émanant des déjections animales, entre autres. Les critères suivants sont généralement utilisés pour déterminer le droit à un titre compensatoire en carbone7 :
- Réelles : démontrer des réductions réelles des émissions qui ont déjà eu lieu (c.-à-d. qu’elles ne devraient pas se produire à l’avenir).
- Supplémentaires : la réduction des émissions doit s’ajouter aux réductions normalement attendues.
- Permanentes : les émissions doivent être réduites de façon irréversible ou stockées pendant un certain nombre d’années.
- Vérifiables : les réductions d’émissions doivent être étayées par des données d’une qualité et en quantité suffisantes pour permettre une inspection par un vérificateur indépendant.
- Quantifiables : les réductions des émissions doivent pouvoir être mesurées de façon fiable.
- Conformes à la réglementation : les titres compensatoires doivent pouvoir être attribués de façon claire et incontestable, et des mécanismes contraignants doivent être en place pour assurer le respect des règles du programme.
Paramètres de fixation des prix du carbone
Le prix du carbone est déterminé à la fois par l’offre et la demande de quotas et de titres de compensation, mais aussi par les attentes des acteurs du marché quant à l’orientation future des prix. L’offre et la demande de quotas de carbone sont déterminées par le nombre de quotas fournis dans le cadre de chaque SEQE et le coût de la réduction des émissions pour les entités réglementées, lequel variera en fonction de la société, du secteur et de la région. Au fil du temps, les gouvernements réduisent généralement le plafond des émissions, ce qui signifie que les entreprises doivent réduire encore plus leurs émissions, d’où une augmentation du coût (et du prix) des quotas d’émission de carbone.
Des réformes fondamentales ont été récemment appliquées aux marchés du carbone afin d’en assurer le bon fonctionnement et de réduire l’incidence de tout ralentissement économique sur les prix du carbone : introduction de prix du carbone en deçà desquels les échanges ne sont pas autorisés, réduction des volumes mis aux enchères lorsque les quotas dépassent une certaine limite, et allocation gratuite de quotas aux entreprises de façon à récompenser les installations les plus efficaces dans chaque secteur. Par exemple, la réserve de stabilité du marché (RSM) de l’UE a été mise en place en 2019 afin de répondre à l’offre excédentaire de quotas d’émission de carbone qui s’était formée à la suite de la crise économique de 2008-2012 et qui a entraîné un effondrement des prix du carbone. Des quotas y sont automatiquement transférés dès qu’il y en a trop sur le marché et sont remis sur le marché lorsqu’il y en a trop peu. Ce mécanisme repose sur des seuils prédéfinis et sans intervention des organismes de réglementation.
La forte révision à la hausse des objectifs des gouvernements en matière de réduction des émissions de GES, y compris ceux définis dans le cadre de l’Accord de Paris et d’engagements plus récents de parvenir à zéro émission nette d’ici 2050, continuera d’exercer une pression à la hausse sur les prix du carbone à mesure que les quotas d’émission de carbone prendront de la valeur. Selon Net Zero Tracker (outil de suivi des progrès vers la carboneutralité)8, en 2021, 55 pays avaient pris des engagements visant zéro émission nette, notamment les pays membres de l’Union européenne, la Chine, le Japon, le Canada et les États-Unis. Lancé en février 2021, le système d’échange de quotas d’émission de la Chine est devenu le plus grand marché mondial de carbone9. Pour ces pays et d’autres, la tarification du carbone sera un outil politique important et rentable que les gouvernements pourront utiliser pour remplir leurs objectifs climatiques.
Prix du carbone au 1er avril 202110
Nota : prix nominaux au 1er avril 2021, à titre indicatif seulement. Le SEQE de la Chine, le projet pilote du Mexique et le SEQE du Royaume-Uni sont absents du graphique, car aucune donnée relative aux prix n’est disponible pour ces initiatives. Les prix ne sont pas nécessairement comparables entre initiatives de tarification du carbone en raison des différences en matière de secteurs visés et de méthodes d’attribution et de compensation, et d’exemptions spécifiques. Les fourchettes de prix du carbone pour 2020 suivent les recommandations de la Commission de Haut Niveau de 2017 de la Banque mondiale.
Le nombre de pays et territoires qui appliquent la tarification du carbone et les volumes d’émissions concernés augmentent d’année en année. Bien que la tarification du carbone soit de plus en plus répandue, il faudra que les prix augmentent considérablement au cours de la prochaine décennie pour stimuler les réductions d’émissions nécessaires en vue d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à un niveau bien inférieur à 2oC (voir le graphique). D’après différentes études, ils doivent être d’au moins 40 $ US à 80 $ US la tonne de CO2 d’ici 2020, et 50 $ US à 100 $ US d’ici 203011. Selon le rapport sur l’état et les tendances concernant la tarification du carbone en 2021, seulement 3,76 % des émissions mondiales étaient associés à un prix du carbone supérieur à 40 $ US/teCO2, ce qui constitue la partie basse de la fourchette prescrite par l’Accord de Paris. Le prix mondial moyen du carbone était de 24,05 $/teCO2 au 31 décembre 202012. Une hausse importante du prix du carbone sera nécessaire au cours de la prochaine décennie pour que les gouvernements puissent respecter leurs engagements de parvenir à zéro émission nette et de limiter le réchauffement de la planète, conformément à l’Accord de Paris.
Quelle est la prochaine étape pour les marchés du carbone ?
Des signaux clairs de tarification du carbone sont nécessaires pour encourager la réduction des émissions et pour atteindre les objectifs zéro émission nette. Les systèmes d’échange de droits d’émission de carbone sont des mécanismes d’intervention efficaces pour établir la tarification du carbone et le bon fonctionnement des marchés du carbone peut contribuer à la réduction des émissions. Les occasions de placement augmenteront à mesure que les marchés du carbone se développeront.
RBC Gestion mondiale d'actifs (RBC GMA) appuie l’objectif mondial de zéro émission nette d’ici 2050. Nous continuerons de respecter les engagements et mesures mentionnés dans notre objectif de carboneutralité. Pour y parvenir, nous prenons en compte les impacts financiers des changements climatiques dans notre méthode de placement, nous mesurons et surveillons la conformité des émetteurs en matière de carboneutralité, et nous effectuons des communications suivies avec ceux pour lesquels le climat représente un risque financier majeur s’ils ne disposent pas de cibles et de plans d’action. En ce qui a trait à nos propres activités, nous nous engageons à maintenir un bilan carbone nul, comme nous l’avons fait chaque année depuis 2017. Étant donné que nous appuyons officiellement le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), nous croyons qu’il est primordial de divulguer en toute transparence les risques et occasions liés au climat et de présenter des renseignements détaillés concernant les changements climatiques dans notre Rapport GIFCC 2021.
Renseignez-vous sur l’investissement responsable à RBC Gestion mondiale d’actifs.