Au cours des derniers mois, les marchés émergents ont perdu une partie de l’avance qu’ils avaient récemment prise sur les marchés développés en raison de l’appréciation du dollar américain au premier trimestre et de la forte baisse des actions chinoises, qui représentent une part importante de l’indice des marchés émergents.
Ce rendement masque le changement radical de style de gestion dominant amorcé à la fin de 2020, alors que l’optimisme entourant le redémarrage de l’économie a amené les actions de valeur et les actions cycliques à obtenir des rendements supérieurs après plusieurs années de disette. Ce changement a été favorisé par la demande accumulée et la souplesse des politiques monétaire et budgétaire aux États-Unis, qui se sont traduites par la hausse des prévisions d’inflation.
Comme les actions de croissance ont inscrit de solides rendements au cours des dernières années, la valorisation de l’indice de croissance des marchés émergents est supérieure à celle de l’indice de valeur des marchés émergents. La valorisation du décile d’actions le plus cher de l’indice MSCI Marchés émergents a connu une hausse sans précédent par rapport à d’autres segments du marché au chapitre de la valeur comptable et des bénéfices. La prime de valorisation des actions les plus chères constituée durant les derniers mois ne découle pas d’une amélioration de la rentabilité relative. En effet, le rendement des capitaux propres du décile le plus cher des actions des marchés émergents a sensiblement diminué au cours des dernières années, tant sur le plan absolu que relatif.
La pondération des titres de sociétés à forte croissance, qui sont selon nous trop coûteux, est relativement limitée dans nos fonds des marchés émergents. Entre-temps, la reprise des actions de valeur a soutenu les titres des sociétés dont les valorisations sont les plus faibles. Par conséquent, nous privilégions nettement le segment intermédiaire des actions de qualité, où nous pouvons trouver des titres qui se négocient à des niveaux de valorisation raisonnables. Nous demeurons prudents tant pour les segments les plus chers du marché que pour les secteurs à forte valeur dans lesquels les sociétés peinent à obtenir un rendement équivalent au coût de leur capital.
Fourchette d’équilibre, indice Marchés émergents
Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Au cours des dernières années, nous avons constaté un écart de rendement important entre les marchés et les secteurs. L’écart de rendement entre les pays peut en grande partie s’expliquer par la composition sectorielle des indices. Ainsi, les pays cycliques et tributaires du secteur de la finance, comme la Turquie et le Chili, semblent bon marché par rapport à leurs niveaux historiques. Par contre, Taïwan, où le secteur de la technologie est important, semble cher. Les valorisations se situent juste au-dessus des niveaux moyens à long terme dans la plupart des pays émergents, conformément à la valorisation globale de l’indice. Nous sommes particulièrement optimistes quant aux perspectives de l’Inde, qui offre un bon choix de sociétés de grande qualité. Les marchés latino-américains ont déçu au cours de la dernière année, mais les valorisations attrayantes, la reprise économique et les améliorations des politiques favorisent une éclaircie des perspectives dans un contexte d’incertitude politique. En Chine, la libéralisation du marché et les réformes financières sont positives, et nous pensons que la guerre commerciale aura pour effet de motiver fortement la Chine à atteindre ses objectifs à long terme de domination technologique et d’autosuffisance. Les valorisations élevées des sociétés de croissance de qualité supérieure sont notre principale source de préoccupation.
Nous constatons un changement important dans la composition de l’indice MSCI Chine : l’importance accrue des sociétés liées à Internet, qui représentent maintenant environ 50 % de la capitalisation boursière de l’indice, surpasse la prépondérance passée de la finance, de l’énergie et des matières. L’augmentation de l’écart de valorisation entre les actions des sociétés liées à Internet et les secteurs à faible croissance a eu pour effet d’accélérer cette différence de pondération.
Des écarts de valorisation importants persistent entre les secteurs dans l’ensemble des marchés émergents. Les secteurs avantagés par la COVID-19, comme les soins de santé, la consommation discrétionnaire (principalement le commerce électronique dans les marchés émergents), les services de communications (dominés par les médias sociaux) et la technologie de l’information, semblent tous surévalués. Par contre, les valorisations de la finance et de l’énergie sont faibles. Nous privilégions les secteurs de la consommation, qui sont axés sur des rendements élevés et favorisés par des facteurs comme la hausse des revenus, les réformes économiques, la situation démographique attrayante, la montée de l’urbanisation et les tendances en matière d’emploi. Parmi les secteurs cycliques, nous préférons la finance en raison des valorisations, de l’amélioration de la qualité des actifs, du faible taux de pénétration et de la croissance structurelle. Nous réduisons graduellement la pondération des segments coûteux du marché liés à Internet. En plus des préoccupations à l’égard des valorisations, de plus en plus de signes nous laissent croire que les sociétés liées à Internet seront confrontées à des obstacles sur le plan de la concurrence, de la réglementation et de la hausse des impôts.
Du point de vue géographique, nous nous concentrons sur les vulnérabilités des marchés émergents advenant la hausse continue des taux des obligations mondiales. Par le passé, les marchés émergents qui présentaient un important déficit du compte courant ont souffert dans un tel contexte. Nous notons cependant que le déficit du compte courant des cinq marchés émergents les plus fragiles – l’Afrique du Sud, la Turquie, le Brésil, l’Indonésie et l’Inde – s’est considérablement amélioré depuis la crise liée à la réduction de la relance en 2013.
Les variations du rendement des actions des marchés émergents par rapport à celles des marchés développés ont tendance à se produire par vagues, les longues périodes de rendements supérieurs étant suivies de longues périodes de rendements inférieurs. Les marchés émergents ont affiché des rendements considérablement supérieurs de 2000 à 2010, mais inférieurs pour la plupart au cours de la dernière décennie. Le dollar américain et l’importance de l’écart de la croissance économique et des bénéfices entre les marchés émergents et les marchés développés sont les facteurs qui influent généralement sur le rendement relatif des marchés émergents. À notre avis, les arguments qui militent en faveur d’une orientation favorable de ces facteurs et du début d’une période de rendements supérieurs des marchés émergents sont assez convaincants.
Après une excellente décennie, le dollar américain semble cher selon la plupart des mesures d’évaluation. L’assouplissement monétaire et budgétaire énergique aux États-Unis, qui a entraîné une hausse du déficit du compte courant du pays, conjugué à l’accroissement des déficits budgétaires, contribue à la dépréciation du billet vert. Bien que la politique soit accommodante aux États-Unis et dans la plupart des autres marchés développés, ce n’est pas le cas en Chine, où un resserrement ciblé est en cours. La Chine a fixé des objectifs de croissance relativement prudents, en donnant la priorité à la gestion de l’endettement excessif, afin d’aligner la croissance du crédit sur le PIB nominal. Le penchant pour le resserrement se traduit également par l’encadrement continu de l’immobilier résidentiel au moyen de limites visant les ratios financiers des promoteurs et les prêts immobiliers. Le resserrement en Chine favorise grandement les obligations chinoises, qui ont attiré d’importants capitaux étrangers. De plus, l’orientation relativement prudente de la politique laisse entrevoir une appréciation du renminbi à long terme.
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